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L’héritage du populisme arabe des années 60




Par Bargach Larbi

Le monde arabe est pollué par le populisme des années 60. La démagogie, qui va avec, portée par le discours nassérien sur le plan politico-militaire et, par Boumediene, le président algérien, pour son pendant économique, a toujours une clientèle fidèle. Les slogans creux, qui accompagnent ses discours, n’ont pas peur de la défaite et de l’humiliation, bien au contraire.

La défaite, chez eux souffre d’un déni, quasi psychiatrique et, n’est jamais reconnue comme un échec. Elle est souvent niée malgré son évidence. Sadate, qui a succédé à Nasser et qui, aurait pu remporter la guerre d’octobre 1973, si ce n’est l’intervention massive de l’aviation américaine, n’a pas réussi à effacer des mémoires les discours triomphants de son illustre prédécesseur. Il était pourtant à l’origine, en 1967, de la plus douloureuse défaite militaire de l’histoire des arabes. Sadate a acté sa défaite injuste en a tiré les conséquences, et a changé de stratégie. On ne lui a jamais pardonné.

Ce n’est pas le sujet de cette chronique, ce rappel est juste destiné à planter les éléments d’une réflexion autour des aberrations du populisme arabe. Sur le plan économique le cas de l’Algérie est intéressant. Ce pays a abrité la 4e édition de la Foire Commerciale Intra-Africaine, l’ITAF 2025 du 4 au 10 septembre 2025.

La réflexion qui en découle va nous conduire immanquablement à la comparaison avec le Maroc et les critiques que suscitent l’organisation de la Coupe du Monde 2030 en partenariat avec l’Espagne et le Portugal.

Selon plusieurs observateurs l’organisation de l’ITAF était aux meilleurs standards internationaux, le gouvernement a mis les moyens en faisant appel aux plus grandes agences d’événementiels et en capitalisant sur l’expérience algérienne ; l’Algérie a, à son actif une grande expérience dans l’organisation des événements internationaux. C’est aussi des résultats spectaculaires, 48,3 milliards de dollars de contrat signés, selon la presse algérienne dont 11 milliards pour la seule Algérie soit 23% du total.

Ces chiffres sont bien entendus une compilation d’intention d’investissements, on ne négocie pas un tel niveau de marchés sans négociations préalables, sans verrouillage de contrat et sans validation des Conseils d’Administrations. Ce qui compte c’est l’effet d’annonce.

Ce ne sera pas la seule, le Président Tebboune a lancé lors de la cérémonie de clôture : la « plateforme Algérie », un ensemble de projets d’infrastructures gigantesques destinés à améliorer l’accès au continent : routes transsahariennes, chemins de fer, ports dédiés au commerce interafricain, déploiement de nombreuses lignes pour Air Algérie, soutiens aux économies de la sous-région et affirmation du leadership du sous-sols le plus riche du sud de la méditerranée, avec la Libye et le Nigéria.

Cette ouverture économique est à priori prometteuse et tranche avec celle en place depuis les années 60 et son épisode mafieux des années Bouteflika. Elle encourage les exportations, priorité déclarée de l’ère Tebboune, et vise à attirer les investissements étrangers grâce à la mise en place d’un code des investissements séduisant. 
 
Sur le contenu des projets, force est de constater qu’il y a beaucoup de similitudes avec les projets lancés au Maroc depuis l’intronisation de Mohammed VI. En vrac on peut rappeler : le Port Tanger Med, les projets Nador et Dakhla, le désenclavement du Sahel, le déploiement de la RAM en Afrique, l’ouverture massive de filiales bancaires etc.

Mais ce n’est qu’une illusion. Les projets prévus par Alger ne bénéficient pas des mêmes ingrédients. L’ouverture de lignes aériennes vers l’Afrique a été préparé et correctement étudié par le Maroc, elle est improvisée en Algérie. Le Hub de Casablanca a une logique économique. Casablanca est située dans des routes aériennes fréquentées et définies par des points de cheminement déjà opérationnels. Il faudra construire des relais (tour de contrôles) pour Alger ou Tamanrasset envisagé comme Hub dans certaines études. Le Hub de Casablanca bénéficie déjà d’une clientèle touristique et, ou corporate inexistante en Algérie.

