Un plan d’envergure de près de six milliards de dirhams pour revitaliser l’élevage au Maroc


Rédigé par La Rédaction le Vendredi 23 Mai 2025

Le Maroc dévoile une stratégie ambitieuse pour sauver son cheptel national, avec un plan d'urgence inédit en cinq axes et une aide directe aux éleveurs
Une brebis sur deux sauvée ? Le Maroc parie gros sur l’avenir pastoral !
Effacer les dettes, subventionner l’orge : l’État joue le berger des temps modernes »
De la génétique à la paille : le grand plan de sauvetage du cheptel marocain



Cette fois, le Maroc ne veut pas rater la marche. Après des mois de sécheresse alarmante suivis de précipitations bienvenues, le ministère de l’Agriculture annonce une réforme ambitieuse pour soutenir les éleveurs et reconstruire le cheptel national. Un plan de sauvetage structuré, massif, pensé comme un tournant : près de six milliards de dirhams injectés entre 2025 et 2026 pour panser les plaies du monde rural et préparer un avenir plus résilient.

C’est Ahmed El Bouari, ministre en charge, qui a levé le voile sur cette opération d’envergure lors du dernier Conseil de gouvernement. Sa Majesté le Roi Mohammed VI y a personnellement donné Ses Hautes Orientations, insistant sur la nécessité d’une mise en œuvre rigoureuse, équitable et encadrée localement. Il ne s’agit pas d’une énième mesure ponctuelle, mais d’un véritable changement de paradigme.

​Première urgence : libérer les éleveurs de l’étau des dettes


Le nerf de la guerre ? La dette. Dans les zones rurales, elle a étranglé les petits éleveurs au fil des années. Le premier axe du plan vise donc à alléger ce fardeau. Concrètement, cinquante mille éleveurs verront tout ou partie de leurs dettes effacées.

Si vous devez moins de cent mille dirhams, l’État vous en libère la moitié, capital et intérêts compris.
Entre cent mille et deux cent mille dirhams, un quart de votre dette sera effacé.
Au-delà, les dettes seront reprogrammées, et les pénalités de retard supprimées.

Ce geste fort — sept cents millions de dirhams au total — cible surtout les petits éleveurs, qui représentent soixante-quinze pour cent des bénéficiaires.

Subventionner pour mieux nourrir

La deuxième brique du programme concerne l’alimentation animale. Et là encore, l’ambition est au rendez-vous : deux milliards et demi de dirhams vont être mobilisés.

L’État subventionnera le prix de l’orge jusqu’à sept millions de quintaux, afin de stabiliser son coût à un dirham cinquante le kilo. Même logique pour les aliments composés destinés aux ovins et caprins, qui seront ramenés à deux dirhams le kilo grâce à la même enveloppe.

On touche ici à un levier essentiel pour redonner de la marge de manœuvre aux éleveurs tout en garantissant une nutrition correcte au bétail. Dans un contexte climatique imprévisible, cette stabilité est un filet de sécurité vital.

​Préserver les femelles, pilier de la relance

L’un des piliers stratégiques de ce plan repose sur l’identification et la préservation des femelles reproductrices. Le but est clair : atteindre huit millions de têtes (brebis et chèvres) d’ici mai 2026.

Pour cela, l’État met en place une opération d’identification nationale des femelles, accompagnée d’une interdiction de leur abattage. Chaque éleveur qui accepte de jouer le jeu recevra quatre cents dirhams par tête identifiée et conservée.

Ce n’est pas qu’un soutien financier. C’est un pari sur le temps long, une vision reproductible qui vise à restaurer la capacité naturelle du pays à assurer une sécurité alimentaire basique : la viande et le lait.

​Santé animale : mieux vaut prévenir que guérir

Autre enjeu capital : éviter les épizooties et les pertes de bétail massives dues aux maladies. Pour ce faire, une campagne nationale de traitement préventif sera lancée en 2025, avec une couverture de dix-sept millions de têtes et un budget de cent cinquante millions de dirhams.

Un investissement modeste par rapport aux pertes potentielles, mais décisif pour consolider la relance.

​Moderniser, former, améliorer les races

Enfin, le cinquième axe du programme vise à hisser l’élevage marocain vers plus de technicité. Cinquante millions de dirhams seront mobilisés pour améliorer les races grâce à des plateformes d’insémination artificielle et à l’accompagnement technique des éleveurs.

C’est là que se joue une partie de l’avenir : moderniser sans brutaliser, introduire des pratiques innovantes tout en respectant les réalités locales. Cela suppose de la pédagogie, du temps, et un soutien constant.

Une stratégie qui change la donne

Au total, le programme mobilise près de trois milliards de dirhams d’ici fin 2025, auxquels s’ajouteront trois milliards et deux cents millions en 2026, pour accompagner spécifiquement les éleveurs engagés dans la sauvegarde des femelles reproductrices.

Ce plan de relance agricole, pensé comme une politique de résilience, a aussi une dimension sociale forte. Il remet les éleveurs au cœur de la chaîne de valeur rurale, dans un moment de bascule climatique et économique. Il y a, dans cette initiative, un écho aux années difficiles traversées par le Maroc rural — mais aussi une promesse de changement.

Oui, cette année, on va faire autrement. Pas parce que tout a changé du jour au lendemain, mais parce que l’on choisit de changer. Avec méthode, budget, et vision.

Les éleveurs ne veulent pas de charité. Ils veulent de la clarté, du respect et des perspectives. Ce programme pourrait bien être la première pierre d’un nouveau contrat entre le pays et ses campagnes.

Et cette fois, il ne s’agira pas d’un simple coup de pouce, mais d’une main tendue à long terme.

Changement de cap assumé : fini les subventions aux importateurs, place aux territoires

Exit les subventions massives versées aux importateurs privés du bétail. Cette politique, largement critiquée pour son inefficacité, a laissé un goût amer : une grande partie de l’aide a été détournée par des spéculateurs sans scrupules, aux dépens des véritables bénéficiaires. Résultat : peu d’impact sur les prix réels pour les consomateurs, et un sentiment d’injustice croissant dans les campagnes.

Le nouveau programme marque un tournant : la gouvernance sera désormais locale. Les commissions d’encadrement seront placées sous la supervision directe des autorités territoriales, conformément à la décision actée lors du dernier Conseil des ministres. Ce recentrage vise à garantir une meilleure traçabilité, une distribution équitable, et une véritable redevabilité. En d’autres termes, l’État veut reprendre la main pour que l’aide atteigne, enfin, ceux qui en ont vraiment besoin.

élevage, cheptel, Maroc, agriculture, sécheresse, subventions, éleveurs, femelles reproductrices, dette agricole, alimentation animale





Vendredi 23 Mai 2025
Dans la même rubrique :