“Tu sembles aller mieux !” : une phrase qui pèse plus qu’on ne le pense


Dire à une personne atteinte d’une maladie chronique qu’elle “va mieux” peut sembler encourageant. Pourtant, derrière ce compliment sincère se cache souvent un malentendu fondamental : non, aller mieux ne veut pas dire être guéri.
Les maladies chroniques, qu’elles soient physiques ou mentales, ne disparaissent pas. Elles accompagnent la personne au quotidien, parfois de façon silencieuse, parfois avec des rechutes douloureuses.

Une maladie est dite chronique lorsqu’elle s’inscrit dans la durée, souvent à vie, nécessitant un suivi régulier, un traitement continu, et surtout une adaptation constante du mode de vie.
C’est le cas de nombreuses affections : diabète, troubles bipolaires, maladies auto-immunes, dépression chronique, fibromyalgie, anxiété généralisée, etc.

Toutes ont un point commun : elles ne se “guérissent” pas, mais se gèrent, jour après jour.



Pourquoi l’entourage a du mal à comprendre

Pour une personne en bonne santé, il est difficile d’imaginer que quelqu’un puisse “aller bien” un jour, puis retomber dans la fatigue, la douleur ou la détresse mentale le lendemain sans cause apparente. Ce caractère fluctuant des maladies chroniques dérange, car il échappe à la logique habituelle de la guérison.

L’entourage veut souvent “aider”, mais cette aide se transforme parfois en incompréhension déguisée : “Mais tu semblais en forme la semaine dernière !” “Tu devrais sortir un peu, ça te ferait du bien.” “Tu devrais arrêter d’y penser.”

Ces phrases partent d’une bonne intention, mais elles minimisent la réalité d’une personne qui lutte en permanence pour maintenir un équilibre fragile. Comprendre une maladie chronique, c’est accepter que les symptômes soient invisibles, que le mieux ne soit jamais définitif, et que le courage soit quotidien, même lorsqu’il ne se voit pas.

Ce qu’il faut éviter de dire et pourquoi

Certaines phrases, souvent prononcées par maladresse, peuvent blesser plus qu’on ne l’imagine. Voici quelques exemples à éviter, et ce qu’elles impliquent pour la personne concernée :

“Tu as l’air guéri !” → Cela nie la nature chronique de la maladie.

La personne peut se sentir incomprise, voire coupable de “tromper” son entourage. “Tu ne fais pas d’effort.

→ La fatigue, la douleur ou la tristesse ne sont pas des choix. Ces remarques augmentent la culpabilité et l’isolement. “C’est dans ta tête.”
→ Même si la maladie touche le mental, elle reste réelle. Ce genre de phrase est profondément invalidante. “Il y a pire que toi.”
→ Comparer la souffrance n’aide jamais. Cela revient à nier le vécu de la personne. “Tu devrais arrêter tes médicaments.”
→ Seul un professionnel de santé peut ajuster un traitement. Ce type de conseil peut être dangereux.

Ces phrases traduisent un manque de compréhension, mais surtout un besoin de contrôle : on veut que la personne aille mieux, pour ne plus se sentir impuissant face à sa souffrance.

Comment aider réellement sans infantiliser ni compatir à outrance

Soutenir quelqu’un atteint d’une maladie chronique ne demande pas de grands gestes, mais une écoute sincère et une présence constante. Voici quelques attitudes simples mais puissantes :

- Écouter sans vouloir corriger. Parfois, la meilleure chose à faire est simplement d’être là.

- Ne pas donner de solution, juste laisser l’autre parler sans se sentir jugé.

- Poser des questions ouvertes. “Comment te sens-tu aujourd’hui ?” est bien plus bienveillant que “Ça va mieux ?”. Cela reconnaît la variabilité de la maladie.

- Respecter les limites. Une personne malade chronique n’a pas toujours l’énergie pour sortir, travailler, ou discuter. Respecter son rythme, c’est reconnaître sa réalité.

- S’informer. Comprendre le fonctionnement de la maladie aide à réagir avec plus de justesse et moins de maladresse.

- Être présent sans pitié. La compassion n’est pas la pitié. Avoir pitié, c’est regarder l’autre de haut ; être compatissant, c’est marcher à ses côtés.

- Valoriser les petits progrès. Reconnaître un effort, une journée un peu meilleure, sans exagérer ni infantiliser.

Le poids invisible du mental

Les maladies chroniques mentales; dépression récurrente, troubles anxieux, bipolarité, TDAH; sont souvent encore moins comprises, car elles ne se voient pas. La personne peut avoir une apparence “normale”, sourire, travailler, mais vivre intérieurement une bataille constante contre la rechute.

Dire “tu sembles aller bien” peut alors sonner comme une injonction à cacher la souffrance. Le mental, dans ce contexte, devient un terrain de résistance silencieuse. Le malade apprend à composer avec ses limites, à anticiper ses moments de fatigue, à éviter les déclencheurs.

Il vit dans une vigilance permanente, souvent épuisante, que peu de gens perçoivent.

L’importance d’une compréhension collective

Apprendre à comprendre les maladies chroniques, c’est aussi changer notre culture de la santé. Nous vivons dans une société où “être en bonne santé” est synonyme de performance, d’efficacité et d’énergie.

Les maladies invisibles, elles, rappellent une autre vérité : la fragilité fait partie de l’humain. Reconnaître cette réalité, c’est offrir un espace de sécurité à ceux qui vivent avec une douleur persistante — sans les marginaliser, sans les réduire à leur diagnostic.

Aider sans se perdre

Soutenir quelqu’un atteint d’une maladie chronique ne doit pas devenir une charge émotionnelle. L’entourage doit aussi préserver son équilibre, poser des limites, et ne pas se sentir responsable du bien-être de l’autre.

Aider, ce n’est pas sauver. C’est accompagner. Et parfois, simplement comprendre sans dire un mot est la plus grande forme de soutien.

Les maladies chroniques, qu’elles soient mentales ou physiques, ne sont pas une faiblesse, mais une réalité de vie à apprivoiser.

L’entourage, par ignorance ou maladresse, peut blesser sans le vouloir. Mais avec de l’écoute, de la patience et une vraie compréhension, il peut aussi devenir un pilier essentiel dans le parcours de la personne malade.

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Vendredi 7 Novembre 2025



Rédigé par Salma Chmanti Houari le Vendredi 7 Novembre 2025
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