Quand le civisme vacille : le miroir inquiétant du comportement des Marocains dans l’espace public


Rédigé par La rédaction le Lundi 4 Aout 2025

À quelques années de l’organisation de la Coupe du monde 2030, que le Maroc s’apprête à co-organiser avec l’Espagne et le Portugal, une étude du Centre Marocain pour la Citoyenneté (CMC) vient tirer une sonnette d’alarme sur l’état préoccupant du civisme au sein de la société marocaine.



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Des comportements jugés alarmants dans l’espace public

Intitulée « Étude sur le comportement civique des Marocains », cette enquête menée entre février et mars 2025 auprès de 1173 participants, dresse un portrait contrasté entre une conscience croissante des dysfonctionnements sociaux et un quotidien toujours empreint d’incivilités.

Les résultats sont sans appel : seulement 2,9 % des Marocains interrogés estiment que le niveau de comportement civique est élevé. Une majorité écrasante (57,6 %) juge ce niveau faible. Le respect des règles de politesse (langage, tenue, interactions) est considéré comme « mauvais » par 42,8 % des répondants, et seuls 12,4 % se disent satisfaits de la courtoisie ambiante. Le verdict est encore plus sévère concernant le respect des femmes dans l’espace public, dénoncé comme insatisfaisant par 52,2 %.

Autres chiffres inquiétants : le non-respect du voisinage (44,4 % d’insatisfaits), l’irrespect envers les catégories vulnérables (47,2 %) et les incivilités à l’égard des personnes âgées et en situation de handicap (37,9 % jugent l’attitude “moyenne”). Dans un pays marqué par de fortes valeurs sociales, cette dissonance entre tradition d’hospitalité et réalité urbaine heurte les consciences.

La propreté : un échec collectif
En matière environnementale, la dégradation est massive. Pas moins de 73,5 % dénoncent l’insalubrité dans les espaces publics, 66,8 % fustigent le saccage des espaces verts, et 69,8 % jugent que les équipements publics sont mal entretenus ou vandalisés. Le non-respect de l’interdiction de fumer dans les lieux publics est également pointé du doigt par 49,8 % des sondés.

Le Maroc se rêve vitrine du monde en 2030. Mais à voir la réalité des rues, des marchés, des jardins publics et des transports, c’est une autre image qui s’impose : celle d’un espace commun malmené, voire abandonné à l’irrespect.

Incivilités routières et absence de discipline collective
Sur le plan de l’organisation collective, l’anomie guette. Respect des horaires ? 60,7 % insatisfaits. Comportement dans les transports publics ? 54,8 % mécontents. Respect du code de la route ? 60,9 % critiques. L’incivisme sonore, tel que le fait de parler fort en public, agace 53,5 % des Marocains.

Dans cette société encore marquée par des dynamiques de transition – entre rural et urbain, entre tradition et modernité – le manque de règles partagées génère tensions, fatigue sociale et défiance.

Les fléaux visibles : mendicité, occupation de l’espace public et harcèlement
La perception des fléaux urbains est tout aussi accablante. 93,2 % dénoncent l’occupation illégale de l’espace public, 92,2 % jugent que la mendicité est très répandue, souvent en lien avec l’exploitation d’enfants. Le harcèlement dans les rues, la saleté, le commerce informel et la prolifération d’animaux errants viennent assombrir encore le tableau.

Il y a là un paradoxe cruel : le Maroc moderne ambitionne l’excellence économique, mais laisse la base sociale du vivre-ensemble s’éroder.

La Coupe du monde 2030, un levier potentiel… mais conditionnel
Fait intéressant, seuls 22,7 % pensent que la Coupe du monde 2030 améliorera significativement les comportements civiques, tandis que 32,9 % jugent qu’elle n’aura aucun effet, et 7,7 % estiment même qu’elle pourrait aggraver les choses.

Les principales préoccupations exprimées sont édifiantes : 84,8 % redoutent la tricherie commerciale et la hausse des prix, 81,7 % craignent l’insalubrité, 77 % s’alarment de la mendicité autour des stades, 73,6 % du manque de toilettes publiques, et 69,6 % du harcèlement des touristes.

​Les solutions ? Famille, école et justice

Face à cette situation, les leviers de transformation sont clairement identifiés :

La famille (80 %) est considérée comme le premier acteur pour transmettre les valeurs civiques.
L’école (59,7 %) suit, notamment via l’éducation citoyenne.
La loi (54,9 %) est appelée à jouer son rôle de régulation ferme et équitable.

Enfin, les valeurs religieuses (44,4 %), la transparence administrative (36,5 %) et l’exemplarité des figures publiques (25 %) sont vues comme des leviers moraux.

Mais sans volonté politique, ces intentions resteront lettre morte. Les participants soulignent d’ailleurs l’absence ou l’insuffisance des efforts publics en la matière (98 % le pensent).

Dossier complet dans IMAG de LODJ

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Lundi 4 Aout 2025
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