Ukraine : Un accord sur les minerais en attendant la paix américaine


Rédigé par le Vendredi 2 Mai 2025

Le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, et la vice-première ministre ukrainienne, Ioulia Svyrydenko, ont finalement signé un accord sur les minerais, à Washington, le 30 avril 2025.



Un fonds d'investissement commun

Après des semaines de négociations tendues, l'Ukraine et les Etats-Unis ont annoncé, mercredi 30 avril, avoir signé un accord prévoyant un partenariat économique entre les deux pays. Il vise notamment à créer un fonds d'investissement commun pour l'exploitation des ressources minières et naturelles ukrainiennes.

Cet accord sur les minerais signé avec les Etats-Unis a été perçu comme un moindre mal par Kiev . Le document ne faisant pas mention des garanties de sécurité, demande répétée du président Volodymyr Zelensky, mais le pays en guerre espère que la perspective de futurs intérêts financiers américains lui conférera une place privilégiée auprès de Washington. 

Il aura fallu des mois de négociations marquées de graves tensions pour que Washington et Kiev s’accordent sur un « partenariat économique » pour l’exploitation des ressources naturelles ukrainiennes.

Cet accord intergouvernemental signé mercredi 30 avril, par Ioulia Svyrydenko, la ministre de l’économie ukrainienne, et le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, prévoit la création d’un fonds d’investissement et de reconstruction, à participation égale entre les deux pays. Il devra encore être approuvé par le Parlement, la Verkhovna Rada.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s’est félicité, jeudi, du point d’aboutissement des négociations : « L’accord a changé de manière significative au cours du processus de préparation. Il s’agit désormais d’un accord véritablement équitable qui crée des opportunités d’investissements significatifs en Ukraine. »

Ce "partenariat économique", signé après des mois de tensions entre Kiev et Washington, doit encore être ratifié par le Parlement ukrainien.Ils ont enfin trouvé un terrain d'entente.

Alors,  que contient l'accord conclu par Kiev et Washington sur l'exploitation des ressources naturelles et minières ukrainiennes   ?

Voici ce que l'on sait du texte, dont le contenu a été en partie détaillé par des responsables ukrainiens.

D'après la ministre de l'Economie ukrainienne, Ioulia Svyrydenko, il permettra de financer des "projets d'extraction" des ressources naturelles – minerais, terres rares, gaz, pétrole –, dont Kiev "conservera l'entière propriété et le contrôle".

"L'Etat ukrainien déterminera ce qui est extrait et où", a-t-elle garanti sur X(Nouvelle fenêtre). En outre, le texte "ne modifie pas la gestion des entreprises étatiques" comme la compagnie pétrolière Ukrnafta ou celle de production d'énergie nucléaire Energoatom, qui "resteront ukrainiennes".

Le fonds recevra des financements américains mais aussi de l'Ukraine, qui contribuera "à hauteur de 50% des recettes du budget de l'Etat provenant des redevances sur les futures licences" d'exploitation dans les domaines des "matériaux critiques, du pétrole et du gaz".

L'accord ne s'applique donc pas aux contrats préexistants.Ioulia Svyrydenko a précisé que, "durant les dix premières années, les bénéfices et les revenus du fonds ne seront pas distribués" et "ne pourront être investis qu'en Ukraine", dans "de nouveaux projets ou la reconstruction".

Pour favoriser ces investissements, "les revenus ou contributions [au fonds] seront défiscalisés aux Etats-Unis et en Ukraine".

"Les transferts et développements de technologies sont une part importante de l'accord, car nous avons besoin d'investissements, mais aussi d'innovations", a-t-elle également fait valoir.

La ministre a ajouté que l'accord conclu "respecte la Constitution" et "la législation" de l'Ukraine, et n'entre pas en conflit avec son objectif d'intégrer l'Union européenne. Selon le Washington Post , qui a pu consulter le texte, Kiev s'était opposée à une précédente version qui offrait des avantages aux investisseurs américains, une mesure ne respectant pas les lois européennes.

Le document signé mercredi contient par ailleurs une mesure "qui protège l'Ukraine de tout accord contraignant qui entraverait son accession à l'UE" et prévoit la possibilité de nouvelles négociations avec Washington pour réviser l'accord, relate le quotidien américain.

"Grâce à cet accord, nous pourrons attirer des ressources importantes pour la reconstruction, relancer la croissance et recevoir les technologies les plus récentes de nos partenaires", s'est félicité mercredi le Premier ministre ukrainien, Denys Chmygal, dans un post Telegram relayé par le New York Times.

Selon le quotidien américain, ce fonds pourrait également permettre aux entreprises américaines de se positionner pour participer à la reconstruction de l'Ukraine après la guerre, un chantier évalué à "plusieurs milliards de dollars".La notion de "dette" envers les Etats-Unis écartée

Après des mois de tensions avec Washington, Kiev a obtenu gain de cause sur un point : "aucune dette, aucune aide" accordée par les Etats-Unis avant la signature du texte "ne fait partie de cet accord", a annoncé le Premier ministre ukrainien, mercredi, à la télévision nationale.

Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump n'a cessé d'exiger une compensation de l'aide militaire et financière américaine versée à Kiev depuis le début de l'offensive russe, il y a trois ans.Le président américain avait chiffré son montant à 500 milliards de dollars, relève l'AFP.

Une somme très largement supérieure aux 120 milliards versés par Washington, selon les estimations de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale (IfW Kiel). Volodymyr Zelensky avait rejeté une première mouture de l'accord prévoyant le remboursement de cette aide américaine via l'exploitation des ressources minières de son pays, affirmant que "dix générations d'Ukrainiens" auraient eu à payer.

"La mise en œuvre de l'accord permet aux deux pays d'augmenter leur potentiel économique à travers une coopération et des investissements équitables", a précisé la ministre de l'Economie ukrainienne sur X.
 

L'accord met en place un fonds d'investissement, qui sera financé à parts égales par les deux pays.

Une mine de titane à Zhytomyr, en Ukraine, le 28 février 2025. (ROMAN PILIPEY / AFP)
Aucune garantie de sécurité concrète !

Un autre élément semble, a priori, absent de cet accord : des garanties de sécurité américaines envers l'Ukraine. Volodymyr Zelensky avait pourtant insisté sur ce point ces dernières semaines, pour être assuré du soutien de la Maison Blanche en cas de nouvelles attaques de la Russie.

Selon le Washington Post, le texte ne contient aucun détail concret à ce sujet. L'AFP ajoute qu'il est simplement mentionné que les Etats-Unis "soutiennent les efforts de l'Ukraine en vue d'obtenir les garanties de sécurité nécessaires à une paix durable".

Scott Bessent, le secrétaire américain au Trésor, a néanmoins estimé dans un communiqué que "cet accord signale clairement à la Russie que l'administration Trump soutient un processus de paix centré sur une Ukraine libre, souveraine et prospère à long terme".

Réagissant jeudi, la Maison Blanche est allée dans le même sens, évoquant un "message fort" envoyé à Vladimir Poutine : "Les Etats-Unis ont un intérêt personnel dans le jeu et sont engagés dans le succès à long terme de l’Ukraine."
 
"Cet accord renforcera également le partenariat stratégique entre les Etats-Unis et l'Ukraine pour la reconstruction et la modernisation à long terme, en réponse aux destructions à grande échelle causées par l’invasion à grande échelle de la Russie. " La Maison Blanche dans un communiqué


 

Avec cet accord sur les minerais , Trump a-t-il évincé l’UE de l’Ukraine ?

De son côté, la ministre de l'Economie ukrainienne a déclaré sur X que les Etats-Unis réaffirmaient, par cet accord, "leur engagement en faveur d'une paix durable" et de "la sécurité, le rétablissement et la reconstruction de l'Ukraine".

Elle a aussi assuré qu'en plus de sa contribution au fonds d'investissement, Washington pourrait fournir "de nouvelles aides à l'Ukraine, par exemple des systèmes de défense aérienne".

Une mise en œuvre encore théorique
Si l'accord trouvé mercredi constitue, selon Kiev et Washington, un important pas en avant, ses futurs résultats restent pour l'instant hypothétiques, estiment plusieurs observateurs.

La ministre de l'Economie ukrainienne avait déclaré, mercredi, que certains "termes" de l'accord restaient à préciser, quand les Etats-Unis ont fait part d'une volonté commune de le "rendre opérationnel au plus vite".

Certains détails doivent donc encore être affinés.Les scientifiques ukrainiens estiment que leur pays détient environ 5% des ressources minières de la planète, rappelle USA Today(Nouvelle fenêtre).

La valeur de ces minerais est toutefois difficile à évaluer : les dernières cartes les situant remontent à l'époque soviétique, et leur exploitation pourrait s'avérer complexe et très coûteuse, pointe le New York Times. Certaines de ces terres se situent par ailleurs dans des zones actuellement contrôlées par la Russie.

L'exploitation dépend en outre d'investissements privés, souligne Oleg Ustenko, ex-conseiller économique de Volodymyr Zelensky, auprès du Washington Post.

En l'absence d'un cessez-le-feu durable avec la Russie, les entreprises américaines pourraient rechigner à débourser des montants aussi importants pour développer cette industrie en Ukraine. "Pour le moment, cet accord est donc plus symbolique qu'autre chose", juge Oleg Ustenko. Le document doit encore être ratifié par le Parlement ukrainien.
 
Avec cet accord sur les minerais , Trump a-t-il évincé l’UE de l’Ukraine ? En comparant l’accord sur les minerais signés par Trump avec Zelensky et celui signé par l’UE en 2021 .  il n' y a pas de doute : l’Américain obtient un accord ferme quand l’UE s’est contentée de bonnes intentions !

 Avec AFP




Hafid Fassi Fihri est un journaliste atypique , un personnage hors-normes . Ce qu'il affectionne, le… En savoir plus sur cet auteur
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