WIN REBBI, qui veut dire la part de Dieu en Tamazight


Dans les vallées verdoyantes d'Al Haouz, où les montagnes de l'Atlas se dressent comme des gardiens anciens, le temps semble s'écouler au rythme des traditions séculaires. C'est ici, dans mon oasis natale, que j'ai grandi avec la croyance que Dieu lui-même partageait notre table familiale. "Win Rebbi", la part de Dieu, était plus qu'une simple coutume ; c'était un pont invisible reliant le divin à notre quotidien.



Jusqu'à l'âge de 7 ans, j'ai cru que Dieu venait chaque jour déjeuner avec nous en famille !

Ma mère, une femme d'une sagesse et d'une générosité infinies, préparait chaque jour un festin pour une famille invisible de trois membres supplémentaires. Dans la chaleur de notre cuisine, les parfums de safran et de cumin se mêlaient aux histoires et aux rires, tissant le tapis de mon enfance.

Lorsque le séisme a frappé Al Haouz cette année-là, déchirant la terre et les cœurs, la tradition de "Win Rebbi" a pris une signification encore plus profonde. Les maisons ébranlées, les rues fissurées, mais nos esprits sont restés intacts, soudés par la solidarité. Dans chaque maison, chaque tente dressée à la hâte, "Win Rebbi" est devenu un hymne à l'espoir, un repas partagé non seulement avec Dieu mais aussi avec ceux qui avaient tout perdu.

Plus tard, en Suisse, loin des montagnes de mon enfance, j'ai découvert le "caffè sospeso" dans les rues animées de Naples

Après mon baccalauréat, et durant mes études en suisse, j’avais l’habitude, avec mes copains de Lausanne, de faire des escapades en Italie … et lors d’une escapade à Naples, j’ai remarqué que dans le bar où on était, plusieurs mendiants, venaient prendre un café et ils sortent sans payer un seul centime.

Intrigué par cette générosité sans bornes, j’ai appelé le serveur pour le payer et j’en ai profité pour le féliciter pour la générosité de son patron…

Sa réponse : "Ce n’est pas le patron qu’il faudrait féliciter, c’est les clients, car ici nous avons la tradition du "caffè sospeso" traduisez "café suspendu" ... qui est une tradition de solidarité envers les plus pauvres, pratiquée dans les bars napolitains. Elle est née après la 2ème guerre mondiale … Elle consiste, pour un napolitain heureux et quelle qu’en soit la raison, à commander un café et en payer deux, un pour lui et un autre pour un client démuni qui en fera la demande." 

Je l’ai remercié pour son explication, et je lui ai dis que chez nous aussi, dans mon oasis natal, cette tradition existe et ça s'appelle "Win Rebbi", et les berbères la pratiquaient depuis la nuit des temps. Il ne m’a pas cru, mais ça ne m’a pas empêché de payer mon café et un "café suspendu" qui attendra un démuni napolitain. 

Cette tradition, si semblable à la nôtre, m'a rappelé les liens invisibles qui unissent l'humanité. Dans ce bar napolitain, chaque café suspendu était un écho de "Win Rebbi", un murmure de solidarité traversant les mers et les frontières.

Fiction : Inspiré, j'ai partagé cette tradition avec un ami espagnol à Marrakech.

Son restaurant est devenu un havre où "Win Rebbi" prenait vie sous de nouvelles formes : un repas solidaire, une salade partagée, ou un dessert  de fuits offert.

Le concept de "Win Rebbi": c’est de passer du "café suspendu" à "un repas solidaire" chez les restaurateurs, "la baguette solidaire" chez les boulangers , "des légumes solidaires" chez le marchand de légumes ... et ainsi de suite ! 

Vu le succès de cette opération, j’ai décidé d’en parler à d’autres partenaires et de créer un site pour indiquer leurs adresses avec le label "Win Rebbi", pour inciter les gens à aller y consommer et aux nécessiteux d'y trouver à manger ou à boire d'une manière anonyme.

Chaque geste de générosité tissait un fil d'or dans le tissu de notre communauté, transformant le quotidien en une œuvre d'art vivante.

Et maintenant, alors que je regarde le site "Win Rebbi" se développer, je vois un réseau de lumière s'étendre à travers le Maroc et au-delà. Chaque adresse, chaque label est une promesse de partage, un rappel que dans chaque geste de générosité, il y a un fragment de divin.

Dans les ruelles d'Al Haouz, où les échos du séisme résonnent encore, "Win Rebbi" est devenu un symbole de résilience. C'est une mélodie jouée sur les cordes de l'âme, un poème écrit dans la langue universelle de l'amour et de la solidarité. C'est la preuve que même dans les moments les plus sombres, il y a une lumière qui ne s'éteint jamais, alimentée par la bonté infinie du cœur humain.
 
 : حق الله 
مَّن ذَا ٱلَّذِى يُقْرِضُ ٱللَّهَ قَرْضًا حَسَنًا فَيُضَٰعِفَهُۥ لَهُۥٓ أَضْعَافًا كَثِيرَةً ۚ وَٱللَّهُ يَقْبِضُ وَيَبْصُۜطُ وَإِلَيْهِ تُرْجَعُونَ

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Dimanche 26 Novembre 2023

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