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Cap sur une économie bleue au Maroc : Levier de Croissance et de Revalorisation Géopolitique


Rédigé par La Rédaction le Jeudi 9 Mai 2024

Le Maroc, baigné par les eaux de l'Atlantique et de la Méditerranée, dispose d'un atout majeur pour développer son économie bleue. Fort de son positionnement géographique stratégique et à ses abondantes ressources marines, le Royaume est en mesure de déployer une ambitieuse stratégie visant à faire de ce secteur d'avenir un moteur de croissance durable, inclusive et créatrice d'emplois. Cette vision devrait s’inscrire dans le repositionnement géopolitique du Maroc, qui se tourne résolument vers l'Afrique atlantique afin de renforcer ses liens économiques et stratégiques avec ses voisins du continent. L'objectif est de faire du Maroc un acteur clé et un partenaire privilégié dans le développement d'une économie maritime régionale prospère et respectueuse de l'environnement. En exploitant intelligemment les richesses de son patrimoine maritime, le Royaume entend générer une croissance économique verte, créer des emplois qualifiés et contribuer à un avenir durable pour le pays et l'ensemble de la région Afrique-Atlantique.



Par Hicham EL AADNANI Consultant en Intelligence Stratégique

Un patrimoine maritime aux atouts indéniables

Avec ses 3500 km de littoral, le Maroc dispose d'un atout inestimable pour le développement de l'économie bleue. La pêche maritime, pilier historique de ce secteur, génère près de 900 000 emplois directs et indirects. La production halieutique nationale s'élève à environ 1,56 million de tonnes par an, dont 85% proviennent de la pêche côtière et artisanale. Les exportations des produits de la mer rapportent chaque année plus de 2,8 milliards de dollars US au Maroc, témoignant de la vitalité de cette filière.

Des opportunités à saisir dans des filières émergentes

Si la pêche joue un rôle prépondérant, d'autres filières recèlent un fort potentiel de développement et de création d'emplois. L'aquaculture, encore peu développée au Maroc, offre des perspectives prometteuses. Le pays dispose de vastes zones propices à l'aquaculture marine (baies, lagunes). Le développement de cette filière permettrait de diversifier la production halieutique, de créer des emplois qualifiés et de contribuer à la sécurité alimentaire du pays.

Le tourisme côtier, autre pilier de l'économie bleue, attire chaque année autour de de 8 millions de touristes, soit près de 60% des arrivées touristiques au Maroc. Cependant, ce secteur reste concentré sur quelques destinations majeures et nécessite une stratégie de développement plus équilibrée pour exploiter pleinement son potentiel et créer des emplois dans l'ensemble du pays. Il s'agit notamment de développer le tourisme durable et responsable, de diversifier l'offre touristique et de valoriser le patrimoine culturel et naturel des régions côtières.

Les énergies marines renouvelables, telles que l'éolien offshore, constituent un enjeu crucial pour la transition énergétique du Maroc et la lutte contre le changement climatique. Le pays dispose d'un important gisement éolien offshore estimé à 7000 MW le long de ses côtes atlantiques et méditerranéennes. L'exploitation de ce potentiel immense permettrait de réduire la dépendance du pays aux énergies fossiles, de produire une énergie propre, de décarboner l'industrie et de créer des emplois qualifiés dans des secteurs d'avenir.

L'exploitation des ressources minérales sous-marines, encore à ses balbutiements, pourrait également devenir un gisement de croissance important pour l'économie bleue marocaine. Le potentiel en manganèse, cobalt, cuivre et autres minéraux précieux est immense et pourrait ouvrir de nouvelles opportunités économiques et créer des emplois dans des domaines d'expertise de pointe. Le développement de cette filière devra se faire dans le respect de l'environnement et en veillant à une gestion durable des ressources minérales.

Une stratégie ambitieuse pour une économie bleue durable et innovante

Conscient des opportunités immenses offertes par l'économie bleue, la stratégie nationale « Maroc bleu » doit viser à :

