Semences, serres, données : l’agriculture de connaissance pour le monde arabe
Le premier pilier fut politique. Sortant de la guerre, les Pays-Bas ont érigé un pacte : « plus jamais la faim ». Ce serment s’est traduit par des choix prosaïques mais déterminants : consolidation foncière pour gagner des économies d’échelle, politique de prix pour stabiliser l’investissement, planification d’infrastructures (énergie, eau, logistique froide), et surtout gouvernance par objectifs mesurables. La sécurité alimentaire a cessé d’être un slogan moral pour devenir un mandat opérationnel.
Le second pilier fut scientifique. Une université spécialisée, arrimée à des instituts techniques et à des stations expérimentales, a joué le rôle de cerveau collectif. Non pas la recherche contemplative, mais l’ingénierie appliquée : biologie végétale, contrôle climatique, irrigation de précision, recyclage des effluents, traçabilité. Le fameux « triangle d’or » (État-laboratoires-agriculteurs) n’est pas un gadget sémantique : c’est une chaîne courte de transfert technologique où un problème de serre devient en quelques semaines un protocole, une norme, un marché.
Troisième pilier, la technologie de production. Les Néerlandais ont assumé l’idée hérétique, à l’époque, de fabriquer le climat. Les serres de haute technicité — verre, capteurs, CO₂, LED horticoles — ont fait exploser la productivité au mètre carré tout en comprimant le besoin en eau. Dans la tomate, on parle de kilos par mètre carré qui dépassent de très loin le champ ouvert, avec 3 à 5 litres d’eau par kilo grâce au goutte-à-goutte fermé et au recyclage. La protection biologique intégrée (insectes auxiliaires plutôt que pesticides) a en plus fait basculer la compétitivité vers la qualité sanitaire. Quand la contrainte devient matrice d’innovation, elle déplace la frontière de possibilités.
Quatrième pilier, l’industrie des semences. Sélection variétale, banques génétiques, tolérance au sel, résistance aux pathogènes, signatures gustatives : le pays a choisi d’exporter la tête et pas seulement la main. Chaque cycle de sélection réduit le risque agronomique et accroît la valeur ajoutée locale. C’est l’assurance-vie d’une agriculture à haute intensité de connaissances.
Que faire de cette leçon côté monde arabe ? D’abord, déconstruire les faux dilemmes. Non, il n’y a pas à choisir entre souveraineté alimentaire et compétitivité : la souveraineté, c’est moins d’aléas, pas l’autarcie. Non, il n’y a pas à opposer petit pays et grande ambition : la plus rare des ressources n’est pas l’eau, c’est l’organisation. Ensuite, prioriser trois chantiers.
Le second pilier fut scientifique. Une université spécialisée, arrimée à des instituts techniques et à des stations expérimentales, a joué le rôle de cerveau collectif. Non pas la recherche contemplative, mais l’ingénierie appliquée : biologie végétale, contrôle climatique, irrigation de précision, recyclage des effluents, traçabilité. Le fameux « triangle d’or » (État-laboratoires-agriculteurs) n’est pas un gadget sémantique : c’est une chaîne courte de transfert technologique où un problème de serre devient en quelques semaines un protocole, une norme, un marché.
Troisième pilier, la technologie de production. Les Néerlandais ont assumé l’idée hérétique, à l’époque, de fabriquer le climat. Les serres de haute technicité — verre, capteurs, CO₂, LED horticoles — ont fait exploser la productivité au mètre carré tout en comprimant le besoin en eau. Dans la tomate, on parle de kilos par mètre carré qui dépassent de très loin le champ ouvert, avec 3 à 5 litres d’eau par kilo grâce au goutte-à-goutte fermé et au recyclage. La protection biologique intégrée (insectes auxiliaires plutôt que pesticides) a en plus fait basculer la compétitivité vers la qualité sanitaire. Quand la contrainte devient matrice d’innovation, elle déplace la frontière de possibilités.
Quatrième pilier, l’industrie des semences. Sélection variétale, banques génétiques, tolérance au sel, résistance aux pathogènes, signatures gustatives : le pays a choisi d’exporter la tête et pas seulement la main. Chaque cycle de sélection réduit le risque agronomique et accroît la valeur ajoutée locale. C’est l’assurance-vie d’une agriculture à haute intensité de connaissances.
