​Le livre jeunesse au Maroc : entre bonne volonté et terrain miné


Rédigé par La Rédaction le Mardi 13 Mai 2025

Le livre jeunesse représente moins de 8 % de la production éditoriale marocaine. Un chiffre inquiétant, dans un pays où plus de 30 % de la population a moins de 15 ans. Alors que les discours sur la "jeunesse" foisonnent dans les politiques publiques, le secteur de l’édition semble encore peiner à leur offrir un imaginaire à la hauteur. Que cache ce décalage ?



Une production jeune… mais sans écosystème

Le Maroc ne manque pas de projets éditoriaux dédiés à la jeunesse. Des maisons comme Yanbow Al Kitab, Yomad ou Le Fennec s’y sont attelées depuis plusieurs années. Mais l’ensemble du secteur reste fragile. Les tirages sont faibles, les circuits de diffusion quasi inexistants hors des grandes villes, et les ventes rarement rentables.

De nombreux ouvrages sont publiés à compte d’auteur ou soutenus ponctuellement par des subventions. Ils ne s’inscrivent pas dans une dynamique durable, avec collections, auteurs fidèles et lectorats construits.

Une littérature encore scolaire

Beaucoup de livres jeunesse marocains ressemblent à des manuels parascolaires déguisés : moralisateurs, trop didactiques, peu ludiques. Ils servent à apprendre, à mémoriser, à corriger… mais rarement à rêver. Le plaisir de la lecture y est souvent sacrifié sur l’autel de l’utilité.

Les maisons d’édition manquent de scénaristes, d’illustrateurs formés à la narration jeunesse, de traducteurs capables d’adapter des œuvres internationales aux réalités culturelles marocaines. Le livre jeunesse reste conçu comme un outil éducatif, pas comme une aventure littéraire.

Le parent, ce grand oublié

L’acte de lecture, pour un enfant, passe souvent par l’adulte. Or, peu de campagnes de sensibilisation ou de médiation culturelle ciblent les parents comme relais de lecture. Acheter un livre pour son enfant est encore perçu comme un luxe, ou une dépense accessoire. Les bibliothèques sont peu nombreuses, peu accueillantes pour les tout-petits, et rarement animées.

Résultat : les jeunes Marocains découvrent plus facilement les jeux vidéo, YouTube ou TikTok que la bande dessinée ou le conte illustré.

L’avis de l’avocat du diable

Le livre jeunesse au Maroc n’est pas en crise… parce qu’il n’a jamais vraiment eu sa chance. Il flotte dans un entre-deux : trop sérieux pour être amusant, trop léger pour être scolaire, trop rare pour devenir une habitude. On dit qu’il faut former les lecteurs de demain, mais on oublie de leur offrir des livres d’aujourd’hui. Lire, pour un enfant, ne devrait jamais être une punition déguisée en devoir.

Édition marocaine – Production éditoriale – Subventions publiques – Centralisation géographique – Littérature – Sciences humaines – Tirage faible – Dépendance institutionnelle – Diffusion limitée – Langue arabe – Langue française – Langue amazighe – Vulnérabilité structurelle – Lecture publique – Lectorat élitiste – Accès au livre – Numérique – Écosystème du livre – Commande publique – Château de cartes





Mardi 13 Mai 2025
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