Un mouvement porté par la légitimité sociale
Les revendications de la Gen Z marocaine sont claires et largement partagées : hôpitaux saturés, écoles publiques en crise, services de base en déclin. Les jeunes manifestants, souvent sans encadrement syndical ou politique, se sont organisés via les réseaux sociaux, donnant naissance à des rassemblements spontanés et massifs.
Leur slogan implicite : « Nous ne voulons pas seulement de grands stades pour 2030, nous voulons des hôpitaux dignes et une éducation de qualité ». Ce message a trouvé écho dans l’opinion publique, rappelant à beaucoup les aspirations du 20 février 2011, mais avec une génération encore plus connectée, plus directe, plus radicale dans son langage.
Le tournant de la violence
Jusqu’au week-end dernier, les manifestations avaient été marquées par un esprit largement pacifique. Familles, étudiants, jeunes travailleurs, tous défilaient pour réclamer leurs droits, sans heurts notables. Mais à partir du lundi, une minorité d’individus a commencé à semer le chaos.
Incendies de voitures et de locaux, jets de pierres, affrontements avec les forces de l’ordre… L’épisode le plus dramatique s’est déroulé dans la nuit du 1er octobre, près d’Inezgane, au sud du pays. Selon les autorités, un groupe armé de couteaux et de bâtons aurait tenté de prendre d’assaut un poste de gendarmerie, d’y mettre le feu et de s’emparer d’armes de service.
La riposte fut tragique : deux personnes ont perdu la vie, des blessés ont été recensés, et une enquête judiciaire a été ouverte. Les images et témoignages qui circulent depuis ont choqué une partie de l’opinion, partagée entre incompréhension et indignation.
Pacifiques contre fauteurs de troubles : deux visages d’une même génération ?
Beaucoup de jeunes présents lors des manifestations pacifiques de samedi et dimanche dénoncent aujourd’hui ce qu’ils appellent une « trahison ».
Ce sentiment est largement partagé : une ligne de fracture se dessine entre la jeunesse militante et consciente, qui veut un changement en profondeur, et une minorité violente dont les actes risquent de donner au pouvoir le prétexte pour criminaliser l’ensemble du mouvement.
Les risques de la violence : discrédit et récupération
Historiquement, les mobilisations sociales au Maroc ont toujours eu plus de poids lorsqu’elles s’inscrivaient dans la non-violence. Le mouvement du 20 février, les luttes étudiantes ou les grèves syndicales ont marqué la société par leur organisation pacifique.
La violence, au contraire, change le narratif. Au lieu de débattre des hôpitaux sous-équipés, des écoles défaillantes et du chômage endémique, la conversation se déplace vers la sécurité, l’ordre public et la légitimité des forces de l’ordre.
Déjà, certains médias mettent en avant les affrontements et les dégâts matériels, reléguant les revendications sociales au second plan. La colère légitime de milliers de jeunes se retrouve ainsi éclipsée par les actes irresponsables d’une minorité.
Une jeunesse entre espoir et désillusion
Le défi pour les manifestants est désormais double : maintenir la mobilisation vivante tout en rejetant clairement la violence. Sans cette discipline collective, le risque est grand de voir le mouvement s’éteindre sous la répression ou la récupération politique.
Car derrière les slogans, les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 400 arrestations, plus de 260 membres des forces de l’ordre blessés, et des dizaines de civils touchés. La spirale de la confrontation risque de s’aggraver si les deux camps ne trouvent pas une voie de désescalade.
La Gen Z marocaine a prouvé qu’elle pouvait s’organiser, qu’elle pouvait faire entendre sa voix, et qu’elle n’avait pas peur de réclamer un avenir meilleur. Mais pour que son message reste audible, elle doit préserver sa légitimité en refusant toute dérive violente.
Car au bout du compte, ce qui restera dans l’histoire ne sera pas seulement les affrontements, mais la capacité d’une génération à se lever, pacifiquement, pour réclamer la dignité et la justice sociale.












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