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Le Positivisme d’Auguste Comte, une doctrine philosophique oubliée !




Par Ali Bouallou

Comme beaucoup de curieux, je suis avide de savoir, soucieux de trouver des réponses et des vérités dans ce long chemin de quête de moi-même et de l’élévation spirituelle que j’ai entamée depuis quelques années.

Dans ce chemin continu de quête, je me suis intéressé à la philosophie positive ou le positivisme porté par le philosophe français Auguste Comte (1798 – 1857). Je fais remarquer ici que ce courant aurait pu s’appeler par le nom de son fondateur, Comtisme, mais Auguste Comte se targuait d’avoir eu la modestie de ne pas avoir appelé sa philosophie par son nom.   

Ce mot positivisme dérive du latin ponere, qui veut dire « poser » ou « déposer ». Le participe passé de ponere est positus. Depuis le XIIIe siècle, « positif » signifie ce qui est « établi » par institution divine ou humaine. Au XVIe siècle, le terme désigne une connaissance fondée sur des faits et donc caractérisée par sa certitude.

Le positivisme est le système philosophique qui considère que l'homme ne peut atteindre les choses en elle-même (leur être, leur essence) et que seuls les faits expérimentés ont une valeur universelle.

Une première occurrence du mot « positif » est apparue dans le terme « sciences positives » publié en 1740 dans le livre « Essai sur l’histoire des belles-lettres, des sciences et des arts » de l’historien et archéologue français Juvenel de Carlencas Felix (1679 - 1760).   

Dans ce livre, l’historien écrit « l’objet des sciences est de nous faire admirer la grandeur, la bonté et la sagesse de l’Auteur de la nature », autrement dit, Dieu.

D’autres penseurs de l’époque, moins religieux pour ne pas dire anticléricaux, définissait le « positif » comme quelque chose d’incontestable fondé sur l’induction  et la vérification. 

La philosophe et romancière française Madame De Staël (1766 – 1817) appelle les sciences exactes « sciences positives » en faisant l’éloge de leur exactitude et de leur rectitude. Pour elle, la «philosophie des sciences positives» doit être basée sur une méthodologie scientifique qui guide la connaissance en vue d’un progrès accéléré.   

Le philosophe français Henri de Saint-Simon (1760 – 1825), mentor d’Auguste Comte, utilise le terme « positif » pour décrire ce qui est fondé sur des faits, des expériences, des observations, des raisonnements et des discussions. Il exhortait les savants de son époque à créer une synthèse positive, c’est-à-dire une nouvelle synthèse constructive de la connaissance scientifique. 

Henri de Saint-Simon a également proposé de faire de la « science de l’organisation sociale » une « science positive » fondée sur les théories de la connaissance du scientifique et philosophe français Condorcet (1743 – 1794). 

Je rappelle au passage l’une des idées novatrices de Condorcet, celle que filles et garçons doivent accéder à la même instruction car la vérité universelle est due à toutes et à tous, sans parler de la gratuité, de l’obligation, de la laïcité et de l'universalité de l'enseignement. Ainsi, Condorcet voulait étendre la méthode scientifique au domaine social.

En tant que scientifique et ingénieur, ancien élève de l’Ecole polytechnique, Auguste Comte avait pour objectif de créer un système social, moral et de pensée, à même de garantir en France la réorganisation de la politique et de la société postrévolutionnaires en vue d’une ère d’harmonie et de stabilité.   

Selon Comte, la reconstruction du monde postrévolutionnaire ne pourrait s’accomplir qu’en étendant la méthode scientifique, ou « positive », à l’étude de la société, dernier bastion des métaphysiciens et des théologiens.

Comte entendait faire de cette nouvelle étude de la société une science, la science de la société. 

Il exposa la loi principale de cette science dans sa première œuvre majeure, le Cours de philosophie positive publié en six volumes entre 1830 et 1842. 

Selon cette loi, chaque science comme l’esprit humain, suit trois modes de pensée : théologique, métaphysique et positif. Pour Comte, cette loi des trois états décrit les différentes phases de progrès parcourue par une civilisation donnée jusqu’à son terme c.à.d. l’état positif. 

Pour Auguste Comte, seuls les philosophes positivistes défendraient les intérêts de la société dans son ensemble car ils promeuvent l’idée que le savoir ne peut plus se fonder sur des spéculations métaphysiques mais que seuls les faits d’expérience et leurs relations peuvent être objets d’une connaissance certaine pour expliquer les phénomènes de l’univers. 

