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Aïd El-Kebir à l’ère du silence connecté : entre messages en rafale et appels en voie de disparition


Rédigé par le Dimanche 8 Juin 2025



Par Adnane Benchakroun

Je me suis surpris cette année à faire défiler les vœux de l’Aïd el-Kebir dans ma galerie photo. Une marée d’images, de montages, de moutons en 3D, de drapeaux nationaux et de formules pieuses sur fond doré. Sans y penser, j’ai dû souhaiter bonne fête à des centaines, peut-être des milliers de contacts. J’en ai reçu autant, sinon plus. Mon téléphone vibrait comme un cœur affolé. Mais quelque chose me manque. Quelque chose sonne faux, ou plutôt… quelque chose ne sonne plus.

Car en réalité, la seule véritable question sociologique qui vaille est celle-ci : combien de coups de fil ai-je donnés ou reçus pour souhaiter un vrai bon Aïd ? Combien de voix ai-je entendues, combien de silences sincères ont traversé la ligne avant qu’un "Allah ybarek fik" ou un "Tqabbala Allah" n’arrive ? Dix ? Douze tout au plus. Une poignée d’appels comptés sur les doigts des deux mains. Et je me dis que là réside notre paradoxe : nous n’avons jamais été aussi connectés, mais rarement aussi peu liés.

Le sociologue en moi s'interroge alors : à quel moment a-t-on délégué notre affection à des pixels ? Quelle valeur accorde-t-on encore à la voix humaine, à l’hésitation d’un mot, à la chaleur d’un rire au bout du fil ? Nos fêtes, autrefois bruyantes d’appels croisés, de longues discussions, de téléphones occupés pendant des heures, deviennent de simples carrousels d’images, où chacun appuie sur "envoyer à tous" comme on jette un filet sans vraiment regarder qui le reçoit.

Ce glissement n’est pas anodin. Il traduit une profonde mutation dans notre manière de vivre la relation. La numérisation de l’émotion nous fait perdre la lenteur nécessaire à la tendresse. Le message est pratique, rapide, silencieux. Il ne dérange pas, ne prend pas de temps, ne s’invite pas. Mais justement, n’est-ce pas cela la fête ? Être dérangé. Prendre le temps. S’inviter. Entendre un “je pense à toi” qui prend chair dans une voix et pas dans une image recyclée de mouton au sourire photoshopé.

Peut-être devrions-nous réapprendre à décrocher. Pas seulement notre téléphone, mais notre cœur. À prendre ce risque minime mais précieux : appeler quelqu’un. Même brièvement. Même maladroitement. Entendre ses mots, sa toux, son soupir. Car l’Aïd ne se célèbre pas en broadcast. Il se vit dans les interstices, dans l’instant partagé.

Alors oui, j’ai reçu mille messages. J’en ai envoyé mille autres. Mais ce sont ces dix appels — ces dix vraies conversations, avec une voix, une émotion, une mémoire — qui, finalement, m’ont vraiment souhaité bonne fête.

Post-scriptum : L’année prochaine, je me lancerai un défi : envoyer moins, appeler plus. Peut-être que le vrai miracle de l’Aïd, c’est simplement de dire salam… et de l’écouter revenir.





Dimanche 8 Juin 2025

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