Quand les enfants victimes d’agressions sexuelles revivent leur douleur dans l’espace digital


Rédigé par le Mercredi 27 Aout 2025

​Nous vivons une époque où Internet n’est plus un outil secondaire, mais une extension de notre quotidien. À l’école, au travail, dans la famille, il structure nos échanges et façonne nos comportements. Mais cette même technologie, porteuse de savoir et de connexion, s’est transformée en terrain miné pour nos enfants. La sonnette d’alarme tirée par Najat Anwar, présidente de l’association "Mat9ich Weldi", résonne comme un signal d’urgence nationale : des images d’enfants victimes d’agressions sexuelles circulent et s’échangent dans le cyberespace, au vu et au su de tous, aggravant leur souffrance et inscrivant leur douleur dans une mémoire numérique indélébile.



Cyberprédation : quand le silence tue l’innocence au Maroc

Internet est une promesse et une menace à la fois . La promesse d’apprendre, de créer, de se connecter au monde ; mais aussi la menace d’être piégé par des prédateurs invisibles, tapis derrière des écrans. Les réseaux sociaux, les messageries chiffrées, les forums cachés et les plateformes anonymes sont devenus des outils privilégiés pour la circulation d’images pédopornographiques. Ce phénomène dépasse les frontières, mais il frappe particulièrement les sociétés où la sensibilisation reste faible et où les familles n’ont pas toujours les moyens d’assurer une vigilance constante.

Chaque image diffusée est un crime qui se répète. Pour un enfant victime, voir son intimité violée et exposée au monde entier est une condamnation à perpétuité. Même lorsque la justice intervient, même lorsque les auteurs sont arrêtés, les fichiers restent quelque part, copiés, sauvegardés, revendus. Le numérique a cette cruauté : il ne permet pas l’oubli. Les enfants subissent ainsi une double peine : celle de l’agression initiale et celle de sa perpétuation sans fin dans l’espace digital.

Najat Anwar n’en est pas à son premier combat. Depuis des années, elle milite pour protéger l’innocence et briser le tabou de la pédocriminalité au Maroc. Mais cette fois, sa dénonciation prend une dimension nouvelle : l’espace virtuel multiplie les risques et décuple les souffrances. Son appel ne s’adresse pas seulement aux autorités judiciaires et sécuritaires, mais aussi aux familles, aux écoles, aux médias et aux géants du numérique. Car lutter contre ce fléau nécessite une mobilisation totale et transversale.

L’arsenal juridique marocain s’est renforcé ces dernières années, mais il reste insuffisant. Les lois sur la cybercriminalité et la protection des données personnelles existent, mais leur application est trop lente face à l’accélération technologique. Les autorités doivent investir massivement dans la cybersécurité, la formation des enquêteurs, la coopération internationale.

Les images pédopornographiques circulent via des serveurs basés à l’étranger, protégés par des législations permissives ou des zones grises du droit. Le Maroc ne peut combattre ce monstre seul : il doit s’allier, partager ses bases de données, travailler avec Interpol et les grands acteurs du Web.

Mais l’État ne peut pas tout. La société marocaine garde encore trop souvent le silence sur ces drames. Par pudeur, par honte, ou par peur de stigmatiser une famille, beaucoup de cas restent enfouis. Ce silence nourrit l’impunité des agresseurs. Il faut briser ce tabou : en parler, c’est protéger. Ignorer, c’est condamner. Les médias ont ici une mission capitale : traiter le sujet sans voyeurisme, mais avec constance et pédagogie.

La prévention commence à la maison. Trop souvent, les parents ignorent ce que leurs enfants consultent ou partagent en ligne. Parfois, par manque de culture numérique, ils ne savent même pas comment contrôler l’accès aux applications ou surveiller les conversations suspectes. Pourtant, c’est là que la vigilance doit être la plus forte. Expliquer aux enfants les dangers, instaurer un climat de confiance, leur apprendre à signaler des comportements suspects : voilà le premier rempart contre les prédateurs.

Facebook, TikTok, WhatsApp, Telegram… ces plateformes se présentent comme de simples intermédiaires, mais elles sont devenues des canaux de diffusion privilégiés. Leur responsabilité est immense.

Or, leurs réponses restent timides, souvent motivées par la réputation et la pression médiatique plutôt que par un réel souci de protection. Il est temps de les contraindre, par la loi et par les partenariats, à mettre en place des filtres efficaces, à collaborer étroitement avec les autorités locales, et à assumer pleinement leur rôle dans la lutte contre ce crime.

Images volées, vies brisées : l’urgence de protéger nos enfants en ligne

Il ne s’agit pas d’un problème isolé ni d’une “affaire parmi d’autres”. C’est un enjeu de société, un test pour notre avenir collectif. Une nation qui ne protège pas ses enfants s’expose à l’effondrement moral et social. Le Maroc, fier de sa jeunesse et de sa vitalité, ne peut tolérer que ses enfants deviennent des marchandises numériques échangées dans l’ombre du Web. Chaque image qui circule est une blessure ouverte infligée au pays tout entier.

Le combat est immense, mais il n’est pas perdu. Il commence par la reconnaissance publique de la gravité du problème, par la mobilisation des moyens techniques et juridiques, par l’implication de chaque citoyen. L’alerte de Najat Anwar ne doit pas être une note passagère dans l’actualité, mais un point de départ pour une mobilisation durable.

Il est temps que les gouvernements, les associations, les familles et les plateformes numériques travaillent main dans la main. Le Maroc doit montrer qu’il peut être pionnier, non seulement dans l’adoption de lois, mais dans la protection réelle et tangible des enfants.

Dans un monde où les frontières entre le réel et le virtuel s’estompent, protéger nos enfants n’est plus seulement une question familiale ou morale, mais une obligation nationale. Le numérique ne doit pas être un piège mortel pour l’innocence, mais un espace de croissance et d’émancipation.

Si nous échouons, ce ne sont pas seulement des enfants qui seront sacrifiés, mais l’avenir du pays tout entier. Le Maroc doit se tenir debout, car chaque image qui circule en ligne est un rappel glaçant : nous n’avons pas le droit de détourner le regard.

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Un ingénieur passionné par la technique, mordu de mécanique et avide d'une liberté que seuls… En savoir plus sur cet auteur
Mercredi 27 Aout 2025
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