Selon l’étude, seulement 12 % des adultes marocains utilisent un compte de mobile money une proportion qui place le Royaume avant-dernier du classement continental, juste devant la Tunisie. Cette performance contraste avec une moyenne africaine qui dépasse 60 %, portée par des pays où le téléphone mobile est devenu un véritable pilier du quotidien économique.
À l’autre bout du spectre, des nations comme le Kenya, avec environ 92 % d’adultes équipés de comptes mobiles actifs, illustrent combien cette technologie peut transformer la vie des citoyens. Là-bas, des services comme M-Pesa ont dépassé leur statut d’innovation pour devenir un réflexe socio-économique : on y reçoit des salaires, on y paye des biens et services, on y gère son argent sans dépendre d’une banque traditionnelle.
Le Gabon et le Ghana suivent de près, avec des taux d’adoption très élevés (près de 89 % et 88 % respectivement), grâce à des écosystèmes numériques robustes et à une forte pénétration des services de télécommunications. Au Sénégal aussi, le mobile money s’est enraciné, dépassant 80 % dans certaines zones, notamment en milieu rural où les alternatives financières sont rares.
Un retard structurel… et ses causes
Comment expliquer ce contraste saisissant entre l’Afrique du Nord et le reste du continent ? Les experts pointent plusieurs facteurs convergents. D’abord, le modèle de bancarisation classique demeure prépondérant au Maroc, avec près de 38 % des adultes ayant un compte bancaire traditionnel, bien que cela ne suffise pas à compenser l’adoption limitée des solutions mobiles.
Ensuite, le cadre réglementaire marocain semble moins favorable à l’innovation rapide dans les services financiers mobiles. Là où certains pays d’Afrique subsaharienne ont su créer des environnements souples, adaptables et attractifs pour les opérateurs de mobile money, le Maroc avance souvent à petits pas, freinant parfois les initiatives privées dans ce domaine.
Un autre élément clé réside dans la perception et les usages des citoyens : malgré une couverture mobile importante, beaucoup continuent de privilégier les paiements en espèces ou via des comptes bancaires classiques. C’est un fait presque paradoxal : au moment où presque chaque jeune famille marocaine possède un smartphone, la majorité d’entre elles ne voit pas encore l’intérêt des portefeuilles numériques pour leur quotidien économique.
Le mobile money : levier d’inclusion ou d’exclusion ?
Ce retard n’est pas sans conséquences. Ailleurs sur le continent, le mobile money a joué un rôle décisif dans l’inclusion financière des populations marginalisées des femmes dans les zones rurales, des travailleurs informels et des jeunes sans accès aux services bancaires classiques. Là où ces outils prospèrent, ils réduisent les coûts des transactions, augmentent la sécurité des paiements et permettent aux petites économies domestiques de mieux faire face à des chocs économiques imprévus.
Pour un Maroc jeune, dynamique et tourné vers l’innovation, cet état de fait soulève une question cruciale : faut-il repenser notre approche de la finance numérique pour répondre aux aspirations d’une génération qui n’a jamais connu un monde sans Internet ni smartphone ? Renforcer l’éducation financière digitale, assouplir certaines normes réglementaires et encourager les partenariats public-privé pourraient figurer parmi les pistes à explorer.
Le rapport d’Afrobarometer ne vient pas condamner, mais plutôt éclairer une réalité qui mérite d’être abordée avec lucidité. Face à des marchés africains déjà bien engagés dans la révolution du mobile money, le Maroc dispose encore d’une marge de manœuvre pour rattraper son retard. Cela passe par une mobilisation concertée des pouvoirs publics, du secteur privé et des acteurs de la société civile pour construire un écosystème financier numérique inclusif, sûr et adapté à nos réalités socio-économiques. Car au bout du compte, l’inclusion financière n’est pas une fin en soi : c’est un moyen de renforcer l’autonomie des citoyens marocains et de stimuler l’économie nationale dans une économie digitale mondiale en pleine effervescence.












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