​De l’écran à la rue : quand la jeunesse transforme le numérique en mobilisation réelle




Par Marouane bouchikhi

La Génération Z, longtemps cantonnée à l’expression en ligne, a choisi de franchir un cap en portant sa voix dans l’espace public. Les manifestations récentes traduisent une volonté claire : ne plus se limiter aux réseaux sociaux pour faire entendre ses inquiétudes et ses aspirations. Internet a servi de tremplin et d’amplificateur, mais la rue est devenue le prolongement naturel de cette colère accumulée.

Au fil des jours, la mobilisation a pris de l’ampleur. Certaines villes comme Oujda, Rabat ou Casablanca ont été marquées par des tensions et des débordements, qui se sont traduits par des heurts et des arrestations.

Ces épisodes ont nourri la perception d’un fossé grandissant entre l’exécutif et une partie de la jeunesse. Les revendications restent pourtant simples et lisibles : un système éducatif plus performant, des services de santé accessibles et dignes, ainsi qu’une meilleure intégration des jeunes diplômés dans le marché de l’emploi. Le chômage élevé des moins de 24 ans illustre la difficulté de cette intégration et alimente une frustration profonde.

Le contraste entre les annonces de réformes et la réalité quotidienne nourrit ce climat de défiance. Alors que les discours officiels promettent modernisation et efficacité, de nombreux citoyens constatent au quotidien des hôpitaux débordés, des classes surchargées et un marché du travail saturé. Le cas de l’hôpital Hassan II d’Agadir a particulièrement marqué les esprits, devenant le symbole d’un système de santé sous tension.

Sur le plan économique, le pays se heurte à un ralentissement de la capacité de croissance à créer des emplois. Là où un point de PIB générait autrefois environ 30 000 emplois, il n’en produit désormais que la moitié. Les causes avancées sont multiples : inadéquation entre formation et besoins du marché, fragilisation du tissu productif, et impact de politiques économiques qui ont parfois creusé les inégalités.

Cette jeunesse, imprégnée de culture numérique, est exigeante vis-à-vis de l’efficacité et de la transparence. Habituée à l’instantanéité, elle ne se satisfait plus de promesses reportées. Son impatience traduit autant un désir de progrès qu’une difficulté à croire aux réponses institutionnelles. De l’autre côté, l’exécutif peine à ajuster son rythme et son langage à cette nouvelle donne.

À cela s’ajoute un problème structurel : l’absence d’intermédiaires capables de jouer un rôle de médiation. Les partis politiques, centrés sur les échéances électorales, peinent à incarner une voix crédible. Les syndicats, divisés et affaiblis, n’ont plus le poids qui fut le leur. Cette vacance de représentation crée un face-à-face direct entre l’État et la rue, ce qui renforce la tension.

L’enjeu dépasse la conjoncture. La mobilisation actuelle traduit le besoin d’un nouveau cadre de dialogue et de gouvernance, où la jeunesse ne serait pas seulement spectatrice mais actrice de la transformation. Elle souligne également les limites d’un modèle qui peine à répondre à la fois aux urgences sociales et aux attentes démocratiques.

Ce mouvement n’est donc pas un simple épisode ponctuel : il interroge la capacité de l’État et de ses institutions à se réinventer. Pour éviter que la contestation ne s’installe dans une logique de rupture, il faudra ouvrir des espaces de concertation crédibles, écouter avec sérieux et traduire rapidement les annonces en actions tangibles. Car la Génération Z, connectée, informée et déterminée, rappelle à sa manière une évidence : un pays qui veut avancer ne peut ignorer ses jeunes.


Mardi 30 Septembre 2025

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