Quand le Président parle comme un météore
Le 23 septembre 2025, dans l’enceinte solennelle de l’Assemblée générale des Nations unies, Donald Trump a livré un discours qui ne ressemblait à rien de ce que le protocole onusien attend.
Quasiment 50 minutes de paroles sans filet, à mi-chemin entre un stand-up électoral, une diatribe populiste, un monologue stratégique et une performance personnelle. Tout y est passé : le climat, l’immigration, les alliances, l’ONU elle-même, dans une mise en scène brute, souvent provocante, parfois lunaire.
Cette chronique propose de revenir sur huit passages clés de ce discours – surprenants, dérangeants, révélateurs – pour en saisir les ruptures, les intentions et les conséquences. Car à travers les mots choisis, les silences pesants ou les glissements volontaires, Trump dessine bien plus qu’une politique étrangère : une vision du monde où la brutalité devient ligne directrice.
Quasiment 50 minutes de paroles sans filet, à mi-chemin entre un stand-up électoral, une diatribe populiste, un monologue stratégique et une performance personnelle. Tout y est passé : le climat, l’immigration, les alliances, l’ONU elle-même, dans une mise en scène brute, souvent provocante, parfois lunaire.
Cette chronique propose de revenir sur huit passages clés de ce discours – surprenants, dérangeants, révélateurs – pour en saisir les ruptures, les intentions et les conséquences. Car à travers les mots choisis, les silences pesants ou les glissements volontaires, Trump dessine bien plus qu’une politique étrangère : une vision du monde où la brutalité devient ligne directrice.
Climat : « le plus grand canular jamais perpétré »
Dans un hémicycle où le mot « urgence climatique » est devenu mot d’ordre, Trump surgit avec un pavé : « Climate change is the greatest con job ever perpetrated on the world. » Autrement dit, le climat, ce n’est pas une crise : c’est une arnaque. Cette attaque frontale contre des décennies de consensus scientifique ne se contente pas de nier les données – elle insulte l’intelligence collective. Il ne s’agit pas seulement de sortir des Accords de Paris ou de favoriser les industries fossiles, mais de criminaliser la pensée écologique. Il raille les gouvernements qui investissent dans le solaire ou l’éolien, dénonce l’« économie verte » comme un suicide industriel, et accuse les élites environnementalistes de vouloir « appauvrir les nations libres ».
Le tout sans jamais évoquer les incendies records, les migrations climatiques ou les sécheresses meurtrières. Ce rejet absolu du discours climatique n’est pas seulement idéologique : il s’inscrit dans une stratégie de confrontation avec l’intelligentsia scientifique mondiale. Et dans cette ONU où les jeunes générations parlent d’écologie avec ferveur, Trump apparaît comme une figure d’un autre temps — un négationniste en armure, fièrement hors-sol.
Le tout sans jamais évoquer les incendies records, les migrations climatiques ou les sécheresses meurtrières. Ce rejet absolu du discours climatique n’est pas seulement idéologique : il s’inscrit dans une stratégie de confrontation avec l’intelligentsia scientifique mondiale. Et dans cette ONU où les jeunes générations parlent d’écologie avec ferveur, Trump apparaît comme une figure d’un autre temps — un négationniste en armure, fièrement hors-sol.
Immigration : l’Europe « en enfer »
Le passage le plus incendiaire du discours fut sans doute celui sur l’immigration. Trump, dans un ton martial, affirme que les politiques migratoires actuelles sont responsables de la chute des nations : « If you don’t close your borders, your countries will go to hell. » Il ne s’agit pas ici de réguler les flux, mais de rejeter l’idée même d’ouverture. Il accuse l’Europe de s’être effondrée culturellement sous l’effet de « vagues migratoires incontrôlées », vante sa propre politique de muraille, et affirme que seule une immigration « zéro » permettrait aux États de préserver leur identité. En brandissant le spectre de l’effondrement, il transforme l’étranger en menace, en envahisseur.
L’ONU, espace de dialogue sur les droits humains et la solidarité internationale, est ainsi détournée pour diffuser un message ultra-identitaire. Il va jusqu’à reprocher aux institutions multilatérales de favoriser « l’effacement culturel des peuples historiques », suggérant une guerre démographique souterraine. Cette vision binaire — eux ou nous — nie la complexité des trajectoires migratoires, les causes géopolitiques, climatiques, économiques. C’est une vision de forteresse, nourrie de peur, qui transforme le multilatéralisme en champ de mines.
L’ONU, espace de dialogue sur les droits humains et la solidarité internationale, est ainsi détournée pour diffuser un message ultra-identitaire. Il va jusqu’à reprocher aux institutions multilatérales de favoriser « l’effacement culturel des peuples historiques », suggérant une guerre démographique souterraine. Cette vision binaire — eux ou nous — nie la complexité des trajectoires migratoires, les causes géopolitiques, climatiques, économiques. C’est une vision de forteresse, nourrie de peur, qui transforme le multilatéralisme en champ de mines.
