Un paradoxe générationnel qui pèse sur la démocratie
La jeunesse marocaine est partout, sauf dans les urnes. Elle représente plus du tiers de la population, mais seulement 20 % des inscrits sur les listes électorales en 2024
. Le contraste est saisissant : cette force vive, si présente dans la rue, sur les réseaux sociaux et dans les imaginaires, est quasi absente des arènes institutionnelles.
Le souvenir de 2011 reste vif : dans le sillage du printemps arabe, les jeunes s’étaient inscrits en masse, jusqu’à représenter 30 % des inscrits. L’espoir d’un changement profond semblait à portée de main. Mais l’élan est vite retombé. En 2016, la proportion tombe à 25 %. En 2021, un sursaut survient grâce à l’activisme numérique : 54 % des jeunes inscrits votent cette année-là, preuve qu’ils ne sont pas apathiques mais réagissent lorsque le message et les canaux leur parlent. Pourtant, le retour à la moyenne a été brutal : en mars 2024, les jeunes ne représentent plus qu’un cinquième du corps électoral
.
La désaffection est lourde de conséquences. Car une démocratie qui se prive de sa jeunesse avance avec un moteur à moitié éteint. L’avenir se construit sans ceux qui devraient en être les artisans principaux.
. Le contraste est saisissant : cette force vive, si présente dans la rue, sur les réseaux sociaux et dans les imaginaires, est quasi absente des arènes institutionnelles.
Le souvenir de 2011 reste vif : dans le sillage du printemps arabe, les jeunes s’étaient inscrits en masse, jusqu’à représenter 30 % des inscrits. L’espoir d’un changement profond semblait à portée de main. Mais l’élan est vite retombé. En 2016, la proportion tombe à 25 %. En 2021, un sursaut survient grâce à l’activisme numérique : 54 % des jeunes inscrits votent cette année-là, preuve qu’ils ne sont pas apathiques mais réagissent lorsque le message et les canaux leur parlent. Pourtant, le retour à la moyenne a été brutal : en mars 2024, les jeunes ne représentent plus qu’un cinquième du corps électoral
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La désaffection est lourde de conséquences. Car une démocratie qui se prive de sa jeunesse avance avec un moteur à moitié éteint. L’avenir se construit sans ceux qui devraient en être les artisans principaux.
Les racines d’un désenchantement persistant
Pourquoi ce retrait progressif ? Les causes sont multiples et entremêlées.
D’abord, une méfiance profonde envers la politique. Les jeunes considèrent que les institutions sont déconnectées de leurs préoccupations immédiates : emploi, logement, mobilité sociale. Quand l’horizon se réduit à la recherche d’un stage mal payé ou d’un visa pour l’étranger, les discours sur la démocratie semblent creux.
Ensuite, un problème de représentativité. Les partis marocains restent organisés selon des logiques anciennes, où l’âge, l’expérience et le capital relationnel priment sur la créativité et l’audace. Les “sections jeunesse” existent, mais souvent cantonnées à un rôle symbolique. Le système des quotas n’a pas suffi à renverser l’inertie.
Troisième facteur : la faiblesse de l’éducation civique. Le système scolaire n’a jamais vraiment intégré l’apprentissage du rôle citoyen, des institutions ou de la valeur du vote. Beaucoup de jeunes sortent du secondaire sans jamais avoir débattu d’un projet de loi fictif ou simulé une élection. Résultat : une incompréhension qui se transforme en indifférence.
À cela s’ajoute un sentiment d’impuissance : voter ne change pas la vie quotidienne, ni les perspectives. Quand le chômage des jeunes oscille autour de 30 % et que l’émigration reste un horizon désirable, difficile de convaincre qu’un bulletin dans l’urne peut inverser la donne.
Enfin, la communication institutionnelle échoue souvent à parler leur langage. Là où TikTok et Instagram façonnent les récits et les identités, les campagnes électorales persistent avec des affiches ternes et des spots télévisés calibrés pour les générations passées.
D’abord, une méfiance profonde envers la politique. Les jeunes considèrent que les institutions sont déconnectées de leurs préoccupations immédiates : emploi, logement, mobilité sociale. Quand l’horizon se réduit à la recherche d’un stage mal payé ou d’un visa pour l’étranger, les discours sur la démocratie semblent creux.
Ensuite, un problème de représentativité. Les partis marocains restent organisés selon des logiques anciennes, où l’âge, l’expérience et le capital relationnel priment sur la créativité et l’audace. Les “sections jeunesse” existent, mais souvent cantonnées à un rôle symbolique. Le système des quotas n’a pas suffi à renverser l’inertie.
Troisième facteur : la faiblesse de l’éducation civique. Le système scolaire n’a jamais vraiment intégré l’apprentissage du rôle citoyen, des institutions ou de la valeur du vote. Beaucoup de jeunes sortent du secondaire sans jamais avoir débattu d’un projet de loi fictif ou simulé une élection. Résultat : une incompréhension qui se transforme en indifférence.
