Viol : Il faut changer les lois


Faut-il donc que la victime d’un viol, mineure -il faut bien le préciser-, meure pour que le jugement soit conséquent ? L’affaire de la petite Sanae de Tiflet nous rappelle le drame du petit Adnane de Tanger, âgé lui aussi de 11 ans, dont le criminel avait écopé de la peine de mort en 2020.



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Par Souad Mekkaoui

Si la différence entre les deux affaires est le meurtre de la victime, force est de constater qu’il y a aussi un élément de taille dans les deux affaires qui fait que le verdict soit juste ou injuste : c’est le juge.

En effet, autant certains magistrats s’acquittent de leur devoir, honnêteté, empathie, justesse, humanisme et objectivité chevillés au corps, autant il y a ceux dont le jugement est motivé par d’autres facteurs qu’eux seuls connaissent.

Dans l’affaire de la petite Sanae qui remet sur le tapis le débat autour de l’efficience de l’arsenal juridique pour lutter contre ces crimes, on est devant un juge qui « a confectionné » des circonstances atténuantes aux violeurs sans pour autant penser à la petite fille, exploitée par ces bourreaux.

Pis, les coupables bénéficient ainsi d’un jugement allégé vu « leur situation personnelle » -dont on ne saisit pas la signification- d’autant plus qu’ils n’ont pas d’antécédents juridiques.

On en tombe à la renverse à la lecture du rapport du verdict ! Et les conditions aggravantes, qu’est-ce qu’on en fait, Monsieur le juge ? Ne s’agit-il pas d’un viol avéré au lieu de jouer avec les mots et de le présenter en tant qu’« attentat à la pudeur sur mineure avec violence» et « détournement de mineure »?

L’article 486 du code pénal marocain énonce que « Le viol est l’acte par lequel un homme a des relations sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci ». À moins que le juge ne trouve que la petite ait été consentante !

Et les conditions aggravantes inhérentes à la l’âge de la victime, la différence d’âge, on en parle Monsieur le juge ? N’y a-t-il pas préméditation voire viols organisés puisque les coupables guettaient l’absence des parents pour aller commettre leur « crime ignoble » ?

Ne s’agit-il pas d’abus et d’exploitation sexuelle à répétition, arme blanche et menaces brandies ? Les agresseurs n’avaient-il pas pris l’habitude de rendre visite à la petite fille pour assouvir leur bestialité auquel cas cela n’a qu’un nom : la récidive ? Pour ceux d’entre eux qui ont des enfants, comment être sûr que ces derniers ne subissent pas le calvaire de l’inceste ?


Le silence de la loi représentée par le juge sur tous ces faits est vraiment hallucinant et balaye d’un revers de main tout l’arsenal juridique marocain en matière pénale dans les cas de la pédophilie. Sans parler des instructions royales, des efforts déployés par l’Observatoire national des droits de l’Enfant et toutes les associations qui œuvrent dans ce sens.

 

Ce viol, qui plus est relève de pédophilie, allait certainement passer sous silence et le violeur-père du bébé allait quitter la prison dans six mois au moment où les deux autres agresseurs allaient retrouver leurs familles pour finir leur peine en sursis rappelant à la famille de la victime son impuissance à protéger son enfant.

Mais heureusement que les réseaux sociaux deviennent de plus en plus le tribunal populaire qui dévoile au grand public, dénonce et condamne.

Il s’agit là d’un crime grave qui affecte l’intégrité physique et psychique de l’enfant qui en garde des séquelles à vie. Comment un juge consciencieux peut-il évaluer tout le tort fait à la petite fille, à ses parents, et à son bébé à seulement deux ans de prison ? Cette aberration est juste révoltante et pousse à crier à l’unisson contre les peines appliquées aux auteurs de ce genre de crime qui sont loin d’être adaptées à l’atrocité de l’acte et à ses effets sur toute la société.

Aussi faut-il s’interroger sur le rôle des juges puisque les textes incriminant les actes pédophiles et définissant les peines existent, mais c’est l’application des textes juridiques dans les tribunaux qui pose problème et donne un coup à l’efficience de la législation marocaine en matière de répression de crimes de pédophilie.

Rappelons pour preuve l’article 485 complété par la loi n°24.03, qui concerne l’attentat sur les mineurs de moins de 18 ans et stipule: « est puni de la réclusion de cinq à dix ans tout attentat à la pudeur consommé ou tenté avec violences contre des personnes de l’un ou de l’autre sexe.

Toutefois si le crime a été commis sur la personne d’un enfant de moins de dix-huit ans, d’un incapable, d’un handicapé, ou sur une personne connue pour ses capacités mentales faibles, le coupable est puni de la réclusion de dix à vingt ans »
.

Force est de souligner que Les cadres juridique et institutionnel actuels restent caractérisés par de nombreuses lacunes : La qualification des crimes de viol et d’ « attentat à la pudeur » comme étant des crimes portant atteinte à « l’ordre des familles et à la moralité publique ».

N’est-il pas temps que le législateur marocain durcisse les peines pour ce genre de crimes sans faire bénéficier les violeurs d’une réduction de peine ou d’une clémence ?

Porter atteinte à la pudeur d’un enfant est une violence en soi qui nécessite la condamnation à perpétuité. Si les peines décrites par le législateur peuvent atteindre jusqu’à 20 ans de prison ferme en cas de viol et la peine capitale en cas d’assassinat du mineur, malheureusement les choses se passent autrement dans la vie réelle.

la lutte contre la pédophilie est l’affaire de tous les acteurs, État, partis politiques et associations de la société civile. Nous n’avons plus le droit de fermer les yeux sur ces crimes contre l’enfance.

Qu’est-ce qu’on attend pour créer un Code de l’enfant avec des textes spécifiques et clairs afin de protéger les enfants contre les prédateurs qui les guettent ?

Par ailleurs, ne faut-il pas créer des cellules spécialisées au sein des tribunaux pour accompagner les enfants victimes d’abus sexuels ? Au-delà de la douleur et de l’horreur provoquées par de tels actes, c’est toute une société qui en pâtit. Il est temps de recadrer les décisions prises par la justice dans les affaires de viol et d’abus sexuel et de faire un grand effort de réflexion autour des moyens efficaces pour faire face à ce phénomène et protéger les enfants de ces prédateurs humains.

Aussi est-il nécessaire que l’État s’y mette et agisse avec diligence pour protéger ces enfants en poursuivant les pédophiles en justice surtout que les parents des victimes finissent par se taire généralement.

La tolérance zéro dans ces cas doit être de mise afin de donner l’exemplarité. N’oublions pas que de nombreuses conventions ont été ratifiées par le Maroc pour la protection des enfants. N’oublions pas que les juges qui prononcent des sentences au nom du Roi, ne sont pas tous dignes de ce rôle noble qui leur incombe.

Autrement, par le jugement injuste rendu dans l’affaire de la petite Sanae où les juges ont estimé que « la peine prévue légalement est sévère au regard des faits incriminés » c’est comme si les signataires de cette sentence insinuent : violez encore et encore impunément !

Rédigé par Souad Mekkaoui sur Maroc Diplomatique 


Mardi 11 Avril 2023

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