Prisons sous haute tension




Par Mustapha Sehimi

La sociologie de cette population carcérale nationale est intéressante à relever: 2.722 femmes (2,59 %), 1.069 mineurs 51,02 %) et 2.539 personnes âgées de plus de 60 ans (2,41 %); les célibataires en tête avec 65.584 détenus (62,41%), et les mariés (31,14 %). Il faut ajouter un autre indicateur significatif lié à la surreprésentation des catégories vulnérables Surpopulation carcérale avec 105.094 détenus dont 33,6% à titre préventif, une capacité d'accueil de 65152 places, 12% de la population d'entre eux sous traitement psychiatrique : un tableau préoccupant. Malgré cela, des programmes en cours visant la déradicalisation de certains détenus et la réinsertion. Mustapha Sehimi explique.

Le rapport annuel 2024 de la délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) a été rendu public par le responsable de cette institution, Mohamed Salah Tamek. Il insiste sur 1'état des lieux dans ce secteur: "Les défis associés à cette question imposent des responsabilités accrues, notamment en termes d'extension de la capacité d'accueil des prisons, de la conformité aux normes internationales en matière de services sociaux et médicaux". Des chiffres ont été donnés : 105.094 détenus au 31 décembre 2024, soit une augmentation de plus de 40% en dix ans. Un taux de surpopulation de 161% malgré l'ouverture d'une nouvelle prison à Essaouira (1900), la réhabilitation d'Ain Sebaa 2 (+704 lits). Par régions, de Casablanca arrive en tête (20,27 %), suivie de Rabat- Salé- Kénitra (19,19%) tandis que Dakhla Oued Eddahab ne totalise que 411 détenus (0,39 %).

Profils et typologie

La sociologie de cette population carcérale nationale est intéressante à relever: 2.722 femmes (2,59 %), 1.069 mineurs 51,02 %) et 2.539 personnes âgées de plus de 60 ans (2,41 %); les célibataires en tête avec 65.584 détenus (62,41%), et les mariés (31,14 %). Il faut ajouter un autre indicateur significatif lié à la surreprésentation des catégories vulnérables: travailleurs indépendants (38.016 soit 36,17 %), métiers artisanaux 23.615 et 22,47 %), chômeurs ( 15.922 et 15,15 %) et 1.714 fonctionnaires (1,63 %). Le rapport va plus loin en présentant typologie des crimes et délits un tiers au titre de lois spéciales, crimes financiers ( 28.962), (33.310) soit 28,63 %), crimes contre les personnes (11.355 et 11,22 %) puis crimes contre le statut familial et la morale publique ( 10.627 soit 10,51 %). Il note, par ailleurs, l'aggravation progressive des peines comme suit: peines de courte durée de moins de deux ans (46,54 %)-dont 7,46% pour des peines de mois de six mois-, 1,93% entre 6 mois et un an (21,15%) entre un et deux ans des peines moyennes de deux à dix ans (44 %) et des peines lourdes (10 %) dont 520 détenus à perpétuité et 54 détenus condamnés à la peine capitale.

Mais il y a plus encore. Référence est faite à la santé mentale des détenus. Le rapport souligne à cet égard que c'est là un " lourd fardeau pour l'ensemble des fonctionnaires de la DGAPR, la prise en charge des détenus sous traitement psychiatrique nécessite un suivi continu et une attention particulière de tous". Il est vrai que c'est là, assurément, une grande préoccupation avec pas moins de 12.000 détenus (12%). En revanche, les indicateurs sécuritaires, malgré la surpopulation carcérale, enregistrent une amélioration comme le précise le rapport : une baisse significative des infractions commises par les détenus et signalées au Ministère public a été observée en 2004 13.602 infractions contre 14.537 en 2023. Mais le nombre d'infractions liées à la saisie d'objet prohibés signalées au parquet a connu, lui, une hausse, atteignant 1.044 cas contre 936 l'année précédente. Une autre difficulté intéresse les problèmes complexes de la mobilité liés à la logistique des transfèrements lesquels ont porté sur 78.155 décisions (+ 3,5 %) pour 2024 et plus encore depuis 2021 ( + 32%). A noter, par ailleurs, des libérations massives (98.673), soit par l'exécution finale de la peine ou de la contrainte par corps (85%), soit encore au titre des libertés provisoires (3.491), des acquittements (1.131), des prescriptions de l'action publique (826) ou encore de grâces sur le reliquat de la peine (796).

​Une problématique sociale et sociétale

Au final, un système pénitentiaire confronté à de fortes contraintes. Comme l'a souligné le responsable de la DGAPR, Mohamed Salah Tamek, "1'ampleur de ces défis s'accroît avec l'approbation de la nouvelle loi régissant les prisons, qui relève le plafond des engagements de la DGAPR". Cette institution va connaître les effets de la nouvelle loi sur les peines alternatives qui va entrer en vigueur prochainement -de quoi à terme le flux croissant nourrissant la surpopulation carcérale. La politique pénale se distingue, dans une approche comparative, par deux programmes spécifiques: celui d'une politique de déradicalisation liée au programme "Moussalaha" ciblant les détenus condamnés pour terrorisme et extrémisme bénéficiant aujourd'hui à 343 détenus; celui aussi de programmes innovants de réinsertion avec pour axe "Prisons sans récidive" auquel participent 18 établissements pénitentiaires (2.384) sans oublier des programmes d'alphabétisation (7.029). Une politique pénale à repenser et à redéployer avec davantage de moyens et l'appréhension d'une problématique sociale et même sociétale.



Vendredi 18 Juillet 2025

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