À cela s’ajoute un sentiment d’impuissance : voter ne change pas la vie quotidienne, ni les perspectives. Quand le chômage des jeunes oscille autour de 30 % et que l’émigration reste un horizon désirable, difficile de convaincre qu’un bulletin dans l’urne peut inverser la donne.
Enfin, la communication institutionnelle échoue souvent à parler leur langage. Là où TikTok et Instagram façonnent les récits et les identités, les campagnes électorales persistent avec des affiches ternes et des spots télévisés calibrés pour les générations passées.
Le poids du contexte socio-économique
La politique ne vit pas en vase clos. La désaffection électorale reflète aussi une situation économique et sociale. Le chômage des jeunes, la précarité et la difficulté d’accès au logement relèguent l’engagement civique au second plan. Pour beaucoup, la priorité reste la survie et l’insertion professionnelle.
S’y ajoute la tentation de l’émigration. Quitter le pays apparaît, pour une partie non négligeable de la jeunesse, comme l’unique moyen de réaliser ses ambitions. Ce rêve de départ affaiblit le sentiment d’appartenance nationale et détourne de l’action politique locale.
S’y ajoute la tentation de l’émigration. Quitter le pays apparaît, pour une partie non négligeable de la jeunesse, comme l’unique moyen de réaliser ses ambitions. Ce rêve de départ affaiblit le sentiment d’appartenance nationale et détourne de l’action politique locale.
TIZI : quand la société civile entre en scène
Face à ce vide, la société civile tente de combler l’espace. La Tariq Ibnou Ziyad Initiative (TIZI), née en 2011, est l’un des exemples les plus significatifs. Son objectif : former de jeunes leaders, ouvrir des espaces de débat, sensibiliser aux enjeux de gouvernance et encourager une nouvelle culture politique
.
L’apport de TIZI est double. D’une part, elle redonne à des jeunes souvent désillusionnés un espace où leur parole compte. D’autre part, elle fait entrer dans le débat public des thématiques souvent absentes des programmes partisans : équité générationnelle, gouvernance éthique, innovation sociale.
Mais TIZI reste limitée par nature. En tant qu’initiative associative, elle ne peut se substituer aux partis. Elle joue un rôle de catalyseur, d’aiguillon, mais son impact structurel dépend d’une articulation avec les institutions.
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L’apport de TIZI est double. D’une part, elle redonne à des jeunes souvent désillusionnés un espace où leur parole compte. D’autre part, elle fait entrer dans le débat public des thématiques souvent absentes des programmes partisans : équité générationnelle, gouvernance éthique, innovation sociale.
Mais TIZI reste limitée par nature. En tant qu’initiative associative, elle ne peut se substituer aux partis. Elle joue un rôle de catalyseur, d’aiguillon, mais son impact structurel dépend d’une articulation avec les institutions.
Istiqlal Youth Academy : le pari partisan
Autre réponse, cette fois depuis l’intérieur d’un parti : l’Istiqlal Youth Academy (IYA). Lancée par le Parti de l’Istiqlal, elle ambitionne de réconcilier les jeunes avec l’action politique en leur donnant des outils concrets, une voix réelle et une responsabilité effective
.
La pédagogie y est innovante : ateliers collaboratifs, débats, simulations, compétitions d’idées. À travers son initiative phare, le National Political Championship, l’Académie transforme la formation politique en expérience immersive, ludique et méritocratique. Loin des cours magistraux poussiéreux, elle privilégie l’apprentissage par l’expérience et le leadership de service.
Sa force réside aussi dans sa diversité : plus de 150 jeunes de toutes les régions, y compris de la diaspora, composent la première cohorte. Ce brassage nourrit une culture politique plus ouverte et plus ancrée dans le réel.
Enfin, l’IYA revendique un changement structurel : remettre en cause les logiques de cooptation interne et faire émerger une génération sélectionnée sur le mérite plutôt que sur les réseaux personnels. L’Académie devient ainsi un vivier où le Parti peut puiser des candidats compétents, intègres et représentatifs de leur génération.
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La pédagogie y est innovante : ateliers collaboratifs, débats, simulations, compétitions d’idées. À travers son initiative phare, le National Political Championship, l’Académie transforme la formation politique en expérience immersive, ludique et méritocratique. Loin des cours magistraux poussiéreux, elle privilégie l’apprentissage par l’expérience et le leadership de service.
Sa force réside aussi dans sa diversité : plus de 150 jeunes de toutes les régions, y compris de la diaspora, composent la première cohorte. Ce brassage nourrit une culture politique plus ouverte et plus ancrée dans le réel.
Enfin, l’IYA revendique un changement structurel : remettre en cause les logiques de cooptation interne et faire émerger une génération sélectionnée sur le mérite plutôt que sur les réseaux personnels. L’Académie devient ainsi un vivier où le Parti peut puiser des candidats compétents, intègres et représentatifs de leur génération.
