La théorie de Porter : une lecture économique de la dépendance numérique
Appliquée à l’intelligence artificielle, cette grille de lecture révèle une situation préoccupante : les fournisseurs, ce sont les géants technologiques comme OpenAI, Microsoft, Google, Mistral, Anthropic ou Oracle, tandis que les clients, ce sont les États, les entreprises, les universités et les citoyens qui consomment leurs solutions, souvent sans comprendre les mécanismes internes des modèles qu’ils utilisent.
Le Maroc, comme la majorité des pays du Sud, se trouve aujourd’hui dans cette position de client captif. Nous dépendons d’architectures logicielles et matérielles étrangères, de jeux de données non représentatifs de nos réalités, et de plateformes qui hébergent, traitent et interprètent notre propre production de savoir.
De la souveraineté numérique à la souveraineté cognitive
Si nous laissons nos intelligences artificielles dépendre de fournisseurs étrangers, nous acceptons implicitement un cadre de pensée importé, une épistémologie étrangère qui façonne nos institutions, nos apprentissages et même nos imaginaires collectifs.
Atari et ses collègues le montrent avec rigueur : plus un pays s’éloigne culturellement des États-Unis, plus la “pensée” des IA comme ChatGPT diverge des valeurs de sa population. Le risque est donc double : perdre la maîtrise technologique et perdre la cohérence culturelle.
Vers une stratégie marocaine de production de modèles
Concrètement, cela signifie :
- Concevoir des modèles d’IA grands ou petits entraînés sur des données marocaines, ancrées dans notre langue, notre culture, nos institutions et nos comportements réels.
- Installer ces modèles sur une infrastructure matérielle et immatérielle marocaine, gérée selon nos normes de sécurité, d’éthique et de confidentialité.
- Développer des compétences locales en annotation, en ingénierie linguistique, en modélisation et en gouvernance de données.
- Et surtout, mobiliser nos universités, nos startups et nos administrations dans une stratégie commune de souveraineté cognitive.
C’est tout le sens des initiatives comme MedinIA, MrabaData, ou le concept d’IA systémique et inclusive que je défends : un modèle où la technologie devient un outil d’émancipation, et non un nouvel instrument de dépendance.
Un appel à la lucidité stratégique
Il est encore temps pour le Maroc de transformer cette dépendance en opportunité. Notre pays possède les talents, les universités, les infrastructures et la vision nécessaires pour concevoir une IA marocaine souveraine, éthique et exportable, capable d’interagir avec le monde sans s’y dissoudre. Cela commence par un geste simple, mais décisif : redevenir fournisseur de notre propre intelligence.
Réference : Atari, M., Xue, M., Park, A., Blasi, D. E., & Henrich, J. (2023). Which Humans? Cultural Biases in Large Language Models. Nature Human Behaviour. DOI : 10.1038/s41562-023-01794-1












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