Rédigé par Sanae Dairi
Comment expliquez‑vous la faible participation politique des MRE malgré les dispositions de l’article 17 de la Constitution ?
L’article 17 de la Constitution est très clair : les Marocains du monde ont les mêmes droits politiques que ceux qui vivent au pays, ils peuvent voter et même se présenter aux élections. Mais dans la réalité, ce droit reste très limité. Beaucoup de MRE n’arrivent pas à voter, parce qu’il faut soit se déplacer jusqu’au Maroc, soit donner procuration, et ça ne correspond pas du tout à la vie d’une diaspora aussi nombreuse et dispersée.
La participation est donc faible pour plusieurs raisons. D’abord des problèmes très pratiques : trop peu de bureaux de vote dans les consulats, parfois à plusieurs centaines de kilomètres de chez eux, et un manque d’information. Ensuite, il y a une question de lien : les campagnes électorales marocaines ne parlent pas vraiment à la diaspora, surtout aux jeunes qui sont nés et ont grandi à l’étranger. Et puis, au fond, il n’y a pas de véritable représentation : les MRE n’ont pas de députés qui parlent en leur nom, ce qui donne l’impression que leur voix ne compte pas.
Si on regarde l’exemple de la Tunisie, on voit une autre approche. Les Tunisiens de l’étranger ont des circonscriptions électorales propres, avec des députés élus directement par la diaspora. Ça ne règle pas tout, la participation n’est pas énorme non plus, mais au moins il y a un cadre institutionnel qui reconnaît leur rôle.
Le Maroc pourrait s’inspirer de ce modèle, en créant des circonscriptions régionales réservées aux MRE et en y assurant la parité. Ça donnerait enfin aux Marocains du monde une vraie place dans les institutions, à la hauteur de ce qu’ils apportent au pays.
Quels obstacles logistiques freinent aujourd’hui l’exercice concret du droit de vote des Marocains résidant à l’étranger ?
En réalité, les obstacles sont assez simples à comprendre. Les bureaux de vote dans les consulats sont trop peu nombreux, et parfois il faut faire plusieurs centaines de kilomètres pour pouvoir voter, ce qui décourage beaucoup de monde, surtout les familles ou les personnes âgées. À cela s’ajoute la lourdeur administrative : il faut s’inscrire volontairement sur les listes électorales, sans qu’il y ait de vraies campagnes d’information pour expliquer la démarche. Enfin, le découpage électoral n’est pas pensé pour la diaspora : un bureau de vote à l’étranger devrait en principe couvrir toutes les circonscriptions marocaines, ce qui complique énormément l’organisation. Résultat, même si le droit existe, dans la pratique, le vote est difficilement accessible.
Le vote par procuration répond‑il aux attentes de la diaspora ou faut‑il envisager des solutions telles que le vote électronique ?
Le vote par procuration existe, mais beaucoup de Marocains de l’étranger le voient plutôt comme un pis-aller. Ça ne garantit pas vraiment l’indépendance de leur choix, ni la transparence. Si on veut vraiment encourager la participation, il faut penser à d’autres solutions.
Le vote électronique, par exemple, est déjà utilisé ailleurs, comme par les Français de l’étranger. Ça pourrait être une piste intéressante pour les pays où la communauté marocaine est très nombreuse, comme la France, la Belgique ou l’Espagne.
On pourrait aussi tester le vote par correspondance (ou vote postale), qui marche déjà au Portugal ou en Italie. L’idéal serait de commencer par une phase pilote, dans quelques pays, pour voir ce qui fonctionne le mieux avant de l’étendre plus largement.
L’obligation pour les partis de placer une candidate de la diaspora en tête de liste depuis 2021 a‑t‑elle eu des effets tangibles ?
