​Une IA candidate aux élections de 2026 au Maroc ? Utopie, satire ou signal d’alarme


Rédigé par le Vendredi 12 Septembre 2025



L’annonce venue d’Albanie de la nomination d’un ministre généré par intelligence artificielle a provoqué un petit tremblement de terre dans le monde politique. Les réactions, oscillant entre fascination et inquiétude, rappellent à quel point notre époque se trouve à la croisée des chemins : entre l’héritage démocratique bâti sur la délibération humaine et l’irruption d’outils technologiques capables de simuler des comportements, des discours et des décisions politiques.

À partir de là, posons une hypothèse qui semble sortie d’un roman d’anticipation : et si, en 2026, à l’occasion des élections législatives au Maroc ou ailleurs, un parti décidait de présenter une IA comme candidate officielle ?

L'objectif principale serait de retisser le fil de la confiance avec les électeurs

La politique contemporaine souffre d’un mal universel : la défiance. Les électeurs doutent de la sincérité des élus, des promesses faites et jamais tenues, des programmes qui s’effritent au contact du réel. La désaffection se traduit par l’abstention massive, l’indifférence ou le vote protestataire.

Dans ce contexte, un parti pourrait tenter un coup d’éclat en avançant une IA comme figure de proue : une candidate qui, théoriquement, ne ment pas, ne vole pas, ne trahit pas. Une machine qui n’a pas d’intérêts personnels, pas de comptes bancaires offshore, pas de cousins à caser dans les cabinets. Autrement dit, l’algorithme comme remède à la corruption et au clientélisme.

L’argument serait implacable : confier le mandat à une entité programmée pour servir l’intérêt général, sans biais personnels. Mais la confiance repose-t-elle vraiment sur l’absence d’émotion et de désir, ou bien sur la possibilité de demander des comptes à un être humain ?

Le scénario pose immédiatement un problème juridique : une IA peut-elle être candidate à une élection ? Les codes électoraux, partout dans le monde, conditionnent l’éligibilité à la nationalité, à l’âge, à l’inscription sur les listes électorales. Or, une IA n’a ni passeport, ni carte nationale, ni acte de naissance.

Le droit positif n’a pas prévu cette éventualité. Pour qu’une candidature d’IA soit recevable, il faudrait soit modifier le code électoral, soit contourner la règle en présentant une IA « adossée » à une personne physique, une sorte de prête-nom. Dans ce cas, la machine serait l’intelligence derrière la campagne, mais l’élu resterait officiellement un citoyen.

On peut imaginer le tumulte que cela provoquerait au Parlement : une députée IA, siégeant par écran interposé, répondant aux questions, proposant des amendements rédigés par ses algorithmes. L’absurde deviendrait tangible.

Comment réagiraient les citoyens devant une telle candidature ? Plusieurs scénarios s’entrechoquent.

Certains, lassés des hommes politiques « traditionnels », voteraient pour l’IA par esprit de revanche, comme on vote pour un outsider ou un clown afin de punir l’establishment. D’autres, au contraire, y verraient une menace pour la démocratie : comment déléguer notre souveraineté à une entité qui ne peut ni ressentir la souffrance sociale ni partager le vécu collectif ?

La campagne électorale elle-même serait un laboratoire fascinant. L’IA pourrait tenir des meetings holographiques, répondre instantanément à toutes les questions, produire des milliers de vidéos personnalisées pour convaincre chaque électeur. Là où un humain fatigue, hésite, se contredit, l’IA ajuste et répète, inlassablement.

Mais cette performance technique suffirait-elle à susciter une adhésion sincère ? Ou bien finirait-elle par renforcer le sentiment de déshumanisation déjà reproché aux élites ?

Si une IA est élue, qui porte la responsabilité de ses décisions ? Est-ce le parti qui l’a présentée ? Les ingénieurs qui l’ont programmée ? Les électeurs eux-mêmes qui ont validé son mandat ?

La démocratie repose sur un principe simple : pouvoir sanctionner l’élu qui a failli, par le vote ou par la justice. Or, une IA ne peut être envoyée devant un tribunal, ni écartée par une motion de censure classique. On entrerait dans une zone grise où la responsabilité se diluerait entre programmeurs, serveurs et lignes de code.

Les risques d’instrumentalisation seraient énormes. Derrière l’illusion d’une machine neutre, qui garantirait que l’IA ne sert pas en réalité les intérêts de ceux qui la contrôlent ? La prétendue impartialité algorithmique pourrait masquer des biais encore plus subtils.

Imaginer une candidature d’IA en 2026, c’est surtout tendre un miroir à nos démocraties. Si une telle hypothèse séduit certains électeurs, c’est que la politique a failli à incarner l’honnêteté, la rigueur et la vision. L’IA devient alors une métaphore de ce que nous attendons d’un responsable : cohérence, mémoire, transparence.

Plutôt que d’élire des robots, peut-être faudrait-il exiger de nos élus humains qu’ils atteignent ce niveau d’exigence. La tentation algorithmique n’est qu’un symptôme : celui d’un besoin de gouvernance fiable et prévisible, là où règnent aujourd’hui improvisation et court-termisme.

​Et si le futur était hybride ?

Le plus probable, à court terme, n’est pas l’élection d’une IA mais son intégration croissante dans les rouages de la décision publique. Déjà, des mairies expérimentent des chatbots pour répondre aux citoyens, des gouvernements utilisent des algorithmes pour distribuer des aides sociales ou surveiller la fraude.

Un jour, les députés pourraient s’appuyer sur des IA pour rédiger leurs amendements, calculer l’impact budgétaire de leurs lois ou évaluer les politiques publiques. L’IA serait alors un copilote démocratique, et non un candidat en chair… ou en silicium.

De nombreux auteurs de science-fiction ont déjà joué avec cette idée : des machines devenant présidentes, des algorithmes prenant le pouvoir, des sociétés gouvernées par des supercalculateurs. La réalité n’est pas encore là, mais la vitesse des innovations technologiques rapproche ces fictions du présent.

L’Albanie, en nommant un ministre IA, a ouvert une brèche symbolique. La candidature d’une IA aux élections ne serait que l’étape suivante dans ce jeu de transgression. Qu’on le prenne comme une farce ou comme un avertissement, le message est clair : la démocratie doit se réinventer pour ne pas être déclassée par ses propres outils.

Une IA candidate en 2026 ? L’idée choque, amuse, inquiète. Elle révèle surtout le besoin urgent de redéfinir la confiance politique, de réformer nos codes électoraux et de réconcilier les citoyens avec leurs institutions.

La machine, dans ce scénario, agit comme un révélateur : si nous en venons à souhaiter un robot député, c’est que nous avons désespéré de nos députés humains.

Plutôt que de céder à cette tentation, faisons-en une provocation salutaire : exigeons des élus de demain qu’ils soient aussi fiables qu’un algorithme, mais sans perdre la chaleur, la responsabilité et l’humanité que la démocratie exige.

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Vendredi 12 Septembre 2025
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