Quand le destin du Haut-Karabakh bascule - ( Première partie )


Rédigé par le Mardi 3 Octobre 2023

Trente ans après sa création, l'enclave séparatiste sera dissolue le premier janvier prochain.



EN QUELQUES JOURS, plus de 100 000 PERSONNES ONT QUITTÉ LEUR FOYER AU HAUT-KARABAKH, SELON LES DERNIERS CHIFFRES PUBLIÉS PAR EREVAN.

Ce n'est ni conflit religieux ni ethnique ! 


Le destin du Haut-Karabakh a basculé en une semaine. Après l’offensive éclair de l’Azerbaïdjan sur cette région peuplée majoritairement d’Arméniens, l’enclave séparatiste s’est vidée de plus de la moitié de sa population et a annoncé sa propre dissolution au 1er janvier prochain, plus de 30 ans après sa création.

L’Arménie accuse Bakou de mener un " nettoyage ethnique  " , alors que l'’Azerbaïdjan dément et dit inciter les résidents arméniens à rester pour faire partie de "la société multi-ethnique" du pays.

Même si d'un côté, il y a des mosquées, vestiges des empires Ottoman et Perse baignant dans une ambiance héritée de la période soviétique et de l'autre des églises et des monastères, il ne s'agit absolument pas d'une guerre de religion.

 Après trois décennies de belligérance entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, le conflit au Haut-Karabakh a pris fin en un éclair, les séparatistes arméniens ayant déposé les armes et dissous leur République  !

Après plusieurs guerres, l'Azerbaïdjan a lancé en septembre 2023 une offensive qui a obligé les Arméniens du Haut-Karabakh à capituler. Cette région du Caucase, à majorité arménienne, enclavée au sein du territoire de l’Azerbaïdjan, avait proclamé son indépendance, à la veille de l’éclatement de l’URSS, et s’oppose à l’Azerbaïdjan depuis plus de trente ans. 

Historiquement, à qui appartient la région du Haut-Karabakh ?

Quelles sont les origines historiques de cette nouvelle crise ? 
Depuis toujours. le Haut-Karabakh est une région historiquement arménienne  C’est le berceau de la civilisation arménienne, comme l'attestent les monastères et d’autres monuments historiques.
Les problèmes commencent en 1921, car nous sommes dans le contexte de la soviétisation du Caucase. Il y a trois entités - Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan - avec des frontières qui ne sont pas très bien définies.

Lorsque l'Azerbaïdjan et l'Arménie proclament leur indépendance un petit peu avant, ils n’arrivent pas à délimiter la frontière. Il y avait alors un différend entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie autour des régions comme le Haut-Karabakh, la région de Syunik et le Nakhitchevan.

L'Azerbaïdjan avait été soviétisé avant l'Arménie et la politique de Moscou à l'époque était une politique qui visait à diviser pour régner. C'est-à-dire que le Kremlin cherchait à affaiblir les nationalismes et ainsi récompenser la Turquie.

 En 1921, la Turquie était un État anti-impérialiste et pas proche du bloc occidental. Ainsi, la pression turque a fait que les Russes ont donné le Karabakh et le Nakhitchevan à l'Azerbaïdjan avec les garanties de la Turquie.

Sauf qu’au Nakhitchevan s’est produit un nettoyage ethnique. Les Arméniens, qui représentaient 50% de la population de cette région, sont partis. Mais dans le Haut-Karabakh, où les Arméniens représentaient 94% de la population totale, ils n’ont jamais accepté ce rattachement à l’Azerbaïdjan et ne l’ont jamais reconnu. 
 

En 1923, le Haut-Karabakh est devenu une région autonome dans le cadre de l’Azerbaïdjan
Deux thèses du droit international qui s'opposent ! 

Pour résumer la crise du Haut-Karabakh  en deux mots , disons que ce sont deux thèses du droit international qui s'opposent.
D'un côté, le droit à l'autodétermination des peuples, défendue par l'Arménie vu que le Haut- Karabagh est majoritairement peuplé d'Arméniens , du moins avant l'exil de plus de cent mille arméniens la semaine dernière !

Et de l'autre , le droit de l'intégrité territoriale défendu par Bakou vu que cette province, même autonome, avait été rattachée à l'Azerbaïdjan en 1923 .

Pendant toute la période soviétique,  le nationalisme  a été mis sous cloche. Et les Azerbaïdjanais ont essayé progressivement de changer l'équilibre démographique pour qu'il y ait une majorité azérie.
Puis, en 1988, c’est la perestroïka en URSS. Et pour les Arméniens du Karabakh, c'est un test pour savoir si la démocratisation est possible : faire reconnaître non pas le droit à l’autodétermination, mais le droit à changer de statut, d’être intégré à l'Arménie soviétique comme pour la Crimée qui avait été intégrée à l'Ukraine soviétique en 1954.

Donc, ils pensaient que la Crimée et l’Ukraine étaient un précédent et que cela pouvait être valable pour les Arméniens du Karabakh. Mais, la réponse du pouvoir central de Moscou a été : niet !

De ce fait, de 1988 à 1991, on assiste à la première phase du conflit qui est une phase de guérilla où l'Armée rouge coopère avec les Azerbaïdjanais pour se battre contre les Arméniens, afin d’établir le pouvoir azerbaïdjanais.

Parce que, en 1988, le Parlement de la région autonome du Karabakh avait voté le rattachement à l’Arménie soviétique. Mais, en 1991, c'est la chute de l'Union soviétique et l'Arménie comme l'Azerbaïdjan sont désormais des États indépendants. L'Azerbaïdjan devient une république indépendante, le 28 août.

Et après, c'est la proclamation de son indépendance qui annule le statut d'autonomie du Karabakh. Donc, pour les Arméniens du Karabakh, cela signifie que c'est un arrêt de mort. Pour eux, il n’y a plus de garanties pour vivre tranquillement.

Par conséquent, ils vont eux-mêmes se proclamer indépendants et ils le font le 2 septembre, avant l'Arménie qui déclare son indépendance le 21 septembre. Pendant ce temps, il y a encore une fiction juridique, car l’Union soviétique existe toujours et ne disparait qu’en décembre de la même année. Il faut comprendre que vous avez deux principes en droit international : le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et le principe de l'intégrité territoriale.

Mais l'argument azerbaïdjanais ne tient pas forcément la route sur l'intégrité territoriale, parce que les Arméniens du Karabakh disent qu'ils n’ont jamais fait partie de l'Azerbaïdjan indépendant, c'est-à-dire qu'ils ont été rattachés à l’Azerbaïdjan après la soviétisation. C'est l'argument juridique des Arméniens. Les Azéris, de leur côté, s'en tiennent à l’intégrité territoriale, considérant que les frontières administratives sont désormais internationales et que le Karabakh leur appartient.
 

La période soviétique avait  mis ce problème en veille durant plus de 70 ans vu l'opposition féroce du pouvoir de Moscou à tous les nationalismes , ce qui n'est plus le cas depuis trois décennies !

Les deux armées sont désormais nez à nez , très proches le long des frontières de l'Azerbaïdjan et de l' Arménie et il est fort à craindre que le Caucase soit menacé d'embrasement ! 

Avec RFI 
 
 




Hafid Fassi Fihri est un journaliste atypique , un personnage hors-normes . Ce qu'il affectionne, le… En savoir plus sur cet auteur
Mardi 3 Octobre 2023
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