Dans de nombreux cabinets modernes, l’IA est déjà utilisée pour interpréter des radiographies dentaires, repérer des lésions précoces, calculer la densité osseuse ou encore modéliser des traitements orthodontiques personnalisés. Grâce à l’analyse d’images médicales par deep learning, les algorithmes identifient en quelques secondes des anomalies qui pourraient échapper à un œil humain fatigué. Des plateformes de diagnostic assisté proposent aussi des plans de traitement optimisés selon des milliers de cas cliniques préalablement analysés.

Autre usage prometteur : l’IA conversationnelle et la téléconsultation dentaire. Des chatbots intelligents peuvent répondre aux patients, leur poser des questions préliminaires avant le rendez-vous, voire même détecter certains symptômes grâce à la reconnaissance visuelle de lésions via des selfies buccaux. Cela peut alléger la charge mentale du praticien tout en facilitant l’accès aux soins.

Une transition encore inégale
Mais cette révolution ne touche pour l’instant qu’une minorité de cabinets bien équipés, principalement en milieu urbain. Les obstacles sont nombreux : coûts d’installation élevés, manque de formation sur les outils IA, infrastructure numérique insuffisante dans les zones rurales, sans parler des craintes sur la déshumanisation de la relation soignant-soigné.

L’IA ne remplacera pas le jugement clinique, elle l’assistera. Mais pour cela, il faut une politique volontariste de formation et d’intégration progressive dans les cursus universitaires et les programmes de formation continue. Faute de quoi, elle risque d’aggraver les écarts entre cabinets ultra-modernes et praticiens isolés.

Une dentisterie augmentée… ou déshumanisée ?
L’arrivée de l’IA pose aussi des questions éthiques : qui est responsable en cas d’erreur de diagnostic automatisé ? Comment garantir que les données des patients soient utilisées en toute sécurité ? Comment s’assurer que l’IA ne devienne pas un prétexte à standardiser des soins pourtant très individualisés ? Le métier de dentiste est aussi une relation humaine, un accompagnement émotionnel, un dialogue qui ne se code pas.

L’intelligence artificielle, si elle est bien encadrée, peut être une formidable alliée. Mais mal introduite, elle pourrait fragiliser les fondements du lien thérapeutique. Le défi est donc moins technologique qu’éthique, pédagogique et politique.

En parallèle du diagnostic automatisé, des startups développent des assistants vocaux dentaires capables de prendre des notes pendant la consultation, de générer des ordonnances ou de rappeler au praticien les antécédents du patient. Ces outils, intégrés aux logiciels de gestion médicale, promettent un gain de temps considérable… mais nécessitent une adaptation des habitudes de travail.

Une réflexion est en cours au Maroc pour encourager le co-développement de ces solutions avec les universités et les jeunes praticiens. L’IA ne doit pas se contenter d’imiter le praticien : elle doit lui libérer du temps pour se recentrer sur ce qu’aucune machine ne fera jamais mieux… écouter, accompagner, rassurer.