Une opération conjointe entre les autorités espagnoles et marocaines a mis fin à un réseau de contrebande qui utilisait des drones de grande capacité pour acheminer jusqu’à 200 kilos de haschich en une seule nuit. L’affaire révèle une sophistication croissante des trafiquants sur l’axe du détroit de Gibraltar et la réponse coordonnée des services des deux rives.

C’est une affaire emblématique des nouvelles méthodes employées par les narcotrafiquants sur l’axe Maroc–Espagne. Selon les autorités judiciaires espagnoles, un réseau a été démantelé après plusieurs mois de surveillance conjointe avec les services marocains, mettant au jour l’utilisation de drones spécialement conçus et assemblés par les membres du groupe. Ces appareils, capables de voler à basse altitude et d’opérer de nuit, permettaient de transporter des cargaisons de haschich en plusieurs rotations, jusqu’à un total estimé à 200 kilogrammes par nuit. Les enquêteurs décrivent une logistique distribuée, avec des ateliers d’assemblage improvisés, des pilotes formés en interne et des points d’atterrissage dissimulés à proximité des côtes andalouses.

L’opération aurait débuté par le repérage d’activités anormales de radiocommunications et de vols non autorisés dans des couloirs aériens proches d’Algésiras et de la baie de Cadix. Côté marocain, la surveillance des zones côtières du nord a permis de croiser les signaux et d’identifier des préparatifs nocturnes, notamment le chargement d’appareils au sol et des tests de portée. Le réseau s’appuyait sur des drones multirotors à grande autonomie, modifiés pour accroître la charge utile, et sur des systèmes de largage rapides. Des composants importés légalement étaient combinés à des pièces imprimées en 3D pour contourner le suivi des séries. Les perquisitions ont permis de saisir des structures en fibre de carbone, des batteries haute densité, des contrôleurs de vol, ainsi que des moyens d’optique nocturne.

Au-delà de l’innovation technique, l’enjeu sécuritaire est double. D’une part, ces vols transfrontaliers court-circuitent les circuits maritimes classiques et rendent plus difficile la détection radar. D’autre part, ils posent des risques pour la sécurité aérienne dans des zones proches de couloirs civils. En réponse, les forces espagnoles ont mobilisé des capteurs radiofréquences, des radars bas-altitude et des équipes de neutralisation de drones. La coopération avec le Maroc s’est traduite par des échanges de renseignements, des synchronisations d’interpellations et un partage de preuves numériques extraites des contrôleurs de vol. Plusieurs suspects ont été arrêtés des deux côtés, et des chefs d’inculpation liés au trafic de stupéfiants, à la fabrication d’appareils sans autorisation et à l’association de malfaiteurs ont été retenus.

Cette affaire illustre un basculement: la miniaturisation et l’accessibilité technologique offrent aux réseaux criminels de nouveaux vecteurs, obligeant les États à adapter leurs doctrines. Des sources proches du dossier évoquent une montée en puissance des moyens anti-drones, l’harmonisation des cadres juridiques et la traçabilité des composants sensibles. Sur le détroit, où la pression demeure forte, les autorités misent sur des opérations ciblées, la coopération judiciaire et l’analyse des données de vol saisies pour remonter les filières. La vigilance s’impose aussi aux revendeurs de matériel spécialisé, sommés de signaler des achats atypiques. Si le démantèlement fragilise ce réseau, il ne clôt pas la bataille technologique en cours.