•   Développer durablement les activités maritimes traditionnelles telles que la pêche, l'aquaculture et les activités portuaires en adoptant des pratiques respectueuses de l'environnement et en préservant les ressources halieutiques. Cela implique notamment de moderniser les techniques de pêche, de promouvoir une aquaculture durable et responsable, et de renforcer la gestion des infrastructures portuaires.
•   Favoriser l'émergence de nouveaux secteurs porteurs à forte valeur ajoutée comme la construction et la réparation navales, les biotechnologies marines, les énergies renouvelables offshore, le dessalement de l’eau de mer et la production d’hydrogène vert, en encourageant l'innovation et en attirant les investissements. Le Maroc dispose d'un vivier de talents et d'un cadre institutionnel favorable au développement de ces nouvelles filières. En diversifiant son économie bleue vers ces activités à forte valeur ajoutée, le Maroc pourra générer de nouveaux emplois qualifiés, accroître sa compétitivité et renforcer sa position de leader régional dans l'économie maritime. Cette stratégie ambitieuse vise à faire de ces nouvelles filières des moteurs de croissance durable et inclusive pour le pays.
•   Mettre en place une gouvernance unifiée de l'économie bleue marocaine pour une meilleure coordination entre les différents acteurs publics, privés et de la société civile, afin d'assurer une cohérence et une efficacité dans la mise en œuvre de la stratégie. Cette approche permettrait de réduire les contradictions et les inefficacités qui pourraient résulter de la fragmentation des efforts et des ressources. En outre, une gouvernance unifiée permettrait de renforcer la visibilité et la transparence de la stratégie, en encourageant ainsi l'engagement et la participation de tous les acteurs concernés.
•   Accélérer le développement d'une économie des océans en investissant dans des plateformes multifonctionnelles offshores. Ces infrastructures permettraient de regrouper diverses activités industrielles, logistiques et de recherche en mer, optimisant ainsi l'utilisation de l'espace maritime. Ce modèle d'exploitation intégrée des ressources océaniques présenterait plusieurs avantages. Tout d'abord, il permettrait d'exploiter de manière plus efficace et durable le potentiel des espaces maritimes, en mutualisant différentes activités sur une même plateforme. De plus, en concentrant ces activités en mer, plutôt que sur le littoral, cela contribuerait à minimiser l'impact environnemental à terre, préservant ainsi les écosystèmes côtiers fragiles. Cela s'inscrirait pleinement dans une approche de développement durable de l'économie bleue marocaine. Investir dans ces plateformes multifonctionnelles offshore serait donc un levier stratégique pour accélérer la transition vers une économie des océans plus intégrée, efficace et respectueuse de l'environnement au Maroc. Cela permettrait de valoriser au mieux les ressources maritimes tout en limitant les externalités négatives sur les zones terrestres.
•   Renforcer les compétences et promouvoir l'innovation dans les métiers maritimes en développant des formations adaptées aux besoins des nouvelles filières et en encourageant la recherche et le développement technologique. La création d'une main-d'œuvre qualifiée et compétitive est essentielle. Il s'agira d'adapter les programmes de formation aux besoins des nouveaux secteurs, de favoriser les partenariats entre établissements d'enseignement et entreprises maritimes, et de soutenir la R&D dans des domaines clés.
•   Mobiliser les investissements nécessaires en explorant des mécanismes de financement innovants. L'une des options consiste à mettre en place un système de trading de crédits carbone à la Bourse de Casablanca, qui permettrait aux entreprises de se financer en échange de réductions de leurs émissions de carbone. De plus, l'émission d'obligations bleues dédiées au financement de projets d'économie bleue durables pourrait attirer des investissements privés et publics pour soutenir l'essor de cette économie. Enfin, la création de fonds d'investissement impact spécialisés dans l'économie bleue pourrait fournir des ressources financières pour les entreprises et les projets qui contribuent à une croissance économique verte et inclusive. Ces mécanismes de financement innovants pourraient ainsi aider à mobiliser les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs de l'économie bleue marocaine.

Le futur de l'économie bleue au Maroc en Afrique-Atlantique est certes prometteur, mais son développement ne sera pas sans défis. Le Maroc est bien armé pour se positionner en première ligne de ce mouvement, mais devra faire preuve de détermination et de pragmatisme pour y parvenir. En tant que partenaire stratégique crédible, le Royaume a la capacité de jouer un rôle déterminant dans la construction d'un avenir sûr, durable et prospère pour lui-même et pour l'ensemble des pays de l'Afrique-Atlantique.

Cependant, cela nécessitera des efforts soutenus en termes d'investissements, de coopération régionale et de gestion responsable des ressources marines. L'économie bleue marocaine recèle d'un potentiel immense, mais son exploitation devra se faire dans le respect de l'environnement et des écosystèmes marins fragiles. Une approche véritablement durable et innovante sera essentielle pour générer une croissance économique verte et inclusive, tout en préservant la richesse du patrimoine maritime. 

En se positionnant comme un leader de l'économie bleue en Afrique atlantique, le Maroc aura l'opportunité de jouer un rôle crucial dans la création d'un avenir prospère pour cette région. Mais cela supposera également de relever des défis de gouvernance, de financement et de transfert de compétences avec ses voisins. Le chemin sera long, mais le Royaume a les atouts pour y parvenir. Unis dans un esprit de coopération et d'ambition partagée, le Maroc et ses voisins africains de la façade atlantique peuvent bâtir ensemble un avenir maritime sûr, prospère et durable. Mais cela demandera de la détermination, de la flexibilité et un engagement fort envers la préservation des océans.

Par Hicham EL AADNANI
Consultant en Intelligence Stratégique


 





Jeudi 9 Mai 2024

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