Quel avenir de l'eau au Maroc ?


Rédigé par La Rédaction le Mercredi 24 Mai 2023



Publication de l’Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES)

Réunissant un panel d’experts nationaux et internationaux de haut niveau, issus de plusieurs disciplines, une rencontre organisée par l’Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES),  a permis d’actualiser les connaissances, de croiser les approches pour mieux cerner les enjeux actuels et futurs de la problématique de l’eau au Maroc et d’explorer les options qui se proposent au Royaume pour préserver son "capital hydrique", garantir l'approvisionnement en eau du pays sur le moyen et long terme et assurer une gestion rationnelle de la demande en ressources hydriques.

Une situation de l'eau au Maroc préoccupante

La situation de l'eau au Maroc est devenue préoccupante, notamment, sur le plan de la disponibilité de la ressource, confirmant le basculement du Royaume d’une situation de stress hydrique à celle de rareté structurelle. L’état des aquifères a atteint, presque dans l’ensemble du pays, des niveaux piézométriques alarmants alors que les réserves de ces nappes s’étaient formées pendant des dizaines, voire-même des centaines d’années.

Couvrant 10% de la superficie du territoire, les 130 nappes phréatiques que compte le Maroc ne peuvent, désormais, plus être reconstituées, même en année de forte pluviosité et, donc, leur amenuisement pourrait devenir irréversible.

Le manque de connaissances et la gestion inadéquate de ces nappes ont conduit à un déficit de la ressource en eau souterraine de l’ordre de 1 milliard de m3 , en moyenne par an, depuis 1980. La dégradation de la situation hydrique se manifeste, également, par la disparition de 60% à 80% des superficies des zones humides (lacs et bassins humides), dont l’importance a été occultée par la politique des grands aménagements hydrauliques, telle qu’elle a été mise en œuvre.

Ces zones souffrent, principalement, de l’extension sans contrôle des terres cultivées et ce, bien que le Maroc ait signé la convention RAMSAR destinée à protéger les zones humides. La crise hydrique actuelle interroge les choix opérés dans le cadre du Plan Maroc Vert, qui a certes permis de réaliser des progrès importants en termes de production agricole, mais qui a, dans le même temps, favorisé le développement d’une agriculture intensive, à très forte demande en eau.

De plus, les ressources en eau non conventionnelles, particulièrement, celles provenant du dessalement ou du recyclage des eaux usées, restent à des niveaux insignifiants, estimés à 54 millions de m3 , sur un total prévu de 300 millions de m3 par la stratégie nationale de l’eau. 

Salué sur le plan international pour sa politique de mobilisation des ressources en eau et qui s’est traduite jusqu’à fin 2021 par la construction de 281 grands et petits barrages, le Maroc n’a, toutefois, été en mesure de résoudre ni la problématique de l'inadéquation entre l'offre et la demande en eau, ni celle de la dégradation de la qualité générale des eaux souterraines et de surface. 

Un modèle de gestion des ressources en eaux à revoir complètement

Outre la non prise en compte du changement climatique dans la gestion de l’eau au Maroc, des déficits s’accumulent en matière de gouvernance de cette ressource vitale, dont le cadre institutionnel et législatif repose sur la loi 10.95 et la loi 36.15.

Plusieurs textes d’application de ces lois n’ont pas encore été publiés. Les politiques publiques ayant trait à la question hydrique ont, jusqu’à présent, été conduites sans coordination intersectorielle, ne prenant pas en considération les nombreuses interactions qui existent entre l’eau, l’agriculture, l’énergie et les écosystèmes.

Elles n’ont pas, à ce propos, fait l’objet d’évaluations précises visant la mise en œuvre d’une démarche coordonnée de type "Nexus". Ces politiques publiques, focalisées sur la gestion de l’offre, ignorent les aspects liés à la demande, d'autant plus que la planification de l’eau est souvent réalisée sur la base de données imprécises et que les prévisions sont fondées sur des hypothèses théoriques qui ne reposent pas sur des informations fiables.

A cela, s’ajoute l’absence de stratégies efficientes en matière de suivi-évaluation et la faible implication des centres de réflexion et des institutions de recherche dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques de l’eau.

Il devient, ainsi, urgent, en complément de la mise en œuvre du programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027, de repenser la question de l'eau selon une nouvelle vision prospective, dont les principes directeurs se présentent comme suit :

Moderniser la gouvernance globale de l’eau, en recourant à des approches innovantes reposant sur les dernières technologies disponibles et ce, en rationnalisant l’organisation institutionnelle de l’eau, en faisant de l’adaptation au changement climatique un objectif de la gouvernance de l’eau, en actualisant le cadre législatif et en mettant en place des outils d’évaluation de sa mise en œuvre.

Gérer le capital hydrique en tant que "bien commun", en encourageant la sobriété hydrique dans l’ensemble du système productif.

Revoir de fond en comble l’utilisation de l’eau au niveau du secteur agricole, en affectant prioritairement cette ressource aux opérateurs agricoles qui concourent à la réalisation de la souveraineté alimentaire, en mettant en place une carte d’aptitudes et de vocations agricoles et en établissant un meilleur équilibre, au niveau de la politique agricole, entre les systèmes de cultures pluviales et les systèmes irrigués, en promouvant le stockage virtuel de l’eau sous forme de cultures et en conduisant des études d’impacts préalables à l’autorisation de projets agricoles fortement consommateurs d'eau.

Dynamiser la coopération internationale dans le domaine de l'eau, notamment, avec les pays ayant une expérience reconnue en termes de sobriété hydrique, en matière de recyclage des eaux usées, de récupération des eaux pluviales, d'extraction de l'eau atmosphérique et de dessalement d’eau de mer ainsi que les pays disposant de capacités de Recherche & Développement et d'innovation dans le domaine de la gouvernance de l'eau.





Mercredi 24 Mai 2023
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