Un compagnonnage académique et humain
Nos profils étaient différents mais complémentaires. Bernard, philosophe autodidacte devenu professeur, inscrivait la technique dans une histoire longue de l’humanité : mémoire, organologie, pharmakon. Moi, ingénieur en informatique, économiste et professeur de management, j’apportais une lecture systémique, stratégique et organisationnelle des technologies.
Là où il déployait une profondeur critique, je proposais une lecture pragmatique des infrastructures, des modèles économiques et des impacts managériaux. Ces différences n’étaient pas des distances : elles étaient complémentaires.
L’exemple marocain de Témara
Pour lui, ces paraboles incarnaient à la fois l’ouverture au monde et la menace d’une prolétarisation culturelle, où l’accès massif aux images ne s’accompagnait pas d’une appropriation critique. C’était déjà une illustration concrète de ce qu’il appellera plus tard la pharmacologie du numérique : un remède autant qu’un poison, selon l’usage et le cadre dans lequel la technique est intégrée.
Ce qu’il aurait dit aujourd’hui
Il aurait parlé de prolétarisation cognitive pour qualifier l’usage passif de ChatGPT et de ses semblables : lorsque l’on consomme des réponses toutes faites sans effort critique, on perd peu à peu la faculté de penser par soi-même. Mais il aurait aussi vu dans l’IA une opportunité : un outil contributif, capable de renforcer l’intelligence collective, à condition d’une gouvernance culturelle, éducative et politique appropriée.
Ma propre vision
Nos visions se rejoignent sur un point fondamental : l’IA ne doit pas être laissée aux logiques du marché seul. Elle doit être pensée comme un bien commun, une infrastructure de savoir et de soin.
France et Maroc : regards croisés
Au Maroc, il aurait mis en garde contre une adoption subie de l’IA comme simple importation technologique, sans appropriation culturelle ni projet éducatif souverain. Dans les deux cas, son message aurait été le même : l’IA est un pharmakon, poison si elle prolétarise, remède si elle sert la contribution et le savoir.
Un héritage croisé
Bernard nous a quittés en août 2020, deux ans avant l’arrivée de ChatGPT. Pourtant, ses analyses semblent écrites pour notre époque : il avait déjà pressenti la fascination médiatique, les promesses exagérées et les risques de prolétarisation cognitive que nous observons aujourd’hui.
Ce que Bernard nous laisse, c’est l’exigence de penser la technique dans sa double face : remède et poison. Ce que j’apporte, c’est une inscription concrète de cette exigence dans les réalités du Maroc, de l’Afrique et du Sud global.
Ensemble, ces deux héritages composent une invitation : ne pas céder à la fascination, mais construire un avenir numérique souverain, inclusif et humain.












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