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La diplomatie marocaine entre grand écart et grand éclat


La diplomatie marocaine se caractérise par le silence et la discrétion au niveau du palais, et par une singulière agressivité de sa chancellerie, quand c’est nécessaire (et ça l’est souvent), déroutant ainsi tant les anciens amis d’hier que les nouveaux alliés d’aujourd’hui.



Par Aziz Boucetta

Que ceux qui demeurent surpris face à l’audace marquée par la diplomatie marocaine ces dernières années reviennent aux derniers discours du roi Mohammed VI, avec comme point de départ celui délivré à Riyad le 20 avril 2016. Cette adresse est la pierre angulaire de la nouvelle diplomatie de Rabat, faite d’équilibre et d’autonomie, décomplexée et fortement combative.

Revenons à cette année 2016, et suivons le fil du temps et des diplomaties dans le monde. Toutes agressives, ou au moins offensives, préparant ou se préparant à un nouvel ordre géopolitique mondial. En 2017, Donald Trump et Emmanuel Macron conquièrent les présidences de leurs pays et déploient des discours tour à tour combatifs, belliqueux, querelleurs ou pugnaces, rejoints par les Chinois et les Russes, toujours disposés à ferrailler. Dans le Golfe et dans la foulée, l’arrivée de Mohamed Ben Salmane inaugure une nouvelle ère de diplomatie musclée, sciante.

Les Italiens suivent, avec Matteo Salvini, puis les Espagnols avec Arancha González Laya, et les Algériens comme toujours énervés et comme toujours pris dans leur logique obsidionale… Tous les pays déploient des diplomaties entreprenantes, volontaires et volontiers « viriles ». Avant la guerre, stade ultime de la négociation, l’agressivité devient la continuation de la diplomatie, par d’autres moyens…

Confrontée à cela, la nouvelle doctrine diplomatique marocaine ne pouvait que se heurter à ces nouveaux profils, faisant face  au changement des équilibres mondiaux. Et les faits ont suivi. En 2015, le roi Mohammed VI était en Inde, puis quelques semaines après son discours de Riyad, il s’était envolé pour la Chine, avec conclusion de plusieurs partenariats économiques à la clé.

Les événements se sont accélérés depuis cette fin 2020, avec la décision de Donald Trump d’entériner l’intégrité territoriale du Maroc. Quelques semaines ou mois après ce 10 décembre, le Maroc a tapé un grand coup de poing sur la table à Berlin, a renversé une autre table à Madrid et, avec Paris, il table sur le temps. Plus offensif, plus incisif, il s’intègre résolument à l’Union africaine (après son grand retour de 2017), mais la tiens soigneusement éloignée de l’affaire du Sahara.

Rabat se rapproche de Washington, de plus en plus, mais conserve son autonomie de décision ainsi qu’on l’a pu voir lors du vote concernant la Russie. La décision de ne pas participer à ce vote de l’assemblée générale des Nations Unies avait surpris tant de monde, observateurs, Etats, ONG, alliés ou adversaires. Et alors que tout le monde appréhendait les réactions occidentales à la non-participation du Maroc à ce premier vote, Rabat persiste et signe lors d’un second, puis aussi à l’Union interparlementaire en Indonésie, en mars dernier.

Avec la Chine, les relations s’améliorent d’année en année, de mois en mois, de jour en jour, mais en dépit de la très large campagne de vaccination au Chinois Sinopharm, c’est avec les Suédois que Rabat a lancé son usine de fabrication de médicaments. Toujours l’équilibre et l’autonomie.

Arrive Israël… Des relations désormais officielles, des visites de (très) hauts dignitaires israéliens avec signature de contrats de toutes natures, militaires et sécuritaires compris, tout en recevant à Rabat le chef du Hamas. La nouvelle amitié avec l’Etat hébreu n’empêche toutefois pas Rabat de réagir avec virulence lors de la dernière attaque de la Grande mosquée d’al-Qods/Jérusalem, sachant que le roi du Maroc est président du Comité éponyme.

Dans son communiqué, le Maroc tient étrangement à rappeler que « sa condamnation et sa dénonciation [de l’agression de la Mosquée] ont été communiquées au chef du bureau de liaison israélien à Rabat », comme pour souligner sa politique du « en même temps », ou de l’équilibre.

Résultat éclatant de cette diplomatie du grand écart ! Antony Blinken est venu à Rabat et y a séjourné trois jours, Madrid et Berlin se sont rangés du côté marocain, changeant leur position à 180° pour le dossier du Sahara. Nasser Bourita s’entretient avec son homologue russe de la guerre en Ukraine (c’est de la com, certes, mais c’est toujours ça…) et, quelques semaines auparavant, signe avec le très influent Ning Jizhe, vice-président de la Commission nationale chinoise de la Réforme et du Développement, l’intégration du Maroc à l’Initiative de la Route de la soie.

L’idée de cette diplomatie nouvelle est, semble-t-il, de toujours surprendre et de ne se laisser submerger par aucune puissance, grande ou moyenne. Aujourd’hui, les grandes nations s’annulent elles-mêmes par leurs rivalités, voire guerres. Se soumettre à l’une d’elles est posture perdante et hasardeuse, les tenir à égale distance est un coup gagnant.

La diplomatie marocaine se caractérise par le silence et la discrétion au niveau du palais, et par une singulière agressivité de sa chancellerie, quand c’est nécessaire (et ça l’est souvent), déroutant ainsi tant les anciens amis d’hier que les nouveaux alliés d’aujourd’hui.

Il reste juste, nous ne le dirons jamais assez, à consolider le front intérieur, économique et politique… Mais cela est une autre affaire, où il n’y a que des écarts et peu d’éclat.

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panora Post 



Mardi 19 Avril 2022


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