Que faire de cette leçon côté monde arabe ? D’abord, déconstruire les faux dilemmes. Non, il n’y a pas à choisir entre souveraineté alimentaire et compétitivité : la souveraineté, c’est moins d’aléas, pas l’autarcie. Non, il n’y a pas à opposer petit pays et grande ambition : la plus rare des ressources n’est pas l’eau, c’est l’organisation. Ensuite, prioriser trois chantiers.
Fabriquer le climat, compter l’eau : le réalisme productif comme politique
Premier chantier : institutions et données. Nous manquons moins d’irrigation que d’informations fiables. Il faut un cadastre hydraulique en temps réel, une comptabilité de l’eau par bassin, des tableaux de bord publics qui conditionnent les subventions à l’efficience. Subventionner un mètre cube économisé plutôt qu’un mètre cube pompé. La technologie existe ; ce qui manque est l’architecture d’incitations.
Deuxième chantier : recherche utile. Les stations régionales doivent redevenir des usines à protocoles agronomiques, connectées à l’université et aux coopératives. Il ne s’agit pas de courir après tous les buzzwords, mais de cibler cinq filières pivot (maraîchage sous abri, palmeraie résiliente, céréales en stress hydrique, horticulture urbaine, protéines nouvelles) et de financer, sur trois ans, des cohortes d’essais reproductibles. La règle : publier, transférer, mesurer.
Troisième chantier : capital humain et partenariats. Les CFA agricoles peuvent devenir des « écoles-usines » : apprentissage en serre pilote, certification de techniciens irrigation-capteurs, management de culture assisté par IA légère. Les villes peuvent accueillir des fermes verticales destinées à la restauration collective ; pas pour remplacer l’amont, mais pour sécuriser l’hiver, former, créer des ponts avec les lycées techniques. Côté industrie, il faut attirer un noyau de semenciers et d’équipementiers par des baux longs et de l’énergie verte bon marché. Là encore, le contrat précède le miracle.
Reste la politique. L’agriculture de précision fait peur car elle bouscule des rentes. Pourtant, chaque point de productivité gagné au mètre carré, chaque litre d’eau économisé, c’est de la balance des paiements améliorée, des importations évitées, des devises préservées. C’est aussi de la santé publique : moins de résidus, plus de traçabilité. Le débat n’est pas « serre contre terroir », il est « résilience contre vulnérabilité ». En économie, le courage, c’est d’additionner des gains modestes mais certains plutôt que de promettre des révolutions à crédit.
Ce que la trajectoire néerlandaise nous dit, au fond, est simple : la sécurité alimentaire est un bien produit, pas une incantation. Elle se fabrique par la science, se finance par des contrats, se protège par des institutions, se diffuse par la formation. Transformons nos hivers de disette en étés de maîtrise.
Deuxième chantier : recherche utile. Les stations régionales doivent redevenir des usines à protocoles agronomiques, connectées à l’université et aux coopératives. Il ne s’agit pas de courir après tous les buzzwords, mais de cibler cinq filières pivot (maraîchage sous abri, palmeraie résiliente, céréales en stress hydrique, horticulture urbaine, protéines nouvelles) et de financer, sur trois ans, des cohortes d’essais reproductibles. La règle : publier, transférer, mesurer.
Troisième chantier : capital humain et partenariats. Les CFA agricoles peuvent devenir des « écoles-usines » : apprentissage en serre pilote, certification de techniciens irrigation-capteurs, management de culture assisté par IA légère. Les villes peuvent accueillir des fermes verticales destinées à la restauration collective ; pas pour remplacer l’amont, mais pour sécuriser l’hiver, former, créer des ponts avec les lycées techniques. Côté industrie, il faut attirer un noyau de semenciers et d’équipementiers par des baux longs et de l’énergie verte bon marché. Là encore, le contrat précède le miracle.
Reste la politique. L’agriculture de précision fait peur car elle bouscule des rentes. Pourtant, chaque point de productivité gagné au mètre carré, chaque litre d’eau économisé, c’est de la balance des paiements améliorée, des importations évitées, des devises préservées. C’est aussi de la santé publique : moins de résidus, plus de traçabilité. Le débat n’est pas « serre contre terroir », il est « résilience contre vulnérabilité ». En économie, le courage, c’est d’additionner des gains modestes mais certains plutôt que de promettre des révolutions à crédit.
Ce que la trajectoire néerlandaise nous dit, au fond, est simple : la sécurité alimentaire est un bien produit, pas une incantation. Elle se fabrique par la science, se finance par des contrats, se protège par des institutions, se diffuse par la formation. Transformons nos hivers de disette en étés de maîtrise.