Par Adnane Benchakroun
Il faut parfois revenir aux évidences qu’on a tordues. Ma théorie de 2021 était simple comme du bon sens, celui qu’évoquait Ssi Jetou avec ce mélange d’ironie et de lucidité : en sortie de pandémie, il ne fallait pas commencer par une politique de l’offre, mais par une politique de la demande. Redonner du souffle à la consommation avant de stimuler la production. L’histoire économique le montre : on ne relance pas un moteur à froid en graissant les pistons du haut, mais en injectant du carburant à la base.
En 2021, le Maroc sortait d’un choc mondial. Le nouveau gouvernement, épuisé par les dépenses sanitaires et les filets sociaux d’urgence, croyait bon de miser d’abord sur l’investissement productif, la relance industrielle, les incitations fiscales, les zones d’exportation. C’était la logique d’une politique de l’offre — stimuler les entreprises pour qu’elles créent de la valeur et de l’emploi.
Mais dans une économie où la demande intérieure représente plus de 70 % du PIB, où la classe moyenne sert de baromètre et de moteur, ce choix a inversé le sens du ruissellement. On a arrosé les sommets, en espérant que la pluie descende jusqu’aux vallées. Elle ne l’a pas fait.
Une économie de rente a pris le pas sur une économie de marché ; les richesses se concentrent, les inégalités se creusent, la classe moyenne s’épuise. L’État a investi massivement, mais le secteur privé a continué de vivre sous perfusion publique, sans innovation ni création d’emplois durables. On a subventionné la vitrine sans restaurer le cœur du magasin. Dans cette configuration, une politique de l’offre seule sans demande solvable, sans pouvoir d’achat ne pouvait que renforcer les positions acquises.
Si, en 2021, le Maroc avait choisi la voie inverse, celle d’une relance par la consommation, la trajectoire aurait été peut être toute autre. Injecter du revenu disponible dans les foyers, par des baisses ciblées de TVA, une revalorisation du SMIG, des primes à la consommation, c’était créer un choc de confiance. Les ménages achètent, les entreprises produisent, puis embauchent. La machine s’auto-entretient. Trois ans plus tard, en 2024, la classe moyenne aurait retrouvé un peu d’oxygène, et l’offre aurait pu suivre : réforme industrielle, productivité, transition énergétique, montée en gamme. C’est la séquence logique : d’abord respirer, ensuite produire.
Mais on a préféré l’inverse. Résultat : la classe moyenne a été pressée, fiscalement et socialement. Les salaires stagnent, les prix montent. Comme le dit Akesbi, je dois le reconnaitre « quand les inégalités prennent l’ascenseur, les miettes sociales se contentent de l’escalier »
Le gouvernement n'a pas chômé (charte d'investissement, loi sur la grève, les zones industrielles, .....) a allégé l’impôt sur les grandes entreprises tout en ignorant celui sur les PME, car ils devaient profiter mécaniquement du fameux ruissellement. Et pendant qu’on attendait le ruissellement, la jeunesse, la fameuse Gen Z, s’est retrouvée à manifester pour l’école et la santé, pas pour les start-up. Le message est clair : avant de rêver d’une offre innovante, il faut répondre à une demande basique celle de vivre dignement.
Cette inversion du calendrier économique est la source du malaise. On a confondu la croissance avec la prospérité, les agrégats macroéconomiques avec la réalité vécue. Une économie de l’offre dans un pays où le secteur privé investit peu (25 % du total national), où les rentes dominent encore, ne pouvait qu’aboutir à une croissance sans inclusion. Les autoroutes et les TGV sont devenus les symboles d’une modernité qui ne transporte plus les gens, mais les inégalités. On s’est félicité d’avoir un Maroc vitrine, pendant qu’un autre Maroc, celui des loyers, des crédits et des tickets de caisse, glissait dans l’inquiétude.
La politique économique, c’est aussi une affaire de tempo. Keynes l’avait compris : dans les périodes de crise, ce n’est pas la main invisible du marché qu’il faut attendre, c’est la main visible de l’État qu’il faut activer. Relancer la demande, c’est faire confiance au citoyen comme acteur économique. En 2021, cela aurait voulu dire miser sur le pouvoir d’achat, la dépense publique orientée vers le social, le logement, la santé, l’éducation et pas seulement sur les infrastructures et les grands chantiers. Le Maroc a su construire des autoroutes, mais pas toujours des trajectoires sociales.
Il ne s’agit pas d’opposer la demande à l’offre, mais de reconnaître la chronologie des choses. L’une alimente l’autre : on consomme pour produire, on produit pour exporter, et l’on réinvestit pour redistribuer. Si cette séquence avait été respectée, le ruissellement aurait peut-être cessé d’être une promesse pour devenir un mouvement réel. En 2025, on ne parlerait pas d’une génération Z en colère, mais d’une génération confiante dans un système capable de lui rendre ce qu’elle y investit.
