Daron Acemoglu, Prix Nobel d’économie 2024, le rappelle : ses effets sur la croissance sont modestes, et son développement risque surtout d’accentuer les inégalités sociales et la concentration du pouvoir.
Une technologie surestimée, une société sous-estimée
Dans une tribune publiée dans Le Monde le 27 décembre 2024, Acemoglu estime que l’IA générative ne produira qu’un gain limité – autour de 1 % du PIB sur dix ans. Le véritable enjeu n’est pas la technologie en soi, mais la manière dont nous choisissons de l’intégrer dans nos institutions, nos services publics et nos modèles éducatifs.
L’IA pour augmenter, non remplacer
Je défends une IA contextualisée, pensée pour répondre à nos réalités. Une IA qui parle nos langues arabe et amazigh , qui intègre nos références culturelles, qui reconnaît la richesse de nos patrimoines et qui accompagne nos priorités sociales : l’éducation, la santé, l’agriculture, l’artisanat. Autrement dit, une IA conçue non pas pour imiter des modèles étrangers, mais pour renforcer nos capacités, valoriser nos savoir-faire et soutenir nos trajectoires de développement.
Le danger de la concentration
La quasi-totalité des grands modèles d’IA est aujourd’hui détenue par quelques géants américains : OpenAI, Google, Anthropic, Meta, Microsoft. Une telle centralisation crée une asymétrie structurelle. Nos récits, nos données et nos cultures risquent d’être marginalisés par des logiques qui ne reflètent pas nos réalités locales.
Cette concentration n’est pas seulement technologique, elle est aussi informationnelle et culturelle. Elle menace la diversité des récits et des savoirs, y compris en Europe, et risque d’imposer une vision unique du monde, marginalisant les langues, les patrimoines et les identités du Maroc et de l’Afrique.
Réguler et institutionnaliser
- Un système d’identité numérique souverain (MrabaData),
- Des AI Cafés pour sensibiliser les citoyens,
- Des clusters comme MedinIA pour fédérer chercheurs, entreprises et institutions,
- Un ancrage éthique et systémique adapté à nos valeurs.
De la dépendance à la souveraineté :
L’IA n’est pas qu’une affaire de technique, mais un système complexe qui articule savoirs, économie, culture et citoyenneté.
La question n’est pas si l’IA sera déployée en Afrique, mais dans quelles conditions.
L’IA, enjeu culturel et civilisationnel :
Si nos langues et nos récits ne sont pas intégrés dans les modèles de demain, notre mémoire collective risque d’être effacée. L’IA est déjà un outil de production culturelle.
Je suis convaincu que le Maroc et l’Afrique doivent entraîner leurs propres modèles, intégrant l’arabe, l’amazigh et leurs patrimoines, sous peine de devenir de simples consommateurs d’un récit produit ailleurs.
Une opportunité historique
- Investir dans la formation des jeunes.
- Développer des écosystèmes régionaux d’innovation.
- Bâtir des partenariats Sud-Sud pour mutualiser données et expertises.
De l’alerte à l’action :
Les alertes de Daron Acemoglu rejoignent mes propres préoccupations. Mais pour le Maroc, j’appelle à une mobilisation immédiate, fondée sur :
- Une régulation nationale forte.
- Des infrastructures souveraines de données et de cloud.
- Une stratégie éducative centrée sur l’IA et l’éthique.
- Une gouvernance inclusive État–chercheurs–entreprises–société civile.
À ce plaidoyer s’ajoute l’appel solennel d’Adnane Benchakroun, lancé le 21 septembre 2025, en direction de Madame la Ministre de la Transition numérique et de la Réforme de l’Administration :
« Appel solennel à la création d’un Think Tank africain au Maroc de la singularité. »
Nos deux appels convergent : il s’agit de mobiliser toutes les forces vives du pays et du continent pour bâtir une intelligence artificielle souveraine, inclusive et tournée vers l’avenir.
L’intelligence artificielle n’est pas d’abord une affaire de technologie. Elle est un choix de société, un enjeu de souveraineté et un acte de civilisation.
Le temps n’est plus à l’hésitation. J’appelle à l’action, maintenant.
Par Dr Az-Eddine Bennani












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