L'accueil
Rédigé par : Malika Labrahimi, Inspectrice pédagogique de l’enseignement primaire à Kenitra
Une rentrée sous le signe des automatismes
Dans plusieurs écoles pionnières, la rentrée scolaire s’accompagne d’une phase dite de soutien renforcé. Cette période, conçue pour consolider les acquis de base, impose pourtant aux élèves une exigence surprenante : mémoriser rapidement l’ensemble des tables de multiplication. Dans les classes, les murs s’ornent de grandes grilles remplies de produits à retenir… mais souvent sans qu’un vrai travail de sens n’ait été mené en amont.
Dans plusieurs écoles pionnières, la rentrée scolaire s’accompagne d’une phase dite de soutien renforcé. Cette période, conçue pour consolider les acquis de base, impose pourtant aux élèves une exigence surprenante : mémoriser rapidement l’ensemble des tables de multiplication. Dans les classes, les murs s’ornent de grandes grilles remplies de produits à retenir… mais souvent sans qu’un vrai travail de sens n’ait été mené en amont.
Ce type de présentation, bien que familière, laisse peu de place à la compréhension. Les élèves doivent mémoriser des dizaines de résultats, empilés sans lien apparent, ce qui peut vite générer confusion, stress, voire rejet des mathématiques.
Un apprentissage figé qui freine la pensée
La table de multiplication, telle qu’on la montre encore souvent, ressemble à une succession de faits bruts : 2×3 = 6, 4×6 = 24, 7×8 = 56… Aucun fil conducteur, aucune logique visible. On demande aux enfants de tout apprendre, comme on retiendrait une longue liste de numéros de téléphone.
Mais à cet âge, les élèves ont besoin de comprendre pour apprendre. Face à ces 80 résultats isolés, beaucoup se découragent, peinent à mémoriser, ou finissent par « bloquer » en calcul mental.
Et si on remettait du sens dans les multiplications ?
Pour que l’apprentissage devienne réellement efficace, il faut commencer par construire le concept de multiplication. Multiplier, ce n’est pas répéter des formules, c’est ajouter plusieurs fois un même nombre.
À partir de là, on peut introduire les trois grandes propriétés qui rendent la table bien plus logique :
• L’élément neutre : multiplier par 1 ne change rien (ex. 7 × 1 = 7).
• L’élément absorbant : tout nombre multiplié par 0 donne 0.
• La commutativité : l’ordre n’a pas d’importance (ex. 4 × 6 = 6 × 4).
Quand les enfants comprennent cela, ils retrouvent du pouvoir sur les mathématiques : ils ne récitent plus, ils raisonnent. Et surtout, ils peuvent reconstruire un résultat oublié en s’appuyant sur des règles simples et solides.
Une table plus légère, plus lisible, plus rassurante
Voici un modèle de table de multiplication revisité, basé sur ces principes :
Ce que l’on remarque :
• Des produits identiques apparaissent à plusieurs endroits (ex. 2 × 6 = 12 et 3 × 4 = 12).
• Grâce à la commutativité, on peut diviser par deux le nombre de résultats à retenir.
• Les produits par 10 sont simples, réguliers, et facilement mémorisables.
Au lieu d’imposer 80 faits, on en cible une trentaine bien choisis, appuyés par des repères visuels et logiques. Les élèves gagnent en confiance, et l’apprentissage devient plus doux, plus progressif.
Moins apprendre, mais mieux
Cette démarche nous montre qu’on peut alléger la mémoire tout en renforçant la compréhension. Les élèves ne sont plus noyés dans des colonnes de chiffres : ils avancent pas à pas, avec des repères clairs, et construisent une vraie intuition du calcul.
La mémoire devient un outil au service de la pensée, et non une charge à porter.
En conclusion : une table qui a du sens… et qui donne envie d’apprendre
Plutôt que d’exiger une récitation mécanique et immédiate, offrons aux élèves un chemin de compréhension. C’est en comprenant les règles du jeu qu’on y joue avec plaisir. La table simplifiée, basée sur les propriétés fondamentales de la multiplication, en est la preuve : plus claire, plus logique, plus efficace. Et surtout, plus humaine.
Malika Labrahimi, Inspectrice pédagogique de l’enseignement primaire à Kenitra
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