​Encadrer la surveillance numérique au travail pour protéger la dignité et la vie privée des salariés


Rédigé par le Mardi 27 Mai 2025



Avec la montée en puissance des technologies de captation, de suivi et d’analyse, la surveillance numérique s’est installée dans les entreprises marocaines de manière souvent discrète, parfois brutale, et presque toujours sans cadre légal spécifique. Que ce soit à travers des caméras intelligentes, des logiciels de contrôle d’activité sur écran, des badges RFID ou des systèmes de géolocalisation, de plus en plus de salariés se sentent observés, mesurés, évalués en permanence. Ce phénomène s’intensifie à mesure que les solutions de cybersurveillance deviennent abordables, même pour les PME ou les administrations locales.

Dans ce contexte, il est devenu indispensable que le futur Code du travail marocain se saisisse de cette question. Il ne s’agit pas d’interdire la surveillance numérique, mais de l’encadrer fermement dans un souci d’équilibre entre les impératifs de sécurité, de performance, et le respect de la vie privée, de la dignité humaine et des libertés fondamentales au sein de l’entreprise.

Toute mesure de surveillance technologique devra faire l’objet d’une information préalable, claire et documentée auprès des salariés concernés. L’employeur devra justifier le recours à de tels dispositifs en démontrant leur nécessité, leur proportionnalité et leur finalité légitime : sécurité des personnes, protection des biens, contrôle ponctuel de la qualité du service ou de la productivité dans des cas exceptionnels.

En outre, toute installation de dispositifs de surveillance automatisée, qu’elle soit visuelle, sonore, logicielle ou biométrique, devra obligatoirement faire l’objet d’une consultation formelle des représentants du personnel, ainsi que d’une déclaration à l’Inspection du travail, qui pourra exercer un droit de veto en cas d’atteinte manifeste aux droits des salariés. Des exceptions pourront être prévues pour les entreprises à vocation sécuritaire ou les zones sensibles, mais uniquement sous encadrement judiciaire ou administratif renforcé.

Les données collectées via ces dispositifs ne pourront être conservées que pour une durée strictement limitée, et leur accès devra être restreint aux personnes autorisées, dans le cadre d’un usage défini à l’avance. Aucun traitement algorithmique automatisé de comportement, de gestes, ou de rythme de travail ne pourra être utilisé pour sanctionner un salarié sans intervention humaine explicite.

Enfin, les salariés devront pouvoir exercer un droit d’accès et de rectification sur les données les concernant, et saisir l’Inspection du travail en cas d’abus ou de suspicion de profilage illicite.

Ce dispositif légal constituerait une avancée majeure pour le Maroc, en affirmant que le numérique ne doit pas faire régresser les droits acquis, et que l’innovation ne saurait justifier la transformation des lieux de travail en zones de contrôle permanent.

Syndicaliste : ​L’avis de l’avocat du diable

« À lire cet article, on croirait presque que le patron marocain demande gentiment l’autorisation de poser une caméra dans le bureau. La réalité est bien plus brutale. Beaucoup d’entreprises surveillent déjà leurs salariés sans le dire : en lisant les mails, en épiant les heures de connexion, en filmant les entrées et sorties.

Et personne ne s’en plaint, parce que tout le monde a peur. Alors, instaurer un "droit à l'information", c’est bien joli, mais dans un pays où l’on peine déjà à respecter les horaires légaux ou à déclarer les salariés à la CNSS, qui va faire appliquer ça ? Et puis il y a ce mot qu’on répète comme une formule magique : ‘proportionnalité’. Mais qui la mesure ? Qui juge que filmer une caissière huit heures par jour est disproportionné ?

Soyons honnêtes : sans un contrôle indépendant, sans sanctions exemplaires, ce genre d’article risque de rester lettre morte. Le vrai courage, ce serait d’interdire certains dispositifs, comme la reconnaissance faciale au travail. Là, on aurait une vraie ligne rouge. Le reste, c’est du flou bienveillant. »





Journaliste junior passionné par l'écriture, la communication, les relations internationales et la… En savoir plus sur cet auteur
Mardi 27 Mai 2025
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