Les prévisions de PricewaterhouseCoopers (PwC) indiquent que l'IA pourrait contribuer jusqu'à 15,7 billions de dollars à l'économie mondiale d'ici 2030. Ces chiffres colossaux ne viennent pas de nulle part ; ils découlent de :

1. L'augmentation de la productivité :
En automatisant les tâches répétitives et complexes, l'IA pourrait augmenter la productivité mondiale jusqu'à 40 %.

2. L'hyper-personnalisation :
L'analyse des mégadonnées permet d'offrir des produits et services personnalisés à un niveau sans précédent, ce qui stimule la consommation et la croissance.

3. La création de nouveaux marchés :
L'économie des plateformes basée sur l'IA, les véhicules autonomes, la médecine de diagnostic de précision sont autant de marchés valant des milliards de dollars.

Par conséquent, pour comprendre ce qui précède, il est nécessaire de lire entre les lignes, en comprenant et en disséquant cette économie cachée et ses interactions systémiques. C'est là que réside l'essence de l'analyse : regarder au-delà des chiffres.

Il s'agit dedéstructurer les systèmes traditionnels, car l'IA ne se contente pas « d'ajouter » de l'efficacité, mais elle « remplace » les systèmes. Le système de transport traditionnel entre en interaction avec le système des véhicules autonomes, le système éducatif classique entre en collision avec les exigences d'un marché du travail basé sur les compétences numériques.

Ces interactions génèrent des frictions sociales et politiques, le coût caché de l'explosion économique. Ainsi va la roue...

Nous assistons donc à l'émergence de« l'économie de l'attention », où l'attention humaine est devenue la monnaie la plus rare, et l'IA est la plus efficace pour la capter et la marchandiser via des algorithmes, créant ainsi un pouvoir de marché immense pour les entreprises technologiques.

On observe également l'émergence de« la fracture algorithmique ». La fracture ne sera plus seulement entre les pays riches et pauvres, mais entre ceux qui possèdent les données et les algorithmes capables de les analyser, et ceux qui ne les possèdent pas. Il s'agit d'une fracture existentielle qui pourrait redessiner la carte des puissances mondiales.

Nous sommes aussi au début d'une transformation du« capital humain ». Les compétences basées sur la créativité, l'empathie et la pensée critique (compétences difficiles à imiter par l'IA) verront leur valeur augmenter, tandis que la valeur des compétences intermédiaires automatisables pourrait s'effondrer, conduisant à un changement radical sur le marché du travail et dans les politiques éducatives.

Sur la base de l'analyse des interactions systémiques et de l'identification des signaux, plusieurs scénarios peuvent être envisagés :

· Scénario 1 : Le monopole de la connaissance et de la valeur : La centralisation des données et de la capacité de calcul pourrait conduire à une « oligarchie intelligente » composée d'un petit nombre d'entreprises ou d'États qui contrôlent le flux économique mondial, menaçant ainsi l'effondrement des modèles de libre-concurrence.

· Scénario 2 : L'économie de la personnalisation de masse et l'impression 4D : La fabrication évoluera vers un niveau d'« impression 4D » (des produits qui évoluent dans le temps), soutenue par l'IA, créant une économie circulaire ultra-efficace, mais capable d'effacer des industries entières.

· Scénario 3 : L'essor du « capitalisme de surveillance » et la nécessité d'une « économie éthique » : La pression pour créer des cadres réglementaires et éthiques mondiaux va augmenter. Nous pourrions assister à l'émergence d'une « taxe robot » ou d'un « revenu universel de base » comme solutions aux conséquences du chômage structurel, transformant le concept même de « travail » d'une activité économique à une activité sociale et valorisante.

Ainsi, l'explosion économique de l'IA est une nécessité technique, mais ses conséquences sociales ne sont pas inévitables. C'est un test pour la volonté humaine et sa capacité à s'adapter et à gouverner. Par conséquent, le succès ne sera pas seulement lié à l'ampleur des investissements dans les start-ups, mais aussi à l'investissement dans le capital humain, intellectuel et institutionnel capable d'absorber ce choc systémique et de l'orienter.

Ledanger réel n'est pas que les machines se transforment en humains, mais que les humains se transforment en machines dans un système économique qui ne valorise que l'efficacité et le calcul.

Par conséquent,le défi majeur que nous soulevons est le suivant : comment construire une économie intelligente qui ne s'enrichit pas techniquement au détriment de son humanité ? La réponse à cette question déterminera si nous assisterons à une « explosion » du bien-être ou à une « explosion » des fractures et des troubles. C'est une responsabilité qui incombe aux gouvernements, aux institutions éducatives, aux entrepreneurs et à la société dans son ensemble.

Par Amine Sami - Expert en Planification Stratégique.