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Le Conseil de la Concurrence énumère les maux de fonctionnement concurrentiel du libre marché des soins (1)


le Lundi 12 Décembre 2022

Par décision datée du 14 mars 2022, et justifiée par le fait qu’elle intervient dans un contexte de généralisation de la couverture de l’Assurance Maladie Obligatoire d’ici la fin de 2022, le Conseil de la Concurrence s’est saisi d’office pour avis en vue d’étudier et d’examiner le fonctionnement concurrentiel du marché des soins médicaux dispensés par les cliniques privées et les établissements assimilés au Maroc.
Tout récemment, il vient de rendre publics les tenants et les aboutissants d’une telle initiative.
Des constats à prendre sérieusement en considération en vue de la bonne réussite des réformes majeures relatives au secteur de la santé au Maroc.
Détails



Dans le cadre de l’instruction de cet avis, le Conseil de la Concurrence avait mandaté un cabinet d’études afin de mener une enquête de terrain auprès d’un échantillon de 30 cliniques privées et 10 établissements assimilés, répartis sur l’ensemble du territoire national. En plus d’une étude documentaire et d’une série d’auditions menée avec les parties prenantes concernées.

Au tout début de son avis, ce Conseil plante le décor et apporte un certain nombre de précisions afférentes aux spécificités du marché des soins de santé : D’une part, ce marché comprend cinq principales composantes : le marché des soins, le marché de l’industrie pharmaceutique, le marché des équipements médicaux, le marché du financement de la santé (ou assurance santé) et le marché de la formation médicale et paramédicale.

Et d’autre part, les cliniques privées et les établissements assimilés ne disposent pas de textes législatifs et réglementaires qui leur sont propres dans la mesure où les dispositions les concernant et afférentes aussi à leur encadrement sont à rechercher dans plusieurs textes.

Ceci ne les empêche pas pour autant de se positionner en tant que composante essentielle dans le paysage de l’offre et de la demande de soins au Maroc.

Des chiffres révélateurs

Les chiffres font que le secteur privé de la santé comprend actuellement 52,3 % des médecins en exercice, 88,3 % des structures de soins de première ligne et 33,6 % de la capacité d’accueil en hospitalisation.

A en juger par les derniers comptes nationaux de la santé (2018), tels que reproduis par le Conseil de la Concurrence, les prestataires de santé du secteur privé drainent 69,8 % des dépenses courantes de santé contre 23,1 % pour les prestataires publics. Et leur capacité d’accueil aurait augmenté 4,8 fois au cours des trente dernières années (389 cliniques et 13 603 lits en 2020 contre 100 cliniques et 2803 lits en 1990).

Des barrières à l’entrée

N’empêche qu’en termes de fonctionnement concurrentiel du marché, le Conseil de la concurrence énumère des barrières à l’entrée et indique, à cet effet, qu’en dépit de la loi n° 131.13 ayant consacré l’ouverture des capitaux de ses structures aux investisseurs hors corps médical, des barrières structurelles à l’entrée du marché sont soulevées par les opérateurs. Il s’agit principalement du faible niveau des infrastructures de base de nombreuses provinces et préfectures, conjugué à la faible attractivité des professionnels de la santé.
Et ce, parallèlement au fait que la majorité des opérateurs approchée, pour les besoins de l’enquête, considère que malgré son ouverture, ce marché demeure aussi soumis à de nombreuses barrières structurelles, dont la complexité des démarches administratives auprès d’acteurs multiples, la rareté du foncier « équipement santé » obligeant les promoteurs à se tourner vers  celui commercial ou résidentiel nécessitant de longues et coûteuses démarches auprès des services communaux et d’ urbanisme.

En plus de la rareté des ressources humaines de santé profitant davantage aux cliniques déjà installées, et obligeant ainsi les nouvelles entités à se les procurer au détriment de leur rentabilité, moyennant un surplus de salaires et d’honoraires.

Des tarifs différenciés

En termes de tarification, la Conseil précise que conformément aux dispositions réglementaires, la tarification des honoraires et des actes médicaux est librement déterminée par les médecins, les cliniques et les établissements assimilés à l’exception de celle relative à l’AMO qui est administrée. Il note aussi que les tarifs des honoraires et des actes médicaux pratiqués sur le marché diffèrent sensiblement au sein des mêmes spécialités, mais aussi entre spécialités différentes.

