Quand la pluie brouille la mémoire climatique
Chaque épisode pluvieux agit comme un anesthésiant collectif. On respire. On relâche la pression. On parle déjà de « fin de la sécheresse ». Ce réflexe n’est ni naïf ni irrationnel : dans un pays agricole, l’eau reste synonyme de vie, de stabilité, de continuité sociale. Le Maroc n’échappe pas à cette logique émotionnelle.
Mais le climat, lui, n’a pas de mémoire courte. Il avance par cycles, inerties, ruptures lentes. Gouverner à l’ère climatique ne consiste plus à commenter la météo, mais à lire les tendances profondes. À distinguer l’exception du structurel. À ne pas confondre répit et résolution.
C’est précisément ce que rappelait, dès le milieu des années 1990, une étude aujourd’hui redevenue centrale, signée par Robert Ambroggi, et publiée sous l’égide de Académie du Royaume du Maroc. Un travail discret à l’époque. Visionnaire, avec le recul.
Mais le climat, lui, n’a pas de mémoire courte. Il avance par cycles, inerties, ruptures lentes. Gouverner à l’ère climatique ne consiste plus à commenter la météo, mais à lire les tendances profondes. À distinguer l’exception du structurel. À ne pas confondre répit et résolution.
C’est précisément ce que rappelait, dès le milieu des années 1990, une étude aujourd’hui redevenue centrale, signée par Robert Ambroggi, et publiée sous l’égide de Académie du Royaume du Maroc. Un travail discret à l’époque. Visionnaire, avec le recul.
Les cèdres du Moyen Atlas comme archives du futur
Ambroggi partait d’un constat simple : les relevés météorologiques modernes au Maroc sont trop récents pour saisir la vraie personnalité climatique du pays. Un siècle de données ne suffit pas à comprendre un territoire millénaire. Il fallait donc chercher ailleurs. Plus loin. Plus profond.
Son choix s’est porté sur les cèdres pluriséculaires du Moyen Atlas. Des arbres qui n’oublient rien. Chaque cerne est une année gravée : large quand l’eau abonde, serré quand la sécheresse frappe. La dendrochronologie, couplée à l’analyse isotopique, permet alors de reconstruire près de mille ans d’histoire climatique.
Ce travail révèle une vérité dérangeante : la sécheresse au Maroc n’est ni un accident ni une anomalie contemporaine. Elle constitue un rythme récurrent, presque une respiration contrariée du territoire. Ambroggi y ajoute un autre paramètre, souvent ignoré à l’époque : les cycles solaires, et leur corrélation avec les phases sèches prolongées.
Le résultat est limpide. Inconfortable aussi. La variabilité hydrique marocaine est structurelle. Elle revient. Toujours.
Son choix s’est porté sur les cèdres pluriséculaires du Moyen Atlas. Des arbres qui n’oublient rien. Chaque cerne est une année gravée : large quand l’eau abonde, serré quand la sécheresse frappe. La dendrochronologie, couplée à l’analyse isotopique, permet alors de reconstruire près de mille ans d’histoire climatique.
Ce travail révèle une vérité dérangeante : la sécheresse au Maroc n’est ni un accident ni une anomalie contemporaine. Elle constitue un rythme récurrent, presque une respiration contrariée du territoire. Ambroggi y ajoute un autre paramètre, souvent ignoré à l’époque : les cycles solaires, et leur corrélation avec les phases sèches prolongées.
Le résultat est limpide. Inconfortable aussi. La variabilité hydrique marocaine est structurelle. Elle revient. Toujours.
2023–2024 : quand la science rattrape le réel
Là où l’étude bascule du remarquable à l’inquiétant, c’est dans sa projection. Ambroggi ne s’est pas contenté de relire le passé. Il a extrapolé. Il a osé dater. Et il a placé un marqueur clair sur la période 2023–2024 : sécheresse grave attendue.
Trente ans plus tard, le constat est difficile à contourner. Le Maroc a traversé l’un des stress hydriques les plus sévères de son histoire récente exactement au moment annoncé. Réserves au plus bas. Tensions territoriales. Arbitrages douloureux entre agriculture, eau potable et industrie.
Cette concordance n’a rien de mystique. Elle souligne simplement une chose : quand la science est écoutée, elle peut éclairer l’action publique. Quand elle est ignorée, elle revient sous forme de crise.
Trente ans plus tard, le constat est difficile à contourner. Le Maroc a traversé l’un des stress hydriques les plus sévères de son histoire récente exactement au moment annoncé. Réserves au plus bas. Tensions territoriales. Arbitrages douloureux entre agriculture, eau potable et industrie.
Cette concordance n’a rien de mystique. Elle souligne simplement une chose : quand la science est écoutée, elle peut éclairer l’action publique. Quand elle est ignorée, elle revient sous forme de crise.
