Tanger, mon amour, ma ville natale : prenez soin d’elle




Par Saïd Temsamani

Il est des villes qui ne quittent jamais le cœur, même lorsque les kilomètres s’accumulent et que les années passent. Tanger est de celles-là. Ville-pont entre les mondes, écrin de lumière entre deux mers, elle n’est pas simplement une géographie, elle est une mémoire vivante, une émotion continue, une promesse jamais éteinte. Tanger, mon amour, ma ville natale : prenez soin d’elle.

​Une ville à l’âme plurielle

Tanger n’est pas une ville comme les autres. Elle est une confluence de cultures, un carrefour historique où se sont mêlés les vents d’Orient et les souffles d’Occident. De ses ruelles blanchies de la Kasbah à ses cafés d’inspiration européenne, de ses mosquées silencieuses à ses façades andalouses, elle porte en elle la trace d’un cosmopolitisme rare, un héritage fragile qu’il nous faut protéger.

Car Tanger a toujours été ouverte, accueillante, traversée de courants artistiques, littéraires, intellectuels. Les Burroughs, Choukri, Bowles, les voyageurs et les marginaux y trouvaient un refuge, un miroir, un mystère. Cette richesse humaine et esthétique ne saurait être réduite à des clichés touristiques ou à des projets d’urbanisme mal maîtrisés. Préserver l’âme de Tanger, c’est préserver cette liberté intime qu’elle a toujours su incarner.

​Entre effervescence et fragilité

Depuis une décennie, Tanger connaît une transformation accélérée. Port Tanger Med, nouvelle corniche, chantiers immobiliers, développement économique : les indicateurs brillent, mais les ombres s’allongent. À quel prix cette modernisation s’opère-t-elle ? L’essor urbain menace parfois de noyer la ville dans une uniformisation qui efface ses repères. Le béton grignote les collines, les quartiers populaires s’effacent, les petits commerces se meurent.

Ce n’est pas être contre le progrès que de s’interroger sur sa forme. Tanger mérite un développement harmonieux, respectueux de son histoire, de ses paysages, de ses habitants. Il ne s’agit pas de figer la ville dans une nostalgie passéiste, mais de faire en sorte que son identité ne disparaisse pas sous la pression des investisseurs, ni sous les coups d’une spéculation qui expulse les siens.

​Une responsabilité collective

Prendre soin de Tanger, c’est d’abord une responsabilité partagée. Celle des décideurs, qui doivent intégrer la mémoire dans leurs projets d’avenir. Celle des architectes et urbanistes, qui doivent penser la ville dans sa cohérence patrimoniale. Celle des citoyens enfin, tangérois de naissance ou de cœur, qui ne peuvent rester indifférents à ce qui se joue sous leurs yeux.

L’éducation à l’histoire locale, la préservation des sites emblématiques, le soutien aux artistes et aux initiatives culturelles, la participation citoyenne à la gestion urbaine : tout cela est essentiel pour que Tanger reste vivante et fière.

​Une ville qu’on aime, c’est une ville qu’on défend

J’écris ces lignes avec le sentiment d’une urgence douce, celle de l’attachement. L’attachement profond à une ville qui m’a vu naître et grandir, à ses silences matinaux et à ses couchers de soleil éblouissants, à son port brumeux et à ses voix familières. Tanger est une ville qui donne, généreuse et pudique à la fois. Ne la trahissons pas.

Tanger, mon amour, ma ville natale… Prenez soin d’elle comme on prend soin d’un être cher. Avec respect, avec tendresse, avec vision.


Lundi 21 Juillet 2025

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