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Le masculinisme : de l’ombre à la lumière
Autrefois cantonné à des forums obscurs du web, le masculinisme s’affiche aujourd’hui au grand jour. Sur TikTok, YouTube, Instagram ou X (ex-Twitter), il se diffuse à travers des vidéos courtes, percutantes et virales. Le discours ? Une dénonciation de ce qu’ils appellent la « crise de la masculinité », un rejet du féminisme qu’ils tiennent pour responsable de tous les maux, et la revendication d’un « retour aux vraies valeurs masculines ».
Ces idéologues ne se contentent pas de critiquer le féminisme : ils militent pour un modèle social centré sur une virilité hiérarchique, souvent toxique. Le message est sans concession : il faut être un « alpha », réussir, imposer sa loi, séduire, diriger… et surtout ne jamais montrer de faiblesse.
Andrew Tate, emblème d’une masculinité toxique
Parmi ces figures, Andrew Tate se distingue. Ancien champion de kickboxing devenu influenceur controversé, il cultive l’image du mâle dominateur. Sur ses réseaux, il enchaîne discours anti-féministes, démonstrations ostentatoires de richesse et conseils pour « devenir un vrai homme ».
Sa popularité auprès d’une partie de la jeunesse masculine s’explique par la simplicité apparente de sa recette du succès : muscler son corps, son portefeuille et son autorité. Dans un monde où les repères traditionnels sont chamboulés, où les normes de genre évoluent et où la réussite ne se conjugue plus qu’au masculin, ce discours peut séduire.
Un discours séduisant… mais dangereux
Ce succès pose un vrai problème. Sous couvert de développement personnel, ces influenceurs propagent des idées nocives. Le rejet du féminisme se confond souvent avec celui des femmes, les relations humaines se réduisent à des rapports de force, et la vulnérabilité est assimilée à une faiblesse inacceptable.
Le masculinisme prospère grâce à sa maîtrise des codes digitaux : punchlines percutantes, montages dynamiques, storytelling accrocheur. Il bâtit des communautés où l’on se sent écouté, valorisé et encouragé à « être fort ». Mais derrière cette façade motivante se cachent des idéologies sexistes et rétrogrades.
Le message sous-jacent — parfois explicite — est clair : les femmes seraient responsables de la faiblesse, des échecs et de la solitude des hommes. Pire, elles seraient manipulatrices, intéressées, voire dangereuses. Ces discours ne sont pas seulement problématiques, ils alimentent souvent la haine.
Pourquoi cela doit alerter
Les conséquences dépassent le virtuel. En banalisant des propos misogynes et en valorisant la domination, ces discours renforcent des stéréotypes nuisibles à tous, hommes comme femmes.
Pour les jeunes qui consomment massivement ce contenu, le danger est double : adopter une vision toxique de leur masculinité, et développer une méfiance voire une hostilité envers les femmes. Cela peut déboucher sur des comportements discriminants, voire violents, à l’école, au travail ou dans la vie affective.
Cette banalisation inquiète d’autant plus qu’elle masque souvent un profond ressentiment face au changement et un refus du dialogue égalitaire, dissimulé derrière un coaching en virilité ou des tutoriels pour « ne plus se faire marcher dessus ».
Quelle réponse apporter ?
La solution ne peut être que globale. Au-delà de la répression, il faut éduquer. Apprendre à reconnaître et déconstruire ces discours, cultiver l’esprit critique face aux contenus numériques, et proposer des modèles masculins alternatifs — plus ouverts, inclusifs, où la force ne rime pas avec brutalité, et la confiance en soi ne se construit pas au détriment de l’autre.
Ce travail commence dès l’adolescence, dans les familles, à l’école, et même sur les plateformes sociales. Il est possible de promouvoir une masculinité positive, sans opposer systématiquement les sexes ni nourrir la haine.
Le masculinisme puise dans les frustrations, la solitude et la perte de repères. On ne peut l’ignorer ni le caricaturer. Mais surtout, il ne doit pas être considéré comme la seule voie possible. Il existe mille façons d’être un homme — toutes méritent d’être entendues, tant qu’elles ne reposent pas sur l’exclusion ou le mépris.












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