Le Premier ministre pakistanais, Shahbaz Sharif, a assuré au prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, « que toute agression contre l’un ou l’autre pays sera considérée comme une agression contre les deux ».
Les observateurs sont unanimes pour considérer cet accord pakistano-saoudien comme une réaction à la frappe israélienne contre des dirigeants du Hamas à Doha, au Qatar, une semaine auparavant, qui a ébranlé la confiance des pays du Golfe en la protection américaine dont ils pensaient bénéficier.
Le parapluie pakistanais
Comme l’avait indiqué un général pakistanais à la retraite, Feroz Hassan Khan, dans un livre publié en 2012 sur le programme d’armes nucléaires de son pays et intitulé Manger de l’herbe : la fabrication de la bombe pakistanaise, l’Arabie saoudite avait fourni un « généreux soutien financier » à ce programme.
Ce soutien avait déjà suscité la méfiance des Américains et des Israéliens à l'époque, comme le rappelle le blogueur américain Bernhard Horstmann (Moon of Alabama).
Dans une étude publiée en 2012 par The American Interest, sous le titre « L’arme nucléaire pakistano-saoudienne et comment l’arrêter », ses auteurs, des chercheurs de l’École d’études internationales avancées de l’Université Johns Hopkins et du Stimson Center, avaient mis en garde contre un tel scénario :
« Un matin, peut-être dans un avenir pas trop lointain, le président des États-Unis pourrait se réveiller en apprenant que, compte tenu des nouveaux dangers au Moyen-Orient, le gouvernement saoudien a demandé le stationnement de troupes pakistanaises sur son territoire. L’annonce pourrait ensuite expliquer que ces troupes apporteront également avec elles l’ensemble des armes conventionnelles et stratégiques nécessaires pour assurer leur sécurité et celle de l’Arabie saoudite. De nouvelles informations viendraient rapidement d’Islamabad annonçant que le Pakistan a accepté un programme d’aide généreux et du pétrole à prix avantageux en provenance d’Arabie saoudite ».
Le paramètre iranien
À l'époque, Américains et Israéliens supposaient qu’à travers sa coopération militaire croissante avec le Pakistan, l’Arabie saoudite cherchait surtout les moyens de contrer la menace du programme nucléaire iranien.
Sauf qu’en mars 2023, et grâce à une médiation chinoise, les Saoudiens et les Iraniens ont rétabli leurs relations diplomatiques et, depuis lors, Ryad ne considère plus Téhéran comme une menace.
Jusqu’à présent, ni Washington – que Ryad n’a informé de l’accord avec le Pakistan qu’après sa conclusion – ni Tel-Aviv, qui craint pour son quasi-monopole de l’arme nucléaire au Moyen-Orient, n’ont commenté cette nouvelle alliance militaire pakistano-saoudienne.
L’agence de presse américaine AP a toutefois rappelé, dans un article publié le 18 septembre et signé par Munir Ahmed et Jon Gambrell, que le Pakistan avait envoyé des troupes en Arabie saoudite pour la première fois à la fin des années 1960, en raison des inquiétudes suscitées par l'implication de l'Égypte dans la guerre au Yémen à cette époque.
Aujourd'hui, Ryad ne nourrit plus d’inquiétudes vis-à-vis du Caire, ni de Téhéran. L’Arabie saoudite dispose de missiles stratégiques DF-21, achetés secrètement en 2017 à la Chine, d’une portée de 1 700 km, c’est-à-dire capables d’atteindre Tel-Aviv.
Ces missiles, dotés de têtes conventionnelles, peuvent également être équipés de têtes nucléaires.
Un éléphant dans un magasin de porcelaine
Mais il n’en demeure pas moins que la volonté de diversifier les partenariats stratégiques, clairement affichée en premier lieu par l’Arabie saoudite à travers cet accord, laisse présager un recul de l’influence des États-Unis dans la région du Golfe.
Poursuivant sa politique de l'éléphant dans un magasin de porcelaine, le président américain Donald Trump a gravement nui à la crédibilité de la garantie de sécurité américaine, jusque-là assurée aux pays du Golfe, notamment en donnant son accord, officiellement nié mais évident, au raid aérien israélien au Qatar.
Trump aurait également réussi, à travers son soutien au génocide israélien dans la bande de Gaza, à permettre au Hamas palestinien d'atteindre l’un des principaux objectifs de l’attaque du 7 octobre 2023 : empêcher l’Arabie saoudite de se joindre aux accords d’Abraham. Le président américain en rêvait pourtant comme d'un trophée de son deuxième mandat.
Après Lawrence d'Arabie, Trump du Qatar
S’il est peu probable que Donald Trump parvienne un jour à obtenir le prix Nobel de la paix auquel il aspire tant, n'étant parvenu à résoudre ni le conflit en Ukraine ni celui dans la bande de Gaza, il restera dans l'Histoire comme le président américain qui aura réussi à convaincre les Arabes de s'interroger sur la validité de la protection des États-Unis et de commencer à s'affranchir de leur influence.
Trump mérite, au moins, un prix de la part de la stagnante Ligue arabe, si ce n’est, tout aussi symboliquement, de la part des pays du BRICS+, dont l’Arabie saoudite et l’Égypte font désormais partie, aux côtés de la Russie, de la Chine, de l’Iran et de l’Inde.
Lawrence d’Arabie a introduit, il y a plus d’un siècle, les Anglo-Saxons dans les pays du Golfe ; Trump, lui, semble les en faire partir, lentement mais sûrement.
Make Arab World Great Again !