Le tourisme n’est pas une priorité, « il nécessite des courbettes que les algériens ne sont pas sûrs de pouvoir accepter », selon le Président Tebboune. Cette ouverture vers l’Afrique s’est accompagnée de celle du ciel marocain à la concurrence et aux compagnies low-cost. Ces compagnies ont challengé la RAM sur les coûts d’exploitations et sur la qualité des prestations. Cette concurrence est inenvisageable en Algérie. Pour le pouvoir en place, bloqué idéologiquement, c’est une question de souveraineté nationale. Idem pour les filiales bancaires.

Le système bancaire marocain, privé en quasi-totalité, a développé un savoir-faire dans le domaine du migrant banking. Il dispose d’un réseau européen, avec une expérience de soixante ans dans les transferts d’épargne et la gestion des comptes à distance. Ce positionnement lui a permis de supplanter les banques françaises en Afrique. Ces dernières avaient pour objectif l’accompagnement des multinationales françaises, alors que les banques marocaines avaient pour but la promotion de l’économie locale. Une différence de taille.

En revanche les banques commerciales algériennes, dont le capital est dominé par les entreprises étatiques, leur business se limite à soutenir les politiques publiques du pays. Leur développement vers l’étranger ne pourra qu’être symbolique. Elles souffrent par ailleurs d’un handicap systémique.

Pendant longtemps l’état taxait les transferts des immigrés algériens. Cela s’est traduit par le développement, non souhaité mais réel, d’un marché parallèle des devises dans le pays. En ce qui concerne les ports, le Maroc a pris une sérieuse avance et s’est inscrit comme Hub du commerce méditerranéen encore une fois en ouvrant son économie. Pour développer le commerce avec la Mauritanie Alger a lancé en grande pompe une ligne Oran Nouakchott. Sans études de marchés, elle a fermé après deux voyages. 
 
Une économie, trop longtemps protégée pour des questions de paix sociale, est fragile, c’est le cas des entreprises algériennes et marocaines, et c’est valable pour tous les secteurs. On se souvient, pour ceux qui ont une expérience du secteur bancaire marocain, des conséquences de la décision de Bank Al Maghrib de désencadrer les crédits. Le taux de contentieux a explosé atteignant des niveaux records mettant en péril l’avenir les banques.

Certaines ont fait faillites ou ont été rachetées. Les ajustements, la capacité de résilience qu’impose la concurrence et de nouveaux modes de gouvernance ont rétabli une situation largement compromise. Les taux du contentieux et du risque, imposés par la convention de Bale IV (réajustement de Bale III), sont aujourd’hui aux meilleurs standards internationaux. Cette souffrance initiale avant un retour à la normale est valable pour tous les secteurs soumis à la concurrence, qu’elle soit nationale ou internationale. 
 
À Alger, lors du premier mandat Tebboune des tentatives de libéralisation avaient été engagées par le premier ministre Aissam Benabderrahmane. Elles ont échoué avant d’être remise à l’ordre du jour en ce début de mois de septembre. L’ITAF 2025 était censé être le prélude à une nouvelle lecture de la politique économique algérienne a révélé, au contraire, la réalité de la philosophie encore dominante au sein du pouvoir. Une philosophie dominée à la fois par la primauté de la politique et par la démagogie et la frilosité.

Un détail n’a pas manqué d’attirer l’attention des observateurs. Celui du stand réservé au Polisario et aux cérémonies de signature de contrats fictifs qu’il a abrité. C’est ridicule !

Depuis que le Maroc a pris le contrôle de Guergarate il n’y a plus aucune présence du Polisario dans la zone sous contrôle de la MINURSO et le PIB de la « RASD » est de zéro dollars depuis 50 ans. Toutes les dépenses du Polisario sont assurées par le gouvernement algérien et par les ONG pour le programme alimentaire.