Le point commun : redonner du sens concret à l’engagement
TIZI et l’Istiqlal Youth Academy diffèrent par leur nature, société civile d’un côté, appareil partisan de l’autre mais convergent sur un point central : l’engagement doit être vécu, concret, utile.
Pour les deux, la jeunesse n’est pas un public passif mais un acteur à part entière. Les formats sont repensés pour être participatifs, horizontaux, adaptés aux codes d’une génération qui refuse la verticalité. L’enjeu est moins de transmettre un catéchisme politique que de stimuler un esprit critique, un désir d’action et une capacité de décision.
Ces initiatives montrent que la réconciliation est possible, à condition que les jeunes sentent que leur voix a un effet tangible, que leurs efforts débouchent sur des responsabilités réelles et que leur contribution ne soit pas réduite à un slogan.
Pour les deux, la jeunesse n’est pas un public passif mais un acteur à part entière. Les formats sont repensés pour être participatifs, horizontaux, adaptés aux codes d’une génération qui refuse la verticalité. L’enjeu est moins de transmettre un catéchisme politique que de stimuler un esprit critique, un désir d’action et une capacité de décision.
Ces initiatives montrent que la réconciliation est possible, à condition que les jeunes sentent que leur voix a un effet tangible, que leurs efforts débouchent sur des responsabilités réelles et que leur contribution ne soit pas réduite à un slogan.
Les conditions d’une réconciliation durable
La reconstruction du lien entre jeunesse et politique ne peut reposer uniquement sur ces initiatives. Elle exige une stratégie nationale cohérente.
– Éducation civique repensée : introduire débats, ateliers et simulations dès l’école pour faire vivre la citoyenneté au quotidien.
– Réforme des partis : ouvrir réellement les instances décisionnelles aux jeunes, au-delà des quotas décoratifs.
– Communication adaptée : investir les réseaux sociaux, les formats courts et interactifs, pour parler le langage de cette génération.
– Transparence et résultats tangibles : la confiance ne reviendra qu’avec des preuves concrètes d’amélioration de la vie quotidienne.
– Un pacte générationnel : garantir que l’engagement des jeunes ne sera pas cosmétique mais décisif, qu’ils auront un vrai poids dans l’orientation du pays
– Éducation civique repensée : introduire débats, ateliers et simulations dès l’école pour faire vivre la citoyenneté au quotidien.
– Réforme des partis : ouvrir réellement les instances décisionnelles aux jeunes, au-delà des quotas décoratifs.
– Communication adaptée : investir les réseaux sociaux, les formats courts et interactifs, pour parler le langage de cette génération.
– Transparence et résultats tangibles : la confiance ne reviendra qu’avec des preuves concrètes d’amélioration de la vie quotidienne.
– Un pacte générationnel : garantir que l’engagement des jeunes ne sera pas cosmétique mais décisif, qu’ils auront un vrai poids dans l’orientation du pays
2026 : une échéance décisive
Les élections législatives de 2026 seront un test majeur. Si la jeunesse reste absente, le renouvellement politique restera une chimère. Si elle se mobilise, un souffle nouveau pourra transformer le paysage démocratique marocain.
Les choix faits aujourd’hui dans l’école, dans les partis, dans la société civile détermineront l’issue. La jeunesse marocaine n’est pas indifférente ; elle attend des preuves, pas des discours.
Les choix faits aujourd’hui dans l’école, dans les partis, dans la société civile détermineront l’issue. La jeunesse marocaine n’est pas indifférente ; elle attend des preuves, pas des discours.
Transformer la désillusion en moteur d’avenir
Réconcilier la jeunesse marocaine avec la politique n’est pas une option, c’est une nécessité existentielle. Les jeunes ne sont pas seulement l’avenir, ils sont déjà le présent. Leur absence des urnes et des institutions pèse lourd sur l’équilibre démocratique du pays.
Les expériences de TIZI et de l’Istiqlal Youth Academy prouvent que d’autres voies sont possibles : horizontales, participatives, exigeantes. Mais elles ne suffiront que si elles s’inscrivent dans un pacte national clair.
La démocratie marocaine a besoin de sa jeunesse comme d’un second souffle. Sans elle, l’édifice restera fragile. Avec elle, il pourra s’ancrer durablement et avancer plus loin. La question n’est plus de savoir si les jeunes veulent s’engager, mais si on leur en donne enfin les moyens et la place.
Les expériences de TIZI et de l’Istiqlal Youth Academy prouvent que d’autres voies sont possibles : horizontales, participatives, exigeantes. Mais elles ne suffiront que si elles s’inscrivent dans un pacte national clair.
La démocratie marocaine a besoin de sa jeunesse comme d’un second souffle. Sans elle, l’édifice restera fragile. Avec elle, il pourra s’ancrer durablement et avancer plus loin. La question n’est plus de savoir si les jeunes veulent s’engager, mais si on leur en donne enfin les moyens et la place.