Cette mesure a eu surtout un effet symbolique. Elle a permis de mettre en avant des femmes issues de la diaspora et a obligé les partis à aller chercher des profils féminins compétents. Mais dans la réalité, très peu de ces candidates ont réussi à siéger au Parlement, parce que ça ne concernait que les listes régionales et non pas de vraies circonscriptions réservées aux MRE. Du coup, l’impact reste limité tant qu’on ne crée pas de sièges dédiés à la diaspora.
Comment stimuler la volonté des partis politiques d’intégrer des candidats MRE au‑delà des incitations financières ?
Au-delà des incitations financières, il faudrait par exemple, conditionner une partie du financement public à la représentativité des MRE, ou donner plus de visibilité médiatique aux candidats MRE pour qu’ils soient perçus comme légitimes par l’opinion publique.
Les propositions visant à réserver un tiers des sièges du Parlement aux MRE vous paraissent‑elles réalistes ? Quelles alternatives ?
Irréaliste dans le contexte actuel. En revanche et sans déséquilibrer le système parlementaire, peut-être, réserver un nombre fixe de sièges (10 à 15) représentant les principales zones de diaspora (Europe, Amérique du Nord, Golfe, Afrique).Et surtout assurer une parité stricte dans ces sièges, afin de garantir une présence féminine significative.
Quelles bonnes pratiques étrangères (Italie, France, Portugal) pourraient être adaptées au contexte marocain ?
Plusieurs pays offrent des modèles inspirants pour la représentation des citoyens à l’étranger. L’Italie réserve des sièges parlementaires selon le poids démographique des communautés, la France teste le vote électronique, et le Portugal combine représentation au Parlement et vote par correspondance. La Tunisie applique une approche similaire, avec des sièges dédiés et le vote à distance. Le Maroc pourrait s’inspirer de ces expériences en associant sièges réservés et options de vote postal ou électronique, tout en renforçant la sécurité : vérification stricte de l’identité des électeurs avant l’envoi du matériel, codes uniques pour chaque bulletin, suivi du courrier et mise en place de procédures de contrôle à la réception des votes afin de réduire tout risque de fraude ou de perte.
La création d’un Secrétariat d’État dédié aux affaires des MRE serait‑elle suffisante pour améliorer leur représentation ?
Un Secrétariat d’État, s’il reste juste une structure administrative, ne changerait pas grand-chose. Ce qu’il faudrait, c’est quelque chose de plus transversal, qui travaille vraiment avec les ministères des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de la Culture et de l’Économie. Et il serait important d’associer des conseils consultatifs élus par les MRE aux décisions. Sinon, on risque juste de créer une nouvelle structure qui n’aura pas beaucoup d’impact.
Comment renforcer la participation des MRE dans les conseils régionaux et les instances locales ?
Il serait intéressant de permettre aux MRE qui sont inscrits dans une commune marocaine de voter aux élections locales et régionales, même depuis l’étranger. On pourrait aussi créer des sièges consultatifs pour eux dans les conseils régionaux, par exemple au moins un par région où il y a beaucoup d’émigrés. Et pourquoi pas encourager des jumelages entre certaines régions du Maroc et les villes où vit une forte communauté marocaine à l’étranger.
En quoi une meilleure représentativité des MRE pourrait‑elle contribuer à la diplomatie économique et culturelle du Maroc ?
Les MRE sont de véritables fervents défenseurs du Maroc. Ils le représentent au quotidien et participent activement à sa visibilité à l’international. S’ils avaient une meilleure représentativité politique, leur sentiment d’appartenance serait encore plus fort, et ils pourraient s’investir davantage pour le pays.
Sur le plan économique, cela permettrait de mieux canaliser les transferts financiers vers des projets productifs, en lien avec des députés MRE qui connaissent leurs besoins. Sur le plan culturel et identitaire, une représentation renforcée aiderait à promouvoir l’enseignement de l’arabe et de l’amazigh à l’étranger et à mettre en avant les artistes marocains dans les pays d’accueil. Enfin, sur le plan diplomatique, les élus MRE pourraient agir comme de véritables “ambassadeurs de proximité”, facilitant les échanges bilatéraux et soutenant des causes nationales importantes, comme celle du Sahara Marocain.
