L'ODJ Média

lodj





Caisse de retraites : Et si le vrai problème, c'était le nombre de cotisants ?

Le vrai défi, c’est d’élargir la base des cotisants, pas de comprimer le sommet des retraités.


Rédigé par le Jeudi 7 Août 2025



Une économie informelle qui sabote la solidarité

Parler des retraites au Maroc, c’est comme ouvrir une boîte de Pandore. Dès qu’on soulève le couvercle, les discours sur le vieillissement démographique, les déficits abyssaux des caisses ou encore la tentation de reculer l’âge de départ à la retraite fusent de toutes parts. Pourtant, un facteur essentiel est bien souvent relégué à l’arrière-plan, voire totalement ignoré : le nombre de cotisants. Ou plutôt, son inquiétante faiblesse.

Et si, au lieu de penser réforme paramétrique ou âge pivot, on se posait une question simple : pourquoi y a-t-il si peu de Marocains qui cotisent à un régime de retraite ?

Dans un système de retraite par répartition comme celui du Maroc, les actifs paient pour les retraités. Un deal générationnel fondé sur la solidarité. Mais ce système repose sur une condition essentielle : avoir beaucoup plus de cotisants que de retraités. Or, aujourd’hui, le Maroc glisse dangereusement vers une situation inverse.

Prenons la CNSS (Caisse Nationale de Sécurité Sociale). Fin 2023, elle comptait environ 3,5 millions de cotisants pour plus de 700 000 pensionnés. Le ratio est donc autour de 5 cotisants pour 1 retraité , un chiffre qui semble encore acceptable, mais qui s’érode rapidement. Car ce chiffre masque un non-dit : une large partie de la population en âge de travailler n’est pas affiliée du tout à un régime de retraite.

Pourquoi ? Parce que le véritable cancer du système, c’est l’exclusion. Exclusion du marché formel du travail. Exclusion de la couverture sociale. Exclusion de l’emploi tout court.

Selon le Haut-Commissariat au Plan, près de 70% des actifs marocains travaillent dans l’informel. Une économie parallèle, sans bulletin de salaire, sans contrat, sans fichage social… et donc sans cotisation retraite.

Un vendeur ambulant, un artisan non déclaré, une femme de ménage sans statut légal, un agriculteur de subsistance : tous ces travailleurs génèrent de la richesse, mais ne versent aucun dirham à la CNSS ou à la CMR.

Cette informalité massive a un double effet dévastateur :

elle prive les caisses de ressources immédiates (moins de cotisations),
elle crée une bombe sociale à retardement : car ces travailleurs, aujourd’hui dans l’ombre, seront demain dans le besoin.

Et alors, qui paiera leur vieillesse ? Le contribuable ? Le système déjà exsangue ? Ou personne ?

Le chômage des jeunes est un autre facteur lourd. Selon les dernières données du HCP, plus de 30% des jeunes entre 15 et 24 ans sont au chômage. Et parmi ceux qui travaillent, une majorité sont dans l’informel ou dans des formes d’emploi précaire.

C’est un cercle vicieux : pas de travail = pas de salaire = pas de cotisation = pas de retraite. Une génération entière n’alimente pas le système, et risque d’y entrer tardivement, ou jamais.

Le Maroc forme des ingénieurs, des techniciens, des diplômés… qui, faute d’opportunités, nourrissent la fuite des cerveaux ou végètent dans la débrouille. Pendant ce temps, les caisses se vident.

Autre angle mort : le taux d’activité des femmes. Au Maroc, il est inférieur à 25%, l’un des plus bas du monde. Cela signifie que trois femmes sur quatre en âge de travailler sont inactives, souvent cantonnées aux tâches domestiques non rémunérées.

Cette réalité n’est pas anodine : moins de femmes au travail, c’est moins de cotisations. Et pourtant, les femmes vivent plus longtemps, et auront donc besoin de pensions plus longues à verser.

Activer ce réservoir d’emploi féminin, c’est non seulement rétablir une justice sociale, mais aussi sauver un système de retraite qui peine à se financer.

