Par Mustapha Sehimi
Voici quelques jours, le quotidien espagnol "La Vanguardia" a publié une synthèse d'un rapport du Centro National de intelligencia (CNI) sur la nature et l'articulation terroriste du "Polisario" et les menaces pesant sur la péninsule ibérique et la région. Une alerte faisant état de certains éléments séparatistes dans les groupes jihadistes (JNIM) et Daech (ISWAP) au Sahel. En majorité hispanophones, ayant vécu en Espagne, bien intégrés, ils sont éligibles à une radicalisation à bas bruits en Europe.
Alerte
Pour ce qui est de l'Espagne, ce rapport fait état de plusieurs attaques lors des décennies écoulées : attentat de Fos-boucrâa en 1976 avec l'explosion d'une mine terrestre faisant plusieurs blessés dont un militaire espagnol, les attentats sur le Cruz del Mar (1978) frappant un chalutier avec des pertes humaines, des prises d'otages aussi (2017) de soldats espagnols (Mahbès et Smara). Pourtant, malgré ces actes, Madrid n'a pas classé en 2017 le "Polisario" comme groupe terroriste. Tel n'est plus le cas aujourd'hui où le rapport fait état d'un faisceau d'éléments de fait : ils alimentent les craintes sur la montée d'une tendance extrémiste chez certains de ses membres (radicalisation au Sahel, alliances jihadistes, ...). Une situation alarmante ; elle est liée à l'identification de cellules radicalisées et des éléments ayant des postes opérationnels dans les groupes jihadistes au Sahel.
Cela dit, des observations complémentaires sont à faire. La première est celle-ci : le "Polisario" se positionne volontiers depuis un demi-siècle comme un "mouvement de libération nationale" - une construction qui ne trompe personne. Il utilise un discours étatique avec le paravent d'une entité fantoche, la " RASD’’ mais avec le recours à la violence armée; il est basé dans les camps de Tindouf en Algérie sans aucun contrôle territorial réel dans cette zone au-delà du mur relevant de la surveillance de la MINURSO. Si pour l'heure, le mouvement séparatiste n'est pas encore classé comme organisation terroriste, les critiques se multipliant pour considérer ses actions comme étant pratiquement assimilables à du terrorisme, en particulier celles visant des civils ou des entreprises étrangères. Ainsi des centres d'analyse sécuritaire tels certains think tanks européens ou américains évoquent de plus en plus des risques de dérive terroriste dans les camps de Tindouf. Des parlements, des partis aussi, aux États-Unis, en Europe et même au Japon, mettent l'accent sur la nécessité de considérer le mouvement séparatiste comme terroriste. Le parlementaire républicain américain, Joe Wilson, a ainsi déposé une proposition de loi dans ce sens. Quelque cinq cents éléments armés du "Polisario" ont été arrêtés à Alep, en décembre dernier, pour leur participation à la répression et aux exactions aux côtés des forces gouvernementales de Bachar El Assad. L'embrigadement de centaines de jeunes des camps de Tindouf dans des opérations au Sahel participe de cette implication terroriste.
L'on ne dira jamais assez le rôle de Cuba depuis des décennies dans une aide multiforme (militaire, formation, endoctrinement,). Elle se fonde sur une solidarité" idéologique "du régime de La Havane et elle trouve son fondement entre autres, dans un accord tripartite militaire de 1977 entre Cuba, 1'Algérie et le " Polisario"... S'opère par séquences successives une sorte de basculement du "Polisario" du séparatisme vers la galaxie terroriste régionale.
Clarification
La finalisation de la qualification de terroriste aurait des conséquences de divers ordres. Les unes sont diplomatiques, confortant la position marocaine mais rendant intenable celle de l’Algérie ; d'autres sont plutôt juridiques et le sécuritaires avec le blocage des financements d'ONG soutenant le "Polisario" ; enfin, la communauté internationale et en particulier le Conseil de sécurité seraient amenés à prendre leurs responsabilités, le mouvement séparatiste n'étant plus un interlocuteur dans le processus de règlement.
Une clarification bien venue pour circonscrire la question du Sahara marocain à deux seules parties, à savoir le Maroc et l'Algérie. Alors, les termes conséquents seraient sur la table, avec l'appui et le soutien de la grande majorité de la communauté internationale : prééminence du projet marocain d'autonomie, une solution crédible, réaliste et pragmatique négociée sur la base d'un compromis.
Rédigé par Mustapha Seimi sur Quid