L’écologie vue comme « idéologie suicidaire »
Non content de s’attaquer au climat comme « canular », Trump cible plus précisément la transition énergétique. Il fustige les énergies renouvelables comme « idéologie suicidaire » et accuse les pays qui misent sur le solaire et l’éolien de saboter leur propre économie. Il se moque ouvertement des voitures électriques, des éoliennes « qui tuent les oiseaux », et du « culte écologique ». Son attaque est ici profondément stratégique : il oppose deux modèles de civilisation.
Celui de la croissance fossile, forte, bruyante, triomphante ; et celui de la transition, qu’il décrit comme faiblarde, coûteuse, et soumise à la Chine. Cette rhétorique plaît à un électorat conservateur lassé des injonctions écologiques, et vise à disqualifier toute régulation climatique au nom de la liberté économique. Dans l’enceinte de l’ONU, où les objectifs de développement durable (ODD) font foi, cette prise de parole fait l’effet d’un coup de hache dans la diplomatie verte. Là où les autres parlent d’avenir partagé, Trump parle de fardeau imposé. Et ce faisant, il fracture encore davantage la planète entre climato-croyants et climato-réfractaires.
Celui de la croissance fossile, forte, bruyante, triomphante ; et celui de la transition, qu’il décrit comme faiblarde, coûteuse, et soumise à la Chine. Cette rhétorique plaît à un électorat conservateur lassé des injonctions écologiques, et vise à disqualifier toute régulation climatique au nom de la liberté économique. Dans l’enceinte de l’ONU, où les objectifs de développement durable (ODD) font foi, cette prise de parole fait l’effet d’un coup de hache dans la diplomatie verte. Là où les autres parlent d’avenir partagé, Trump parle de fardeau imposé. Et ce faisant, il fracture encore davantage la planète entre climato-croyants et climato-réfractaires.
Alliés européens : complices de l’ennemi russe
Trump ne s’est pas contenté d’attaquer ses ennemis : il a aussi mis en cause ses propres alliés. L’Europe, selon lui, est responsable d’un double jeu : en continuant d’acheter du gaz à la Russie, elle financerait indirectement la guerre en Ukraine. Il s’indigne que certains pays européens prêchent la paix tout en remplissant les caisses du Kremlin. Plus grave encore, il accuse l’Union européenne de trahir l’Occident en refusant de s’aligner sur les sanctions américaines.
C’est une critique frontale de la diplomatie européenne, à laquelle il oppose sa propre ligne dure. Mais au lieu d’une coordination stratégique, il exige une allégeance. Cette posture unilatérale désavoue les efforts diplomatiques multiformes, en particulier ceux menés par l’Allemagne ou la France. En somme, pour Trump, les alliés qui ne suivent pas les États-Unis sont des traîtres. Une conception du partenariat à sens unique, où le leadership américain ne se discute pas, il se subit. Dans la salle, plusieurs délégations européennes auraient pu se sentir humiliées. Mais Trump ne cherche pas l’union : il cherche la domination.
C’est une critique frontale de la diplomatie européenne, à laquelle il oppose sa propre ligne dure. Mais au lieu d’une coordination stratégique, il exige une allégeance. Cette posture unilatérale désavoue les efforts diplomatiques multiformes, en particulier ceux menés par l’Allemagne ou la France. En somme, pour Trump, les alliés qui ne suivent pas les États-Unis sont des traîtres. Une conception du partenariat à sens unique, où le leadership américain ne se discute pas, il se subit. Dans la salle, plusieurs délégations européennes auraient pu se sentir humiliées. Mais Trump ne cherche pas l’union : il cherche la domination.
L’ONU attaquée de l’intérieur : « des mots vides »
Rarement un chef d’État aura autant égratigné l’enceinte dans laquelle il s’exprime. Trump a fustigé l’ONU pour son inefficacité, sa bureaucratie, ses déclarations « qui ne règlent rien ». Selon lui, l’organisation ne produit que des « mots vides » et incarne « l’impuissance organisée ». Il n’a pas hésité à se moquer des résolutions « sans dents », des conférences « où tout le monde parle pour ne rien dire », et de la prétendue passivité du Conseil de sécurité. Cette critique n’est pas nouvelle, mais le ton employé relève presque du sabotage diplomatique. Trump ne veut pas réformer l’ONU : il veut la démonétiser. Et pourtant, dans un retournement paradoxal, il ajoute : « Les États-Unis soutiennent l’ONU à 100 %. » Ce double discours trahit une stratégie typiquement trumpienne : attaquer pour mieux recentrer le débat autour de sa propre personne, et imposer une vision de l’ordre mondial sans médiateur. Pour lui, l’ONU n’est acceptable que si elle se transforme en chambre d’écho de la politique américaine. Cette posture abîme le principe même du multilatéralisme. Elle décrédibilise les institutions dans un moment historique où leur rôle est plus crucial que jamais : guerres, famines, pandémies, intelligence artificielle. Trump, en ridiculisant l’ONU, nie sa propre appartenance à une communauté internationale régie par des règles, des dialogues, des compromis.