Au fond, l’économie n’est pas qu’une affaire de modèles ; c’est une affaire de respiration. On ne bâtit pas un édifice solide sur des poumons contractés. La politique de la demande, en 2021, aurait été une bouffée d’air ; la politique de l’offre, en 2024, aurait consolidé cette respiration. Mais à force de commencer par le haut, on finit par étouffer la base. Et comme disait Ssi Jetou, en haussant les épaules : « Ce n’est pas de la théorie, c’est du bon sens. »
En 2021, le Maroc sortait d’un choc mondial. Le nouveau gouvernement, épuisé par les dépenses sanitaires et les filets sociaux d’urgence, croyait bon de miser d’abord sur l’investissement productif, la relance industrielle, les incitations fiscales, les zones d’exportation. C’était la logique d’une politique de l’offre — stimuler les entreprises pour qu’elles créent de la valeur et de l’emploi.
Mais dans une économie où la demande intérieure représente plus de 70 % du PIB, où la classe moyenne sert de baromètre et de moteur, ce choix a inversé le sens du ruissellement. On a arrosé les sommets, en espérant que la pluie descende jusqu’aux vallées. Elle ne l’a pas fait.
Une économie de rente a pris le pas sur une économie de marché ; les richesses se concentrent, les inégalités se creusent, la classe moyenne s’épuise. L’État a investi massivement, mais le secteur privé a continué de vivre sous perfusion publique, sans innovation ni création d’emplois durables. On a subventionné la vitrine sans restaurer le cœur du magasin. Dans cette configuration, une politique de l’offre seule sans demande solvable, sans pouvoir d’achat ne pouvait que renforcer les positions acquises.
Si, en 2021, le Maroc avait choisi la voie inverse, celle d’une relance par la consommation, la trajectoire aurait été peut être toute autre. Injecter du revenu disponible dans les foyers, par des baisses ciblées de TVA, une revalorisation du SMIG, des primes à la consommation, c’était créer un choc de confiance. Les ménages achètent, les entreprises produisent, puis embauchent. La machine s’auto-entretient. Trois ans plus tard, en 2024, la classe moyenne aurait retrouvé un peu d’oxygène, et l’offre aurait pu suivre : réforme industrielle, productivité, transition énergétique, montée en gamme. C’est la séquence logique : d’abord respirer, ensuite produire.
Mais on a préféré l’inverse. Résultat : la classe moyenne a été pressée, fiscalement et socialement. Les salaires stagnent, les prix montent. Comme le dit Akesbi, je dois le reconnaitre « quand les inégalités prennent l’ascenseur, les miettes sociales se contentent de l’escalier »
Le gouvernement n'a pas chômé (charte d'investissement, loi sur la grève, les zones industrielles, .....) a allégé l’impôt sur les grandes entreprises tout en ignorant celui sur les PME, car ils devaient profiter mécaniquement du fameux ruissellement. Et pendant qu’on attendait le ruissellement, la jeunesse, la fameuse Gen Z, s’est retrouvée à manifester pour l’école et la santé, pas pour les start-up. Le message est clair : avant de rêver d’une offre innovante, il faut répondre à une demande basique celle de vivre dignement.
Cette inversion du calendrier économique est la source du malaise. On a confondu la croissance avec la prospérité, les agrégats macroéconomiques avec la réalité vécue. Une économie de l’offre dans un pays où le secteur privé investit peu (25 % du total national), où les rentes dominent encore, ne pouvait qu’aboutir à une croissance sans inclusion. Les autoroutes et les TGV sont devenus les symboles d’une modernité qui ne transporte plus les gens, mais les inégalités. On s’est félicité d’avoir un Maroc vitrine, pendant qu’un autre Maroc, celui des loyers, des crédits et des tickets de caisse, glissait dans l’inquiétude.
La politique économique, c’est aussi une affaire de tempo. Keynes l’avait compris : dans les périodes de crise, ce n’est pas la main invisible du marché qu’il faut attendre, c’est la main visible de l’État qu’il faut activer. Relancer la demande, c’est faire confiance au citoyen comme acteur économique. En 2021, cela aurait voulu dire miser sur le pouvoir d’achat, la dépense publique orientée vers le social, le logement, la santé, l’éducation et pas seulement sur les infrastructures et les grands chantiers. Le Maroc a su construire des autoroutes, mais pas toujours des trajectoires sociales.
Il ne s’agit pas d’opposer la demande à l’offre, mais de reconnaître la chronologie des choses. L’une alimente l’autre : on consomme pour produire, on produit pour exporter, et l’on réinvestit pour redistribuer. Si cette séquence avait été respectée, le ruissellement aurait peut-être cessé d’être une promesse pour devenir un mouvement réel. En 2025, on ne parlerait pas d’une génération Z en colère, mais d’une génération confiante dans un système capable de lui rendre ce qu’elle y investit.
Au fond, l’économie n’est pas qu’une affaire de modèles ; c’est une affaire de respiration. On ne bâtit pas un édifice solide sur des poumons contractés. La politique de la demande, en 2021, aurait été une bouffée d’air ; la politique de l’offre, en 2024, aurait consolidé cette respiration. Mais à force de commencer par le haut, on finit par étouffer la base. Et comme disait Ssi Jetou, en haussant les épaules : « Ce n’est pas de la théorie, c’est du bon sens. »