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Chômage 2025 : pourquoi la croissance n’embauche pas ?


Rédigé par Salma Chmanti Houari le Vendredi 28 Novembre 2025

L’économie marocaine affiche une activité positive, mais le chômage reste élevé, en particulier chez les jeunes et les diplômés.

Ce n’est pas seulement un problème conjoncturel : plusieurs facteurs structurels; skills mismatch, transformation capitalistique de l’emploi, informel persistant, et attentes générationnelles expliquent ce décalage.

Voici une analyse qui va au-delà des chiffres et propose des leviers actionnables.



Le diagnostic chiffré : une réalité qui s’aggrave malgré la croissance

Les statistiques du début 2025 pointent un contraste brutal :

- Une croissance économique robuste certains trimestres, et un chômage national supérieur à 12 % avec un taux de chômage juvénile autour de 36 % (15–24 ans).

- Ces chiffres ont fluctué au long de l’année (Q2 2025 : chômage ~12,8 % ; taux jeunes ~35,8–38 % selon les sources).

Ces niveaux traduisent deux phénomènes : d’une part, la création nette d’emplois est insuffisante par rapport à l’arrivée massive de nouveaux actifs ; d’autre part, la dynamique de croissance est de plus en plus « capital-intensive »; elle crée de la valeur ajoutée sans générer systématiquement beaucoup d’emplois.

Mismatch compétences / postes :

Le problème central.

Plusieurs études et rapports montrent que l’un des facteurs majeurs est l’écart entre la formation (notamment universitaire) et les besoins opérationnels des entreprises.

Le ratio de diplômés qui restent sans emploi reste élevé, et l’emploi des jeunes diplômés est particulièrement concerné :

- Un pourcentage important de titulaires d’un diplôme supérieur ne trouve pas d’emploi correspondant à leurs compétences, tandis que de nombreux postes demandent des compétences techniques, digitales ou métiers spécifiques.

Concrètement : les entreprises recherchent des profils prêts à produire dès l’embauche (compétences numériques, maîtrise d’outils métier, expérience pratique).

Les filières de formation restent trop académiques et produisent beaucoup de diplômés généralistes.

Le système de transition école-entreprise (stages, apprentissages) doit être amplifié et mieux régulé.

Automatisation, modernisation et qualité de l’emploi

La modernisation industrielle : robotisation, optimisation des process, adoption de technologies numériques favorise la compétitivité, mais réduit la création d’emplois peu qualifiés.

Plusieurs secteurs à forte croissance (automobile, aéronautique, agro-industrie) recrutent, mais davantage de profils techniques ou spécialisés que de main-d’œuvre non qualifiée.

De plus, certaines créations d’emplois annoncées sont temporaires ou liées à des projets d’investissements qui automatisent ensuite la production.

L’informel, la faible participation féminine et les disparités régionales

Le marché du travail marocain reste dual : formel / informel. L’informel absorbe une grande partie de l’emploi mais sans protections sociales ni perspectives de carrière.

Par ailleurs, la participation des femmes au marché du travail reste basse; un frein puissant à l’emploi global et à la productivité.

Enfin, la création d’emplois est très concentrée dans les zones urbaines et certains secteurs ; les régions rurales et les provinces restent largement sous-servies, ce qui creuse l’inégalité territoriale.

Facteur générationnel : attentes salariales et forme d’emploi

Une dimension culturelle et comportementale complète le tableau : beaucoup de jeunes diplômés refusent aujourd’hui des emplois peu valorisants, mal rémunérés, ou sans perspectives (CDD, tâches subalternes).

Ils cherchent davantage de sens, de télétravail, de mobilités et de garanties; ce qui ralentit l’adéquation entre offre et demande.

Ce phénomène n’est pas purement de « privilège » : il reflète aussi un redimensionnement des aspirations et une conscience accrue des droits professionnels.

Politiques publiques : réformes en cours et leurs limites

Le gouvernement a lancé en 2025 une feuille de route ambitieuse (modernisation d’ANAPEC, objectif d’1,45 million d’emplois d’ici 2030, renforcement de la formation professionnelle).

Ces mesures sont pertinentes mais leur efficacité dépendra de l’exécution : capacité à rapprocher entreprises et centres de formation, digitalisation des services d’employabilité, et financement de PME pour absorber la main-d’œuvre.

Les réformes récentes montrent la volonté, mais la portée opérationnelle (capacités d’accompagnement, simplification administrative, budgets) déterminera l’impact réel.

Que faire : propositions pragmatiques et prioritaires (court et moyen terme)

a) Déployer massivement l’apprentissage en entreprise (stages qualifiants, alternance).

- Obliger ou fortement inciter les filières supérieures à intégrer modules pratiques évalués en entreprise, avec incitations fiscales pour PME qui embauchent apprentis. → Payable et rapide à mettre en place.

b) Plateformes d’appariement locales + micro-certifications.

- Amplifier ANAPEC digital, mais surtout créer hubs régionaux de mise en relation “poste-compétence” avec micro-certifications (2–6 semaines) pour profils recherchés (maintenance industrielle, soins, digital marketing, data entry spécialisé).

c) Aide ciblée aux PME pour recrutement formel.

Subventions salariales temporaires, exonérations sociales partielles sur la 1re année pour entreprises qui transforment emplois informels en emplois formels.

d) Inclusion féminine et relance territoriale.

Programmes d’emploi locaux centrés sur filières à forte valeur ajoutée (agro-transformation, tourisme durable, ICT) et services de garde/formation professionnelle pour favoriser l’accès des femmes.

e) Mesures anticycliques et stabilisatrices.

- Lors des projets publics (infrastructures, World Cup, transport), lier les appels d’offre à clauses locales d’emploi et formation (quota d’embauche locale et formation sur chantier).

Une réponse coordonnée est urgente

La croissance seule ne suffit pas : elle doit être inclusive et formatrice. Maroc a les leviers (réformes ANAPEC, investissement public, filières industrielles en croissance), mais le défi est d’aligner formation, incitations et politique industrielle dans une stratégie territoriale.

Sans cela, le chômage, et notamment le chômage des jeunes diplômés, restera le miroir d’un échec structurel, non d’un simple cycle conjoncturel. Les décisions prises cette année détermineront la trajectoire d’emploi pour la décennie à venir.





Vendredi 28 Novembre 2025

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