Il s'agit pour la philosophie positiviste de ne rien affirmer et de ne rien nier au delà de la sphère du sensible, c.à.d. de ce qui peut être perçu par les sens, et de l'intelligible c.à.d. de ce qui peut être perçu par l'intelligence. Ne connaissant ni l'origine des choses ni la fin des choses, il n'y a pas lieu pour les positivistes de nier qu'il y ait quelque chose au delà de cette origine et de cette fin, pas plus qu'il n'y a pas lieu de l'affirmer.       

Les positivistes ne peuvent rien affirmer et rien nier de surnaturel. Ils renvoient l’idée de Dieu aux régions inaccessibles de notre intelligence et relativisent la notion de Dieu en s’interrogeant sur la « cause première ». Ils définissent l’homme comme une créature appartenant à un ensemble et qu’il a des devoirs envers lui-même et ses semblables, le devoir d’instruire et de s’instruire en insistant sur la nécessité d’accroitre la bonté, la bienveillance et la moralité. 

Les adeptes du positivisme rappellent la nécessité de développer l’accès au savoir positif par l’éducation et justifient le refus du surnaturel par l’adoption de la sociologie, nouvelle science fondée par Auguste Comte.

Les disciples de Comte expriment ainsi leur attachement aux méthodes scientifiques de réflexion et d’action pour le progrès de la société.  

Le positiviste est un homme qui vit sa vie telle que la nature la lui accorde, avec ses joies et ses douleurs, l'occupant par le travail, la rehaussant par les arts et par les lettres et les sciences et lui assignant un idéal dans le service de l'humanité.

La devise première du positivisme est « Ordre et Progrès », à laquelle s’ajoutent « Vivre au grand jour » et « Vivre pour autrui ».

Il n’empêche que le positivisme a été doublement critiqué comme une pensée froide et déshumanisante d’une part, et comme une forme d’idolâtrie de la science d’autre part. Le positivisme a néanmoins, par son souci d’expliquer le « comment » et non le « pourquoi » des choses, favorisé le progrès du savoir, en particulier à la fin du XIXe siècle.
  
Les positivistes se sont organisés en plusieurs sociétés savantes de 1848 à 1906. La société savante positiviste créée par Auguste Comte en 1848 s’appelle la Société Positiviste. Ses membres se réunissaient une fois par semaine, le dimanche en général, de 19h à 22h, dans le domicile d’Auguste Comte 10 rue Monsieur-le-Prince dans le VIème arrondissement de Paris. Ce lieu est devenu le musée parisien du positivisme.      

Pendant près d’un siècle, le positivisme était un précieux instrument de culture morale. Il a prôné le désir de connaissance et d’une société éclairée et moralisée appuyée par une dimension spirituelle. 

Les maitres mots du positivisme sont : ordre, progrès et amour de l’Humanité. Ne sont-ils pas les principes majeurs d’un humanisme universel !?

L'avis de l'avocat du diable Adnane Benchakroun

À lire ce vibrant éloge du positivisme comtien, on croirait que la science seule peut suffire à organiser le monde, à consoler les âmes, à pacifier les sociétés. Pourtant, transposons cela au Maroc d’aujourd’hui, et les limites d’une telle pensée apparaissent bien crûment. Car enfin, peut-on réellement fonder l’ordre et le progrès sur le seul socle de faits mesurables, dans un pays où l’intangible — la baraka, le rêve, la foi, le lien au sacré — structure encore en profondeur les imaginaires et les solidarités ?

Comte aurait sans doute peiné à comprendre nos zaouïas, nos marabouts, ou même notre attachement populaire aux fêtes religieuses, vécues moins comme des dogmes que comme des rituels communautaires. Certes, l’idée de développer une éducation scientifique rigoureuse et un esprit critique éclairé est salutaire — surtout dans un système éducatif marocain en mal de réforme.

Mais que reste-t-il d’une sagesse qui bannit le mystère ? Comment répondre, avec des équations et des données, aux aspirations métaphysiques d’une jeunesse marocaine en quête de transcendance et d’identité ? Le positivisme semble oublier qu’une société ne se résume pas à des structures rationnelles : elle vit de symboles, de mémoire et d’affects.

Et au fond, n’est-ce pas une forme de naïveté que de croire que le progrès moral viendra d’une foi inébranlable dans la méthode ? L’histoire du Maroc nous enseigne que l’humain ne se laisse pas réduire à des régularités observables. Pas plus que l’avenir ne se programme avec des lois.



Mardi 13 Mai 2025


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