À première vue, une graine, c’est une promesse. Un truc minuscule qui, avec un peu d’eau et de soleil, devient nourriture. Mais au SIAM 2025, une graine, c’est surtout un champ de bataille. Parce qu’aujourd’hui, semer, c’est signer un contrat : avec une multinationale, avec un brevet, avec une logique de standardisation. Le fellah ne choisit plus ses graines, il les achète. Tous les ans. Et parfois, il n’a même plus le droit de les replanter. On appelle ça la “modernisation”. D’autres appellent ça la dépossession.
Au Maroc, ce sujet est brûlant. D’un côté, on importe des semences “certifiées”, dites “améliorées”, dopées à la performance. De l’autre, on a des centaines de variétés locales, rustiques, parfois capricieuses, mais profondément adaptées aux sols, aux climats, aux habitudes culinaires. Ces semences paysannes, longtemps ignorées, sont aujourd’hui redécouvertes comme des trésors de résilience.
Des collectifs émergent : banques de semences, fermes conservatoires, trocs de graines dans les marchés. Une révolution souterraine, littéralement. Au SIAM, on en parle enfin. Mais doucement, comme si le sujet faisait peur. Et il fait peur : parce qu’il touche au nerf de la guerre — le pouvoir sur l’alimentation.
Derrière la graine, il y a le savoir. Le geste ancestral de sélection, de stockage, de transmission. Perdre ça, c’est perdre une mémoire agricole. C’est aussi perdre la liberté. Car une graine, ce n’est pas seulement de l’ADN. C’est un droit.
L’avocat du diable : faut-il vraiment revenir en arrière ?
Soyons honnêtes : certaines semences locales sont peu productives, vulnérables aux maladies, et peu adaptées aux exigences du marché moderne. Alors oui, les variétés améliorées ont permis de nourrir plus de monde, avec moins de terre. Le problème, ce n’est pas la semence industrielle en soi. C’est le monopole. La dépendance. Le fait que des décisions agricoles se prennent dans des conseils d’administration à Genève ou à Saint-Louis-du-Missouri. Le défi n’est pas de rejeter l’innovation, mais de garantir un équilibre. De défendre la diversité. Et de faire en sorte que le fellah puisse encore dire : « ceci, je l’ai semé moi-même ».