Cela nécessite bien sûr des politiques publiques volontaristes :

des crèches,
des politiques de congés parentaux adaptés,
la lutte contre les discriminations salariales et l’accès au leadership.

Le problème ne se limite pas à l’informel. Même dans les entreprises déclarées, les salaires sont souvent bas, les emplois instables, et les carrières interrompues.

Un ouvrier qui travaille 5 mois par an ne cotisera pas autant qu’un salarié permanent. Un travailleur agricole saisonnier, même déclaré, reste un cotisant intermittent. Cela a un effet mécanique : les droits à la retraite sont fragmentés, les pensions seront faibles.

Et ce sont justement ces pensions minimales qui, additionnées à des millions, mettent les régimes à rude épreuve.

​Réformer les retraites sans élargir la base ? Une erreur stratégique

Face à l’ampleur du défi, les gouvernements successifs réfléchissent à des réformes « techniques » :

Retarder l’âge de départ ?
Augmenter les taux de cotisation ?
Réduire les avantages ?

Mais ces mesures ne font que gérer la pénurie sans en corriger la cause. C’est comme rétrécir une couverture déjà trop courte en espérant qu’elle couvre mieux.

Le vrai défi, c’est d’élargir la base des cotisants, pas de comprimer le sommet des retraités.

Et cela passe par une réforme économique profonde :
 
  1. lutter contre l’informalité, non par la répression, mais par l’incitation,
  2. relancer l’emploi via des investissements publics massifs,
  3. former les jeunes aux métiers d’avenir, en lien avec le Nouveau Modèle de Développement,
  4. intégrer massivement les femmes dans la vie active,
  5. valoriser le travail décent et durable, au lieu de tolérer des zones grises de non-droit social.

​Et si on repensait la protection sociale comme levier économique ?

Le chantier de la généralisation de la protection sociale, lancé en 2021, est une opportunité historique. Il faut le voir non pas comme un coût, mais comme un investissement dans la stabilité à long terme.

Car plus il y aura de cotisants :

plus le système sera équilibré,
plus les pensions seront dignes,
plus les citoyens auront confiance.

Et cette confiance nourrit la citoyenneté fiscale, la solidarité intergénérationnelle et la paix sociale.

​Le Maroc au pied du mur pour ce gouvernement et pour le prochain

Les projections sont alarmantes. Si rien ne change, certaines caisses de retraite seront en déficit structurel dès 2028. À l’horizon 2040, la population active stagnera, pendant que les plus de 60 ans exploseront.

Il est donc urgent d’agir. Mais pas en copiant des modèles étrangers, ou en imposant des sacrifices aux plus vulnérables.

Le Maroc doit inventer sa propre voie : une réforme qui inclut au lieu d’exclure, qui valorise le travail au lieu de le pénaliser, qui crée des cotisants au lieu d’user ceux qui existent déjà.

Mais, une réforme des retraites… sans réforme du travail, c’est l’échec assuré.
Avant de changer l’âge légal ou de raboter les pensions, posons-nous cette simple question :

Et si le vrai problème, c’était qu’il y a trop peu de cotisants, et non trop de retraités ?

retraite Maroc, caisses de retraite, cotisants CNSS, économie informelle Maroc, taux activité femmes, chômage jeunes Maroc, réforme retraite Maroc, protection sociale Maroc, emploi formel, système par répartition






Jeudi 7 Août 2025

Breaking news | Analyses & Finance & Bourse | Gaming | Communiqué de presse | Eco Business | Digital & Tech | Santé & Bien être | Lifestyle | Culture & Musique & Loisir | Sport | Auto-moto | Room | L'ODJ Podcasts - 8éme jour | Les dernières émissions de L'ODJ TV | Last Conférences & Reportages | Bookcase | LODJ Média | Avatar IA Live


Bannière Réseaux Sociaux


Bannière Lodj DJ







LODJ24 TV
آخر الأخبار
جاري تحميل الأخبار...
BREAKING NEWS
📰 Chargement des actualités...

Inscription à la newsletter

Plus d'informations sur cette page : https://www.lodj.ma/CGU_a46.html
















Vos contributions
LODJ Vidéo