Téléprompteur cassé, escalator bloqué : les symboles de la dérision
Dans un moment pour le moins étrange, Trump interrompt son discours pour mentionner… un téléprompteur qui ne fonctionne plus et un escalator défectueux. « That guy is in big trouble », lance-t-il en désignant le technicien. Ce genre de remarque pourrait prêter à sourire si elle ne s’inscrivait pas dans une stratégie rhétorique bien rodée. En évoquant ces petits dysfonctionnements matériels, il cherche à symboliser une ONU vétuste, dépassée, mal équipée — bref, à l’image de ce qu’il veut dénoncer : une organisation en panne. L’anecdote devient allégorie. L’ONU ne marche plus, littéralement et métaphoriquement. Il s’agit aussi de casser l’image sacralisée de la tribune onusienne, en la ramenant au niveau d’un talk-show mal huilé. Cette tactique de désacralisation sert un objectif politique clair : affaiblir la gravité des lieux, se poser en franc-tireur, en homme simple qui « dit ce que les autres n’osent pas dire ». C’est la logique populiste dans sa forme pure. Et le fait qu’il se permette ce genre de moquerie en direct, devant les caméras du monde entier, en dit long sur le rapport qu’il entretient avec les institutions internationales : un mélange de cynisme, de mépris et de mise en scène.
La Palestine rejetée, le Hamas assimilé à tout un peuple
Trump a vivement critiqué les pays ayant récemment reconnu l’État de Palestine, les accusant de « récompenser le terrorisme ». Dans son discours, il associe sans nuance la reconnaissance diplomatique de la Palestine au soutien du Hamas, allant jusqu’à dire que cela « légitime les crimes contre les civils ». Cette position va à l’encontre du consensus international émergent sur une solution à deux États, et claque comme une provocation vis-à-vis des pays européens ayant pris cette décision. Pire encore : Trump efface toute distinction entre peuple palestinien, autorité légitime, et groupuscules armés. Cette simplification brutale alimente une lecture manichéenne du conflit israélo-palestinien : d’un côté les bons (Israël), de l’autre les mauvais (tous les Palestiniens, sans nuance). À l’ONU, où l’équilibre des mots compte plus que jamais, cette absence de nuance est perçue comme une prise de position radicale, voire incendiaire. Elle isole davantage Washington dans le traitement du conflit. Elle décrédibilise tout rôle de médiateur que les États-Unis pourraient encore jouer. Et surtout, elle attise une vision du monde où la diplomatie devient une affaire de punitions et de récompenses, non de justice ou de paix durable.
Moi, moi, moi : un Nobel de la paix implicite ?
Derrière chaque tirade, on sent chez Trump le désir d’être vu comme un faiseur de paix. Il rappelle, à plusieurs reprises, avoir « mis fin à plusieurs conflits », « obtenu la libération d’otages », « empêché l’Iran d’attaquer ses voisins ». Il ne le dit jamais frontalement, mais tout dans son discours semble réclamer une reconnaissance internationale, un Prix Nobel de la paix que l’ONU refuserait de lui accorder. C’est la dimension la plus narcissique de son intervention : il s’y met en scène comme l’homme providentiel, le seul à avoir la poigne nécessaire pour imposer la paix par la force. Il ne parle pas d’accords, mais d’accords qu’il aurait personnellement dictés. Il ne parle pas de désescalade, mais de victoires. Ce registre héroïque transforme le discours en tribune d’auto-glorification. Et ce faisant, Trump dénature l’esprit onusien, qui repose sur la coopération et la négociation. Il n’est plus un représentant d’État, mais un personnage central dans une mythologie qu’il écrit lui-même. Cette mise en récit personnelle de la géopolitique n’est pas anodine : elle enferme le monde dans une logique de confrontation d’egos plutôt que de recherche de solutions collectives.
Le monde vu depuis la Tour Trump
Ce discours n’était pas un discours de président parmi d’autres. C’était un manifeste. Trump ne s’est pas contenté de s’exprimer : il a défié les fondements même de l’ONU. Il a attaqué les piliers de l’ordre mondial – climat, immigration, diplomatie, solidarité – pour leur substituer une vision verticale, unilatérale, brutale.
Ce que ce discours révèle, c’est une tentative de remodeler le langage géopolitique à l’image de l’homme qui parle : sans compromis, sans nuance, sans tabou. C’est aussi, paradoxalement, une forme de cohérence : celle d’un monde où chaque pays doit se replier, se défendre, gagner, au détriment de la coopération.
Trump n’a pas parlé à l’ONU. Il a parlé contre l’ONU. Et en cela, son discours restera dans les annales : comme un miroir déformant d’une époque fracturée, où même la paix doit passer par le clash.
Ce que ce discours révèle, c’est une tentative de remodeler le langage géopolitique à l’image de l’homme qui parle : sans compromis, sans nuance, sans tabou. C’est aussi, paradoxalement, une forme de cohérence : celle d’un monde où chaque pays doit se replier, se défendre, gagner, au détriment de la coopération.
Trump n’a pas parlé à l’ONU. Il a parlé contre l’ONU. Et en cela, son discours restera dans les annales : comme un miroir déformant d’une époque fracturée, où même la paix doit passer par le clash.












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