Quand la jeunesse marocaine affronte l’épreuve du cancer


Le cancer n’est plus seulement une maladie que l’on associe aux âges avancés. Au Maroc comme ailleurs, il frappe désormais des jeunes dans la force de l’âge, bouleversant les représentations, brisant des familles et interrogeant nos systèmes de santé. Les chiffres exacts manquent, mais les témoignages s’accumulent : diagnostics tardifs, parcours médicaux chaotiques, coûts prohibitifs. La question n’est plus seulement médicale ; elle est profondément sociale et politique.



Dépistage, environnement, inégalités : La jeunesse face à une épreuve silencieuse

Quand un adolescent ou un jeune adulte reçoit un diagnostic de cancer, c’est tout un univers qui s’effondre. À la douleur physique s’ajoute le poids psychologique : comment accepter l’idée de sa propre fragilité quand l’avenir devrait encore être ouvert ? Les familles, souvent prises de court, doivent jongler entre espoir, endettement et navigation dans un système médical sous pression.

Au Maroc, les centres spécialisés existent mais restent concentrés dans quelques grandes villes. Les jeunes des régions périphériques, eux, affrontent des parcours interminables, entre allers-retours coûteux et listes d’attente qui compromettent leurs chances de survie.

Le premier obstacle est celui du dépistage. Contrairement aux pays qui ont instauré des programmes systématiques de prévention, le Maroc se contente trop souvent de réagir lorsque les symptômes deviennent visibles. Or, chacun sait que dans le cancer, chaque mois, parfois chaque semaine, compte. Ce retard pèse doublement : il complique les traitements et il alourdit la facture économique pour les familles comme pour l’État.

Il est urgent de banaliser les examens de routine et de sensibiliser la population, y compris les plus jeunes. Trop souvent, l’idée demeure que le cancer est « réservé » aux plus de cinquante ans. La réalité dément cette croyance : des étudiants, des jeunes mères, des salariés à peine entrés dans la vie active découvrent des tumeurs qui auraient pu être détectées plus tôt.

Les causes de cette hausse interpellent. D’un côté, des facteurs génétiques bien identifiés : certaines familles portent des prédispositions qui accroissent les risques. De l’autre, un environnement de plus en plus toxique : alimentation transformée, présence excessive de nitrates, pollution atmosphérique, exposition aux produits chimiques. Entre ces deux pôles, l’épigénétique rappelle que notre mode de vie peut activer ou freiner ces vulnérabilités.

Le Maroc, à l’instar d’autres pays, paie aussi le prix d’une urbanisation rapide et parfois anarchique, où l’air et l’eau ne sont pas toujours synonymes de santé. Les jeunes, premiers consommateurs d’alimentation industrialisée et premiers exposés aux perturbateurs environnementaux, deviennent paradoxalement les victimes d’un modèle économique qui privilégie le court terme à la santé collective.

Un drame individuel, un révélateur collectif :

La question prend une dimension particulière lorsqu’il s’agit des femmes. La santé reproductive et les cancers liés (sein, utérus, ovaire) demandent une vigilance accrue. Pourtant, l’accès aux examens préventifs reste limité et socialement inégal. Dans les zones rurales, le dépistage est quasi inexistant. Dans les villes, il est souvent conditionné par les moyens financiers.

Le contraste est saisissant : d’un côté, une rhétorique officielle qui valorise l’émancipation féminine ; de l’autre, une réalité où des milliers de femmes continuent de tomber malades faute de simples examens réguliers.

Une fois le diagnostic établi, un autre parcours du combattant commence. L’accès à un oncologue, à un chirurgien spécialisé, à une équipe pluridisciplinaire relève encore trop souvent de l’exception. Les familles doivent batailler pour obtenir un rendez-vous, financer les médicaments, comprendre les protocoles. Certains traitements se révèlent inefficaces, d’autres indisponibles.

La résilience des jeunes face à la maladie force le respect. Mais elle ne doit pas masquer l’absurdité d’un système où le courage individuel remplace les politiques publiques. Chaque histoire personnelle révèle un défaut structurel : manque de coordination entre services, absence de communication claire, inégalités territoriales criantes.

Le cancer chez les jeunes n’est pas seulement une tragédie intime, c’est un révélateur collectif. Il dit nos priorités mal ajustées, notre incapacité à anticiper, notre tendance à traiter les symptômes plutôt que les causes. Les discours sur la jeunesse comme « richesse de la nation » sonnent creux quand cette jeunesse est laissée seule face à l’épreuve du cancer.

L’enjeu dépasse la santé : il concerne la confiance dans l’État, l’avenir économique et le pacte social. Un pays qui n’est pas capable de protéger ses jeunes d’une maladie dont les facteurs de risque sont connus et les stratégies de dépistage éprouvées, prend le risque de briser non seulement des vies mais aussi des dynamiques de développement.

Il est temps que la lutte contre le cancer chez les jeunes devienne une priorité nationale, au même titre que l’éducation ou l’emploi. Cela suppose des moyens, mais surtout une volonté politique. Car le vrai traitement commence bien avant l’hôpital : dans nos choix de société, dans la qualité de notre environnement, dans l’égalité d’accès aux soins.

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Mercredi 24 Septembre 2025



Rédigé par le Mercredi 24 Septembre 2025
Un ingénieur passionné par la technique, mordu de mécanique et avide d'une liberté que seuls… En savoir plus sur cet auteur
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