Changement climatique : le facteur qui change tout
Certains rappellent, à juste titre, que la sécheresse est un phénomène naturel. Le climatologue Pierre Pagney l’a souvent souligné : les cycles secs font partie de l’histoire climatique nord-africaine. Les pluies reviennent. Toujours.
Mais ce raisonnement, pris isolément, devient dangereux. Car il omet l’accélérateur majeur du XXIᵉ siècle : le réchauffement climatique d’origine humaine.
Les cycles décrits par Ambroggi expliquent quand la sécheresse survient. Le changement climatique explique comment elle frappe aujourd’hui :
– des températures moyennes plus élevées,
– une évaporation accélérée,
– des sols qui retiennent moins l’eau,
– des périodes sèches plus longues, plus intenses.
La sécheresse n’est plus seulement un creux cyclique. Elle devient une crise systémique. Plus brutale. Plus coûteuse socialement.
Mais ce raisonnement, pris isolément, devient dangereux. Car il omet l’accélérateur majeur du XXIᵉ siècle : le réchauffement climatique d’origine humaine.
Les cycles décrits par Ambroggi expliquent quand la sécheresse survient. Le changement climatique explique comment elle frappe aujourd’hui :
– des températures moyennes plus élevées,
– une évaporation accélérée,
– des sols qui retiennent moins l’eau,
– des périodes sèches plus longues, plus intenses.
La sécheresse n’est plus seulement un creux cyclique. Elle devient une crise systémique. Plus brutale. Plus coûteuse socialement.
Gouverner l’eau : le vrai débat commence ici
La question centrale n’est donc pas climatique. Elle est politique, au sens noble du terme. Si ces données existaient dès 1995, si le signal était aussi clair, pourquoi le Maroc – comme beaucoup d’autres pays – a-t-il majoritairement géré l’eau dans l’urgence plutôt que dans l’anticipation ?
Il serait injuste de nier les efforts engagés : barrages, interconnexions, dessalement, réutilisation des eaux usées, programmes d’économie d’eau. Ces chantiers existent. Ils progressent. Ils doivent être salués.
Mais le cœur du problème demeure : la transition d’un État réactif vers un État anticipateur reste inachevée. Trop souvent, la crise précède la décision. Trop souvent, l’urgence dicte l’agenda.
Or, gouverner à l’ère climatique, ce n’est plus attendre la pluie. C’est organiser l’absence d’eau. Adapter l’agriculture aux réalités hydriques. Financer la recherche comme un investissement stratégique. Penser l’eau comme un pilier de souveraineté, au même titre que l’énergie ou l’alimentation.
Il serait injuste de nier les efforts engagés : barrages, interconnexions, dessalement, réutilisation des eaux usées, programmes d’économie d’eau. Ces chantiers existent. Ils progressent. Ils doivent être salués.
Mais le cœur du problème demeure : la transition d’un État réactif vers un État anticipateur reste inachevée. Trop souvent, la crise précède la décision. Trop souvent, l’urgence dicte l’agenda.
Or, gouverner à l’ère climatique, ce n’est plus attendre la pluie. C’est organiser l’absence d’eau. Adapter l’agriculture aux réalités hydriques. Financer la recherche comme un investissement stratégique. Penser l’eau comme un pilier de souveraineté, au même titre que l’énergie ou l’alimentation.
Une opportunité historique, pas une illusion passagère
Les pluies actuelles sont une bénédiction. Elles redonnent de l’air aux barrages, du temps aux décideurs, de l’espoir aux territoires. Mais elles ne doivent pas anesthésier la lucidité collective.
Les cèdres du Moyen Atlas parlent encore. Leur message est constant. La sécheresse reviendra. La question n’est ni morale ni météorologique. Elle est stratégique.
Le Maroc dispose aujourd’hui d’atouts majeurs : stabilité institutionnelle, vision royale de long terme, compétences scientifiques locales, capacité d’investissement. Rares sont les pays de la région à réunir ces conditions.
Hier, gouverner, c’était attendre la pluie. Aujourd’hui, gouverner, c’est anticiper son absence. Et transformer cette contrainte en levier d’innovation, de solidarité territoriale et de durabilité.
La pluie passera. La responsabilité, elle, demeure.
Les cèdres du Moyen Atlas parlent encore. Leur message est constant. La sécheresse reviendra. La question n’est ni morale ni météorologique. Elle est stratégique.
Le Maroc dispose aujourd’hui d’atouts majeurs : stabilité institutionnelle, vision royale de long terme, compétences scientifiques locales, capacité d’investissement. Rares sont les pays de la région à réunir ces conditions.
Hier, gouverner, c’était attendre la pluie. Aujourd’hui, gouverner, c’est anticiper son absence. Et transformer cette contrainte en levier d’innovation, de solidarité territoriale et de durabilité.
La pluie passera. La responsabilité, elle, demeure.












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