Un pari de 11 milliards pour sauver le cheptel bovin marocain


Rédigé par le Vendredi 29 Aout 2025

En suspendant les droits d’importation sur les bovins et en mobilisant 11 milliards de dirhams, le gouvernement tente de freiner l’érosion du cheptel, d’apaiser les prix de la viande rouge et de prémunir la sécurité alimentaire nationale face aux chocs climatiques et inflationnistes.



Entre sécheresse et inflation, la filière cherche son second souffle

Le silence des marchés à bestiaux ces derniers mois avait quelque chose d’inquiétant: des enclos clairsemés, des transactions hésitantes, des éleveurs usés par trois campagnes sèches qui ont laminé les pâturages et englouti les trésoreries. C’est dans ce contexte que le gouvernement marocain a choisi d’abaisser brutalement la herse tarifaire: suspension des droits d’importation sur les bovins vivants et déblocage d’une enveloppe globale de 11 milliards de dirhams destinée à réamorcer la dynamique de la filière. Au-delà d’un geste budgétaire, c’est un signal politique envoyé à une chaîne de valeur devenue vulnérable.

Cette décision intervient alors que les prix de la viande rouge ont alimenté, trimestre après trimestre, la perception d’une inflation alimentaire persistante dans les foyers urbains. En ouvrant momentanément les frontières tarifaires, Rabat espère injecter une dose de concurrence, desserrer l’étau sur l’offre et empêcher un emballement spéculatif à mesure que s’approchent fêtes et pics de consommation. L’importation reste toutefois un palliatif: elle comble un déficit conjoncturel mais ne remplace pas le temps long de la reconstruction zootechnique.

Les 11 milliards de dirhams se veulent un levier multifonction. Une part alimentera les subventions ciblées à l’aliment composé pour amortir le coût des intrants — céréales et tourteaux renchéris par la volatilité internationale —, une autre soutiendra les programmes de reconstitution du cheptel reproducteur. Des volets sanitaires, vaccination et traçabilité numérique, sont évoqués pour augmenter le rendement carcasse et réduire les pertes. L’intention est claire: transformer une aide d’urgence en pivot de modernisation.

Mais injecter des fonds dans une filière fragmentée n’est jamais mécaniquement synonyme d’efficacité. La cartographie précise des bénéficiaires, la lutte contre les circuits informels d’abattage et l’alignement des coopératives sur des standards homogènes conditionneront l’impact réel du plan. Les professionnels plaident pour accélérer parallèlement l’irrigation fourragère, seul rempart structurel contre la dépendance aux importations d’aliments.

La question environnementale affleure aussi. Faut-il encourager sans discernement l’expansion d’un cheptel bovin émetteur de méthane, ou profiter de ce moment pour réorienter vers des races plus rustiques, mieux adaptées aux stress hydriques, et vers des pratiques agro-pastorales intégrées? Certains économistes suggèrent de conditionner une fraction des aides à des engagements mesurables: gestion de l’eau, valorisation des résidus agricoles, réduction des pertes post-abattage.

Dans l’immédiat, la filière respire: le marché anticipe une détente progressive des prix et les éleveurs voient s’ouvrir une fenêtre pour recapitaliser leurs troupeaux. Reste à savoir si l’État prolongera l’effort par un pacte de productivité qui fasse converger sécurité alimentaire, soutenabilité économique et résilience climatique. La suspension des droits est un acte; la refondation, elle, sera un processus.

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Journaliste junior passionné par l'écriture, la communication, les relations internationales et la… En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 29 Aout 2025
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