Les tarifs sont aussi différenciés en fonction de l’emplacement des établissements et de la notoriété du praticien. Cette situation, conduit, certes à " écarter plausiblement des ententes entre les professionnels sur les tarifs des honoraires et des actes médicaux dans ce segment de marché". Mais "elle n’est pas de nature à soustraire certains comportements relevés, comme le non-respect de la tarification réglementée ou encore la perception de suppléments d’honoraires pouvant atteindre 50 % de ceux prévus par la Tarification Nationale de Référence".
 

Moult autres entraves à la concurrence

Bien d’autres pratiques susceptibles de créer des entraves à la concurrence sont énumérées par le présent avis dont le fait que dans la réalité des faits :

Les médecins exercent dans plusieurs cliniques au gré de facteurs tels que la performance du plateau technique offert, le niveau d'honoraires accordé parla clinique et le souhait exprimé par le patient ;

Les prestations réalisées au sein des cliniques et leur mode de facturation sont très souvent matière à contestation de la part des malades ou leurs familles ;

Les pratiques de captation de la clientèle/patientèle, moyennant des accords d’exclusivité passés entre les cliniques et les transporteurs (ambulanciers, taxis, etc.) mais aussi avec les médecins privés et publics et avec le personnel de la santé publique moyennant une commission pouvant atteindre 20 % de la facture des soins ; la pratique tant décriée du chèque de garantie ;

La pratique d’un paiement « au noir » objet de doléances de la patientèle, mais qui, aux yeux du Conseil, concernerait plus les médecins que les cliniques ;

Les pratiques relatives au double exercice ou le recours aux médecins du secteur public pour intervenir dans le secteur privé.


Qu’en est-il de la régulation ?

Selon les informations recueillies par le Conseil de la concurrence, la majorité des opérateurs mettent en exergue un grand déficit au niveau de la mise en œuvre et de la dynamisation de la tutelle du ministère de la Santé et de la protection sociale.

A en juger par cet avis toutes les missions de tutelle ne sont pas exercées, seules sont exercées par le ministère de la Santé les missions relatives à la délivrance des autorisations et à l’organisation des missions d’inspection.

Les autres missions, précise-t-on de même source, souffrent soit de l’absence de support réglementaire (retard d’édiction de certains textes d’application de la loi n° 131.13), soit du manque d’intérêt et de priorisation de la part du département de tutelle.
Bien plus, cet avis constate que, malgré la multiplicité des régulateurs et des mécanismes de régulation, aucune convergence n’est exercée entre eux.

N’empêche que "les contrôles menés par le ministère de la Santé et de la protection sociale entre 2018 et 2022 font ressortir une non-conformité de la majorité des établissements ayant fait l’objet de contrôles techniques aux normes techniques (70 % des cliniques privées) en 2022. Nonobstant la désuétude des normes techniques sur lesquelles se basent ces contrôles, le taux de non-conformité détecté est d’autant plus alarmant au regard des risques d’infections nosocomiales encourues par les patients hospitalisés lors de leur séjour ".

Volet des inspections, cet avis note que les règles d’affichage du conventionnement à l’AMO et celles afférentes aux tarifs appliqués sont très peu respectées.
En chiffres, 80 % des établissements objets d’inspection en 2022 ne respectent pas les règles d’affichage liées au conventionnement et 90 % ne respectent pas les règles d’affichage en matière de tarification pratiquée.

Qu’en est-il des impôts ?

A ce titre, cet avis met l’accent sur le fait que "les cliniques privées présentent des contributions fiscales, relativement basses. Les chiffres en sont la parfaite illustration dans la mesure où leurs contributions, à fin 2021, ne représentaient que 0,16 % de l’impôt sur les sociétés, 0,36 % de l’impôt sur le revenu et 0,003 % de la TVA. Parallèlement, 49,6 % d’entre elles ont déclaré un résultat déficitaire en 2021 ".

Et pourtant, comme le précise d’ailleurs le Conseil de la concurrence, "le croisement des chiffres d’affaires déclarés avec les recoupements en possession de l’Administration notamment ceux communiqués par l’ANAM, ont bel et bien révélé des écarts ".
C’est d’ailleurs ce qui a fait que 219 établissements ont été programmés à la vérification entre 2018 et 2022.
Résultat :

- 160 dossiers, soit 73 % des dossiers programmés ont été vérifiés et notifiés ;
- 129 dossiers des 160 vérifiés et notifiés, soit 81 % ont été soldés par voie d’accord à l’amiable pour un montant global de 109,7 millions de dirhams ;
- 56 sociétés, soit 26 % des dossiers programmés ont souscrit des déclarations rectificatives conformément aux dispositions fiscales en vigueur. Ces déclarations ont généré des recettes complémentaires de l’ordre de 37,5 millions de dirhams.





Lundi 12 Décembre 2022

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