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Abdellatif Jouahri préfère la planche habillée




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Si vous voulez agacer, voire énerver, le wali de Bank al-Maghrib, le très compétent et communicateur hors-pair Abdellatif Jouahri, parlez-lui de planche à billets, de création de monnaie. Il vous dira ce qu’il en pense, avec une gentille colère, puis vous assénera un cours de politique monétaire. Non, le Maroc ne créera pas de monnaie à la demande d’un gouvernement financièrement pris à la gorge. Mais la réalité est autre…
 

Prolégomènes. Abdellatif Jouahri, octogénaire assumé à la démarche assurée, a commencé sa carrière dans la haute fonction publique depuis la fin des années 80, en tant qu’éphémère ministre délégué, avant de devenir ministre plein, chargé des Finances. Elle est aujourd’hui loin, cette époque où feu Hassan II avait dit de lui : « Je vous ai demandé un ministre des finances, vous m’avez trouvé un comptable »…  Aujourd’hui, il est le gardien du temple monétaire du pays, inamovible depuis 2003 à la tête de la banque centrale, apparemment irremplaçable ou, semble-t-il, très difficilement.
 

Contrairement à ses prédécesseurs, étrangement tous venant de Fès et plutôt taiseux, M. Jouahri est aussi fassi mais très attendu et encore plus écouté quand il parle. Son inimitable accent fassi, sa gouaille, son sens de l’humour, tantôt acerbe tantôt cinglant, toujours drôle, font de ses conférences et autres points de presse des moments fort prisés de la politique marocaine. Oui, de la politique, pas de la finance, car M. jouahri est un fin politique qui n’hésite que très rarement à accabler une classe politique certes affligeante.
 

2020, le Maroc est en crise, sanitaire, qui a basculé en crise économique, financière, sociale… Le gouvernement est fauché comme les blés mais sollicité de partout et par tout le monde. Comment distribuer de l’argent quand on n’en a pas ? En s’endettant et en créant de la monnaie. Si, pour la dette, M. Jouahri reste calme et gentiment circonspect, il s’énerve, s’agace, s’irrite et s’excite dès qu’on lui parle de planche à billets !
 

Interrogé sur la question, M. Jouahri dégaine sa grosse artillerie oratoire, faite de dialectique « darijisée » qui fait rire… et aussi oublier la question : « zaâma hna hmir ? » lance-t-il soudainement, sourire en coin, sûr de son effet. Il lie ce qui ne reste au final qu’un jeu d’écriture monétaire à la situation de la balance commerciale, ce qui est vrai… mais qui serait encore plus vrai, ou moins, si l’argument était confronté à ceux des défenseurs de moins d’orthodoxie monétaire.
 

Lahcen Daoudi et Najib Akesbi soutiennent que la création monétaire est effectivement un jeu d’écriture. D’autres économistes affirment que la création de monnaie est une forme de dette détenue par la banque centrale sur l’Etat, que l’Etat ne paie jamais. Abdellatif Jouahri dit en outre et avec justesse qu’ « il ne faut pas céder à ces idées simples ». Certes, mais depuis Christophe Colomb , on sait que toute grande idée est d’abord simple ; c’est sa mise en œuvre qui est complexe. Or, la situation du pays est complexe, et se compliquera bien plus dans les proches lendemains qui s’annoncent sombres.
 

En fait, en réalité et en un mot, le problème de M. Jouahri est dans la classe politique qui mettrait de grands chantiers politiques, financiers, et monétaires, en musique. « Les choses ne sont pas aussi simples, c’est plus compliqué, plus complexe… ou âad nzidou dak saâte celui qui doit mette ça en œuvre, le chef d’orchestre, le cote politique, wach andek chi majorité lli qabta, lli ghadi tebbeâ ou tebqa mtebaâ, mwahda, mzem… ».
 

Dans le monde, les banques centrales créent de la monnaie, sauf qu’elles n’appellent pas cela ainsi. D’autres techniques existent, comme « augmenter le bilan » en accroissant les achats d’actifs. Cela se produit certes dans les pays à monnaies fortes, mais « aux grands maux, les grands moyens », et le Maroc connaît, et connaîtra en 2021, 2022, de grands maux qui nécessiteront de grands moyens, et si la classe politique est moyenne, il faudra la changer aussi.
 

M. Jouahri devrait confronter ses idées avec celles des autres, publiquement. Cela ne se fait pas ? Peut-être, mais au vu de la situation et des sombres prévisions économiques, et donc sociales, il devrait en débattre et fouiller dans tous les coins et recoins des possibilités institutionnelles. Et s’il continue de rejeter la planche à billets, il pourrait opter pour une planche, mieux habillée.
 

Quant à la classe politique, il n’est pas le premier, mais il n’est pas le moindre, à l’accabler et à en douter. C’est là, en effet, qu’est le grand problème…
 

Publié par Aziz Boucetta le 28 septembre 2020 sur www.panorapost.com  




Vendredi 11 Décembre 2020


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