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La génération du “ni bureau ni patron” : le Maroc à l’ère du travail à la carte


Rédigé par Salma Chmanti Houari le Mercredi 12 Novembre 2025

Ils ne veulent plus de chefs, plus d’horaires fixes, et encore moins de bureaux impersonnels. Une génération entière de jeunes Marocains réinvente sa manière de travailler, portée par le numérique, les réseaux sociaux et une quête profonde de liberté. Entre promesse d’indépendance et réalité économique parfois rude, le phénomène du freelancing et du travail à la carte transforme silencieusement le paysage professionnel du pays.



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La fin du modèle unique

Il y a encore dix ans, décrocher un CDI dans une entreprise stable était le rêve de la plupart des jeunes diplômés. Aujourd’hui, beaucoup y voient plutôt une forme de prison douce. La nouvelle génération valorise davantage la flexibilité, la créativité et la possibilité de choisir ses projets. Sur LinkedIn, dans les coworkings de Casablanca ou les cafés de Rabat, le profil du “freelance multi-casquette” devient monnaie courante : graphistes, traducteurs, développeurs web, community managers ou même juristes indépendants.

Cette tendance n’est pas propre au Maroc. Partout dans le monde, le travail indépendant gagne du terrain. Mais au Maroc, le mouvement prend une dimension particulière : il s’agit souvent d’une réponse à la fois à un marché du travail saturé et à un désir profond d’émancipation personnelle.

Le numérique comme catalyseur

Si cette mutation est possible, c’est grâce au digital. Les plateformes comme Upwork, Malt, Fiverr ou même les réseaux sociaux professionnels permettent à des milliers de Marocains de proposer leurs services, souvent à des clients étrangers. Une simple connexion internet suffit désormais à bâtir une carrière internationale, sans bouger de son salon. De plus, l’écosystème local s’adapte.

Des plateformes marocaines comme Freelancy, Freelance.ma ou Linkry se développent, tandis que les espaces de coworking se multiplient à Casablanca, Tanger, Marrakech ou Agadir. Le travail indépendant devient un mode de vie, rythmé par des projets courts, des deadlines mouvantes, et des relations professionnelles plus horizontales.

Mais cette révolution numérique a aussi un revers : la dépendance aux plateformes et la volatilité des revenus. Sans cadre légal solide ni sécurité sociale, beaucoup de jeunes freelances évoluent dans une zone grise où la liberté se paie souvent cher.

Entre autonomie et précarité

Sur le papier, la vie de freelance fait rêver : pas de patron, pas de routine, des horaires flexibles. Mais la réalité, elle, est plus nuancée. Les revenus varient fortement d’un mois à l’autre, les paiements tardent parfois, et la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle devient floue. Certains travaillent jusqu’à tard dans la nuit, d’autres enchaînent les projets pour éviter les périodes creuses. « Je gagne mieux ma vie qu’avant, mais je n’ai plus de week-end », confie Yassir, 29 ans, monteur vidéo indépendant à Casablanca. « Le vrai luxe, ce serait d’avoir un salaire stable sans perdre ma liberté. »

Ce paradoxe illustre le dilemme d’une génération entière : comment concilier indépendance et sécurité, création et stabilité ? Les autorités marocaines ont d’ailleurs commencé à s’intéresser au phénomène. Des réflexions sont en cours autour du statut de travailleur indépendant, et certaines banques proposent désormais des offres dédiées aux freelances.

Mais les besoins restent immenses : couverture médicale, retraite, reconnaissance juridique… Autant d’enjeux encore flous pour des milliers de jeunes qui ne rentrent dans aucune case.

Une nouvelle culture du travail

Au-delà de la dimension économique, cette mutation traduit un changement profond dans les mentalités. Les jeunes Marocains ne cherchent plus seulement un emploi : ils veulent un équilibre de vie, un travail qui ait du sens et qui respecte leur rythme. Beaucoup refusent désormais les hiérarchies rigides et les horaires de 9h à 18h.

Ils préfèrent construire leur propre trajectoire, quitte à emprunter des chemins instables. Cette “culture du projet” s’accompagne d’une valorisation de la polyvalence. Un même individu peut être graphiste, photographe, consultant et créateur de contenu. L’idée de n’avoir qu’un seul métier à vie semble appartenir au passé. L’identité professionnelle devient fluide, mouvante, créative à l’image d’une société en transformation.

L’émergence d’un écosystème marocain

Le Maroc commence à répondre à cette nouvelle réalité. Des incubateurs et programmes comme Technopark, MoroccoTech ou Startup Maroc soutiennent l’esprit entrepreneurial et les carrières indépendantes. Des villes comme Casablanca, Rabat ou Marrakech s’imposent comme de véritables hubs pour les freelances, les startuppers et les créateurs de contenu.

Parallèlement, la diaspora marocaine joue un rôle moteur. Beaucoup de jeunes installés à l’étranger collaborent à distance avec des talents basés au Maroc, créant ainsi des ponts économiques et culturels inédits. Un nouveau modèle de travail global et décentralisé est en train de naître, où la valeur n’est plus liée à un bureau, mais à une compétence.

Vers un nouvel équilibre ?

Le défi des années à venir sera de donner à cette génération les outils nécessaires pour travailler librement, mais dignement. Cela implique une reconnaissance institutionnelle, une protection sociale adaptée, et une formation continue aux métiers du digital.

Car si le freelancing est une solution pour beaucoup, il ne doit pas devenir un synonyme de précarité déguisée. Dans un monde où la stabilité se fait rare, le vrai pouvoir est peut-être de choisir son propre désordre : celui du travail libre, mouvant, exigeant, mais profondément humain.

La génération du “ni bureau ni patron” ne rejette pas le travail; elle le réinvente, à son image.





Mercredi 12 Novembre 2025

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