WALTER B.HARRIS, le Gentleman de Tanger


Il fut un journaliste de talent, un écrivain passionné et un espion singulier. Il a été longtemps durant le correspondant spécial de "The Times" et l'informateur privilégié des services de Sa Majesté britannique.



Par Fouad ZAIM-CHERKAOUI

Il a été éperdument amoureux, non d'une femme, mais...de Tanger et des Tangérois. Il avait pour nom WALTER B. HARRIS.
 
WALTER BURTON HARRIS est né le 29 août 1866 à Londres. Il était le second fils de Frederick W.HARRIS, un armateur et courtier d'assurances.

Il a reçu une formation à la Harrow Scholl, puis brièvement à la Cambridge University. Il débarque au Maroc à l'âge de 19 ans, accompagnant une mission diplomatique britannique.

Il s'installe d'emblée à Tanger, où il bâtira plus tard la belle  "Villa Harris", entourée de jardins, dans laquelle il passera l'essentiel de sa vie.
 
Il sera l'époux de Lady Mary SAVILE, dont il divorcera...le mariage n'ayant pas été consommé après...huit ans de vie commune. Il était riche, ouvertement homosexuel et polyglotte. Il parlait couramment le français, l'espagnol et le dialecte marocain.

Dans son livre clé, "Morocco that was", Walter HARRIS raconte son arrivée auprès du Sultan : "Ce fut en 1887 que je pénétrais pour la première fois la cour marocaine...lorsque je fus invité par feu Sir Williams Kirby Green à l'accompagner dans son ambassade...Moulay Hassan Premier était alors à l'apogée de sa puissance.
 
C'était un sultan fort, passablement cruel et certainement capable. Son énergie ne faiblissait jamais. Il maintenait l'ordre parmi les tribus anarchiques et brisait les révoltes qui surgissaient sans répit en se transportant sans cesse à travers le pays, accompagné de la cohue de ses harkas. Il passait rarement six mois de suite dans une de ses capitales et les Marocains disaient : la tente impériale est toujours dressée".
 
Walter HARRIS n'est pas dupe. Il est pleinement conscient d'être dans un pays qui a une longue histoire, des racines mémorielles et de vieilles institutions : "L' état de civilisation du Maroc a été, pendant des siècles, bien supérieur à celui de la plupart des pays de l'Afrique. Il a connu, il est vrai, une longue période de décadence, mais n'en possède pas moins certains traits admirables. Les institutions, l'architecture et l'art, les vestiges des universités, les travaux d'adduction d'eau de Fez et de Marrakech, le savoir-vivre des gens et leurs aptitudes au commerce, au négoce, à l'agriculture, tout prouve l'évidence d'une civilisation n'ayant pas subi l'influence de l'Europe pendant des siècles, et qui est tout simplement admirable".
 
Walter HARRIS devient le correspond permanent de "The Times" à partir de 1906, à un moment où le conflit entre puissances européennes autour du Maroc s'exacerbe. Il travaille directement pour les services de renseignements britanniques et utilise son accès à des personnalités marocaines de haut rang pour peser sur le cours des événements. Il commence par s'opposer aux ambitions de la France de jouer un role plus important dans le pays, mais finira, suite à "l'entente cordiale", par atténuer son hostilité au point que lui sera décernée la "légion d'honneur" ainsi que titre de "Commandeur du Ouissam Alaouite".
 
Un des épisodes les plus marquants de l'histoire tangéroise de Walter HARRIS sera sa capture, en 1933, par les hommes de Ahmed RAISSOUNI, qu'il raconte longuement dans "Le Maroc disparu" : "Fuir était impossible, et comme j'étais sans arme toute résistance était inutile. De tous les côtés surgissent des guerriers et en quelques secondes, j'étais pris et entouré d'une quarantaine d'indigènes armés de fusils européens. Je ne fus pas maltraité, mais ils me dirent que j'étais prisonnier...la chambre dans laquelle je me trouvais était très sombre...et mes yeux mirent longtemps à s'habituer aux ténèbres, Je suis resté neuf jours dans cette chambre, où il y eut une seule visite du leader des Jbalas, par ailleurs très poli".
 
Walter HARRIS est fasciné par le personnage de Raissouni : "Il était grand, avec une beauté remarquable et une peau des plus blanches, une petite barbe noire, une moustache et des yeux noirs sur un profil grec plus symétrique ".
Les négociations aboutiront, grâce à l'intercession du Cherif d'Ouezzane, à la remise en liberté de l'anglais : " sa présence opportune régla mon sort...le jour d'après, un grand contingent d'indigènes, le cheikh et moi-même partîmes pour Tanger".
 
WALTER B. HARRIS était en voyage à travers la Méditerranée, quand il eut un accident vasculaire cérébral. Le navire sur lequel il était accosta à Malte et il fut transporté à l'hôpital King George V où il mourut, à l'âge de 67 ans, le 4 avril 1933.
 
Sa dépouille sera ramenée à Tanger pour être enterrée à l'église Saint-André.

Sur sa tombe, on peut aujourd'hui lire l'épitaphe qui suit : " WALTER BURTON HARRIS, born august 29th 1866. He came to Tangier in 1886 and was associated with The Times as correspondent in Morocco and elsewhere, from 1887 till his death April 4th 1933. He loved the Moorish people and was their friend". Paix à son âme.
 
 Fouad ZAIM-CHERKAOUI


Lundi 13 Décembre 2021

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