L’article 17 de la Constitution est très clair : les Marocains du monde ont les mêmes droits politiques que ceux qui vivent au pays, ils peuvent voter et même se présenter aux élections. Mais dans la réalité, ce droit reste très limité. Beaucoup de MRE n’arrivent pas à voter, parce qu’il faut soit se déplacer jusqu’au Maroc, soit donner procuration, et ça ne correspond pas du tout à la vie d’une diaspora aussi nombreuse et dispersée.
La participation est donc faible pour plusieurs raisons. D’abord des problèmes très pratiques : trop peu de bureaux de vote dans les consulats, parfois à plusieurs centaines de kilomètres de chez eux, et un manque d’information. Ensuite, il y a une question de lien : les campagnes électorales marocaines ne parlent pas vraiment à la diaspora, surtout aux jeunes qui sont nés et ont grandi à l’étranger. Et puis, au fond, il n’y a pas de véritable représentation : les MRE n’ont pas de députés qui parlent en leur nom, ce qui donne l’impression que leur voix ne compte pas.
Si on regarde l’exemple de la Tunisie, on voit une autre approche. Les Tunisiens de l’étranger ont des circonscriptions électorales propres, avec des députés élus directement par la diaspora. Ça ne règle pas tout, la participation n’est pas énorme non plus, mais au moins il y a un cadre institutionnel qui reconnaît leur rôle.
Le Maroc pourrait s’inspirer de ce modèle, en créant des circonscriptions régionales réservées aux MRE et en y assurant la parité. Ça donnerait enfin aux Marocains du monde une vraie place dans les institutions, à la hauteur de ce qu’ils apportent au pays.
Quels obstacles logistiques freinent aujourd’hui l’exercice concret du droit de vote des Marocains résidant à l’étranger ?
En réalité, les obstacles sont assez simples à comprendre. Les bureaux de vote dans les consulats sont trop peu nombreux, et parfois il faut faire plusieurs centaines de kilomètres pour pouvoir voter, ce qui décourage beaucoup de monde, surtout les familles ou les personnes âgées. À cela s’ajoute la lourdeur administrative : il faut s’inscrire volontairement sur les listes électorales, sans qu’il y ait de vraies campagnes d’information pour expliquer la démarche. Enfin, le découpage électoral n’est pas pensé pour la diaspora : un bureau de vote à l’étranger devrait en principe couvrir toutes les circonscriptions marocaines, ce qui complique énormément l’organisation. Résultat, même si le droit existe, dans la pratique, le vote est difficilement accessible.
Le vote par procuration répond‑il aux attentes de la diaspora ou faut‑il envisager des solutions telles que le vote électronique ?
Le vote par procuration existe, mais beaucoup de Marocains de l’étranger le voient plutôt comme un pis-aller. Ça ne garantit pas vraiment l’indépendance de leur choix, ni la transparence. Si on veut vraiment encourager la participation, il faut penser à d’autres solutions.
Le vote électronique, par exemple, est déjà utilisé ailleurs, comme par les Français de l’étranger. Ça pourrait être une piste intéressante pour les pays où la communauté marocaine est très nombreuse, comme la France, la Belgique ou l’Espagne.
On pourrait aussi tester le vote par correspondance (ou vote postale), qui marche déjà au Portugal ou en Italie. L’idéal serait de commencer par une phase pilote, dans quelques pays, pour voir ce qui fonctionne le mieux avant de l’étendre plus largement.
L’obligation pour les partis de placer une candidate de la diaspora en tête de liste depuis 2021 a‑t‑elle eu des effets tangibles ?
Cette mesure a eu surtout un effet symbolique. Elle a permis de mettre en avant des femmes issues de la diaspora et a obligé les partis à aller chercher des profils féminins compétents. Mais dans la réalité, très peu de ces candidates ont réussi à siéger au Parlement, parce que ça ne concernait que les listes régionales et non pas de vraies circonscriptions réservées aux MRE. Du coup, l’impact reste limité tant qu’on ne crée pas de sièges dédiés à la diaspora.