Ce n’est pas le plus important, on peut considérer que ce sont de vieux réflexes et qu’Alger, malgré la bonne volonté de ses technocrates, n’arrive pas à s’en débarrasser. C’est sur le registre des réformes structurelles, visant à libéraliser l’économie, que rien n’a changé malgré les discours et les promesses. Les réflexes protectionnistes, qui ont tant pénalisé l’économie algérienne, ont rapidement repris le dessus.

« Chassez le naturel il revient au galop » dit l’adage. En effet une vidéo mettant en scène le Président Tebboune, en visite des stands de l’ITAF, fait le buzz sur les Réseaux Sociaux. Une exposante, spécialisée dans la production de produits pour nourrissons, assure le président qu’elle a la possibilité de couvrir l’ensemble du marché national en quelques mois.

La réponse du Président, qui veut avant tout promouvoir l’import-export, est aussi spontanée qu’inattendue. Au lieu de l’encourager à produire de la qualité aux meilleurs tarifs, pour pouvoir exporter, il s’est engagé à interdire l’importation de produits concurrents dans les deux mois suivant la vérification de son offre. C’est exactement le contraire qu’il fallait dire.

C’est choquant pour ceux qui y ont cru au changement. Ils savent que l’on ne peut pas : 
 
Exporter sans importer.
Importer sans soumettre les produits locaux à la concurrence par le prix et la qualité
Construire une économie compétitive avec une productivité optimale sans réformes des structures administratives. 
Mettre en place une logistique ambitieuse sans avoir des produits compétitifs à commercialiser. 

Prétendre le contraire c’est faire preuve de populisme et de démagogie et dans le sujet qui nous concerne c’est limiter l’ITAF à un grand show publicitaire, ce qu’il était assurément si l’on se fie aux propos hors sol du Président. 
 
Au Maroc aussi la tentation populiste est grande et les résistances nombreuses. Dans toutes les prises de positions sur la question des chantiers de la Coupe du Monde les priorités sont redéfinies par les détracteurs.

On n’a pas besoin de stades disent-ils en chœurs, ni de TGV, ni d’aéroports, on veut des hôpitaux, des écoles et des salaires conséquents. Ils oublient de dire que jamais le Maroc n’a construit autant de cliniques dont la rentabilité sera assurée par l’adhésion massive à l’AMO, que jamais on a autant formé de médecins et d’infirmiers.

Que le renouvellement des élites, très lent on en convient, est devenu possible grâce à l’école de la performance. Le nombre de futurs polytechniciens marocains bat des records historiques. Le chantier de l’éducation, victime de plusieurs réformes populistes, et handicapé par un corps des enseignants absentéiste et syndiqué pour le pire, tarde à montrer sa révolution que l’on dit imminente.

Des écoles pilotes sont déjà opérationnelles pilotées par une nouvelle génération d’enseignants bien formés et mieux payés aussi. Le TGV, si décrié lors de son lancement, est devenu un mode de transport populaire, une quasi navette entre Kénitra et Tanger. Le nombre de lits d’hôtels explose dans presque toutes les villes et le tourisme, qui a vécu en juillet une petite crise de croissance, devient une activité prometteuse génératrice de devises et d’emplois stables.

Toutes ces avancées que chacun perçoit au quotidien n’empêche pas le dénigrement de ceux qui souhaitent la mise en place d’une société d’assistés. Les droits sociaux sont le résultat de devoirs sociaux et non l’inverse. Ce discours engageant va à l’encontre de certaines sphères de la société :
 
Celles qui refusent de se remettre en question et qui n’assument pas leurs échecs qu’elles attribuent au système.
Celles qui en profitent en accumulant des capitaux et un patrimoine illégitime. 

C’est contre eux qu’il faut se battre en essayant de convaincre les premiers de changer de logiciel et en écartant définitivement les seconds. 
 
Bargach Larbi



Jeudi 11 Septembre 2025

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