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Le mur qui parle mais la messe est dite
Il y a des époques qui se racontent mal par les chiffres, les discours ou les bilans de fin d’année. Elles exigent autre chose. Un arrêt sur image. Un choc visuel. Une phrase courte qui ne cherche pas à convaincre mais à rester.
Les quinze affiches de ce numéro ne forment pas une synthèse de l’actualité. Elles en disent plutôt l’humeur profonde. Une fatigue diffuse. Une inquiétude mal formulée. Une sensation de glissement lent, presque imperceptible, mais continu. Le monde ne s’effondre pas d’un coup. Il se décentre. Il se fragmente. Il se brouille.
Ce qui frappe, c’est moins la violence des crises que leur banalisation. On s’habitue. Aux tragédies répétées. Aux débats sans issue. À la croissance qui rassure sur le papier mais ne protège plus dans la vie réelle. À une politique devenue gestionnaire du présent, rarement architecte de l’avenir. À des dirigeants qui parlent vite quand il faut expliquer, et lentement quand il faut agir.
La jeunesse, elle, ne s’oppose plus frontalement. Elle se retire. Elle contourne. Elle s’échappe parfois physiquement, souvent mentalement. Le travail épuise, mais l’espoir aussi. La classe moyenne tient encore, dans un équilibre de plus en plus précaire, pendant que la pauvreté gagne du terrain sans provoquer de sursaut collectif équivalent.
Ces affiches racontent aussi un déplacement du pouvoir. Des algorithmes qui conseillent, des récits qui se multiplient, une vérité qui se fragmente. Tout le monde parle, tout le monde commente, mais peu semblent encore capables de tenir la barre. Le bruit augmente à mesure que le sens se raréfie.
Et pourtant, rien ici n’est nihiliste. Ce mur d’images ne célèbre pas le désastre. Il le regarde en face. Il refuse l’anesthésie. Il rappelle que voir, vraiment voir, est déjà une forme de résistance. Que nommer les tensions, c’est empêcher qu’elles deviennent invisibles.
Ifolio fait le pari de l’affiche parce qu’elle ne s’oublie pas aussi vite qu’un fil d’actualité. Elle s’imprime dans la mémoire. Elle laisse une trace. À l’aube de 2026, ce numéro ne dit pas où nous allons. Il pose une question plus simple, et plus exigeante : sommes-nous encore capables de regarder le réel sans détourner les yeux ?
Notre ligne tient en trois verbes : montrer sans racoler, contextualiser sans écraser, assumer l’inconfort. Car l’inconfort est nécessaire : une démocratie vivante est rugueuse, traversée de tensions et de paradoxes. Afficher la semaine, c’est coller nos contradictions à hauteur d’yeux, refuser l’oubli rapide et le confort du silence.
Ce rendez-vous n’est ni nostalgique ni ludique. C’est un pacte. Nous garantissons la rigueur, la sobriété et l’exigence du regard. À chacun d’y répondre par une vigilance critique. Ensemble, nous faisons d’un mur une agora visuelle ; un lieu où l’on revient, où l’on discute, où l’on réapprend à voir. Si une seule affiche parvient à dire ce que mille articles taisent, alors le pari est tenu. Le reste dépend de notre mémoire collective et de notre courage.












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