​Le discours du trône et la méthode pour bien le comprendre… ou du moins essayer


Rédigé par le Lundi 4 Aout 2025



C’est le vingt-sixième Discours du Trône auquel j’assiste depuis le début du règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI.

Vingt-six moments où le pays tout entier s’arrête, où chaque mot compte, où chaque silence pèse.
Vingt-six exercices intellectuels intenses, délicats, mais aussi profondément politiques.

Avec le temps, j’ai compris qu’un discours royal ne se lit pas comme un communiqué de presse, ni comme un article de journal. C’est un texte à plusieurs couches, où l’évidence cohabite avec l’implicite, et où l’essentiel n’est pas toujours dans ce qui est dit… mais parfois dans ce qui est laissé à interpréter.

Alors, j’ai fini par me forger une méthode. Elle n’a rien de scientifique, mais elle m’aide à m’approcher un peu  de ce que j’appelle « l’Esprit du Message Royal ».

D’abord, j’écoute le discours en direct. Parce que la voix, l’intonation, le rythme, en disent parfois plus que les mots eux-mêmes. Je laisse passer l’émotion, je note les tournures qui m’accrochent, mais je ne commente pas.

Ensuite, j’attends la version officielle publiée par la MAP. Je prends le texte en français, je le lis lentement, presque comme on lit un poème. Puis, je relis la version en arabe. Ce double passage est indispensable : certaines nuances se glissent dans la langue originale, d’autres apparaissent dans la traduction.

Puis je patiente 24 heures. Ce délai est vital. C’est le temps nécessaire pour que l’effet de l’instant se dissipe, pour que l’analyse reprenne le dessus sur la simple lecture primaire.

Vient alors la deuxième étape : écouter les autres. Je parcours les réactions et les analyses des chroniqueurs les plus sérieux, ceux qui, par expérience ou par rigueur, savent lire « entre les lignes ». Je me demande : qu’ai-je manqué ? Qu’est-ce qui m’avait échappé à la première lecture ?

Et c’est là que commence l’exercice le plus inconfortable : aller voir ce que disent nos adversaires de l’Est, et nos nihilistes – de l’intérieur comme de l’extérieur. Non pas par masochisme, mais parce qu’il faut aussi comprendre comment l’autre lit le même texte. Cela permet parfois de mesurer l’impact géopolitique d’une phrase, ou la portée politique d’un silence.

Ce n’est qu’après tout cela que je me sens prêt ou presque à livrer ma modeste compréhension. Si on me le demande, je la partage. Sinon, je la garde pour moi, comme un travail inachevé.

Car au fond, un Discours du Trône ne se « comprend » jamais complètement. On essaie, on rapproche des pièces, on fait dialoguer le texte avec l’histoire et le contexte. Et chaque année, on se dit : cette fois, j’ai appris quelque chose de plus. Mais chaque année aussi, on réalise qu’il reste encore beaucoup à décrypter.

Peut-être que c’est ça, au fond, le secret : savoir que comprendre un discours royal, c’est accepter de ne jamais l’épuiser.

Je ne prétends pas avoir inventé la méthode chacun a la sienne, façonnée par ses angles de lecture, ses références et son capital politique. Mais s’il y a bien une certitude, c’est qu’un Discours du Trône ne laisse jamais personne indifférent.




Lundi 4 Aout 2025
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