Comment stimuler la volonté des partis politiques d’intégrer des candidats MRE au‑delà des incitations financières ?
Au-delà des incitations financières, il faudrait par exemple, conditionner une partie du financement public à la représentativité des MRE, ou donner plus de visibilité médiatique aux candidats MRE pour qu’ils soient perçus comme légitimes par l’opinion publique.
Les propositions visant à réserver un tiers des sièges du Parlement aux MRE vous paraissent‑elles réalistes ? Quelles alternatives ?
Irréaliste dans le contexte actuel. En revanche et sans déséquilibrer le système parlementaire, peut-être, réserver un nombre fixe de sièges (10 à 15) représentant les principales zones de diaspora (Europe, Amérique du Nord, Golfe, Afrique).Et surtout assurer une parité stricte dans ces sièges, afin de garantir une présence féminine significative.
Quelles bonnes pratiques étrangères (Italie, France, Portugal) pourraient être adaptées au contexte marocain ?
Plusieurs pays offrent des modèles inspirants pour la représentation des citoyens à l’étranger. L’Italie réserve des sièges parlementaires selon le poids démographique des communautés, la France teste le vote électronique, et le Portugal combine représentation au Parlement et vote par correspondance. La Tunisie applique une approche similaire, avec des sièges dédiés et le vote à distance. Le Maroc pourrait s’inspirer de ces expériences en associant sièges réservés et options de vote postal ou électronique, tout en renforçant la sécurité : vérification stricte de l’identité des électeurs avant l’envoi du matériel, codes uniques pour chaque bulletin, suivi du courrier et mise en place de procédures de contrôle à la réception des votes afin de réduire tout risque de fraude ou de perte.
La création d’un Secrétariat d’État dédié aux affaires des MRE serait‑elle suffisante pour améliorer leur représentation ?
Un Secrétariat d’État, s’il reste juste une structure administrative, ne changerait pas grand-chose. Ce qu’il faudrait, c’est quelque chose de plus transversal, qui travaille vraiment avec les ministères des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de la Culture et de l’Économie. Et il serait important d’associer des conseils consultatifs élus par les MRE aux décisions. Sinon, on risque juste de créer une nouvelle structure qui n’aura pas beaucoup d’impact.
Comment renforcer la participation des MRE dans les conseils régionaux et les instances locales ?
Il serait intéressant de permettre aux MRE qui sont inscrits dans une commune marocaine de voter aux élections locales et régionales, même depuis l’étranger. On pourrait aussi créer des sièges consultatifs pour eux dans les conseils régionaux, par exemple au moins un par région où il y a beaucoup d’émigrés. Et pourquoi pas encourager des jumelages entre certaines régions du Maroc et les villes où vit une forte communauté marocaine à l’étranger.
En quoi une meilleure représentativité des MRE pourrait‑elle contribuer à la diplomatie économique et culturelle du Maroc ?
Les MRE sont de véritables fervents défenseurs du Maroc. Ils le représentent au quotidien et participent activement à sa visibilité à l’international. S’ils avaient une meilleure représentativité politique, leur sentiment d’appartenance serait encore plus fort, et ils pourraient s’investir davantage pour le pays.
Sur le plan économique, cela permettrait de mieux canaliser les transferts financiers vers des projets productifs, en lien avec des députés MRE qui connaissent leurs besoins. Sur le plan culturel et identitaire, une représentation renforcée aiderait à promouvoir l’enseignement de l’arabe et de l’amazigh à l’étranger et à mettre en avant les artistes marocains dans les pays d’accueil. Enfin, sur le plan diplomatique, les élus MRE pourraient agir comme de véritables “ambassadeurs de proximité”, facilitant les échanges bilatéraux et soutenant des causes nationales importantes, comme celle du Sahara Marocain.