Une voie ancienne pourrait s'avérer étonnamment moderne : le compagnonnage.
Il est temps de repenser tous cela et également de regarder ce qui se passe ailleurs dans les pays où l'enfance et ses droits sont parfaitement protégés, mais où il n'est pas interdit d'apprendre un métier en atelier, bien au contraire.
En Suisse ou en Allemagne, le système dit « dual » associe enseignement théorique et pratique en entreprise. Il permet aux jeunes d'acquérir une qualification reconnue tout en participant à la vie productive du pays. C'est par exemple le pilier incontournable de l'excellence suisse en horlogerie.
Ce modèle d'apprentissage valorise la transmission et la rigueur du geste, et permet de maintenir en vie des professions manuelles et artisanales, tout en imposant le chômage des jeunes. Or, aujourd'hui, force est de constater que bon nombre de métiers traditionnels marocains sont en perte de vitesse et risquent la disparition faute de Maâlems.
Le compagnonnage met au cœur de la formation la relation entre le maître et l'apprenti, la mobilité entre ateliers, ainsi que la réalisation de chefs-d'œuvre auxquels l'apprenti participe fièrement et voit se concrétiser ses efforts, dont l'appréciation du client est l'indice unique d'évaluation. Les écoles de formation professionnelle ne peuvent offrir une telle approche émotionnelle avec les métiers. Le compagnonnage valorise la patience, l'excellence et la fierté du métier : des valeurs qui résonnent avec la culture artisanale marocaine.
Au Maroc, la situation est étonnamment paradoxale.
Le résultat est sans équivoque, des ateliers où se transmettaient autrefois les savoirs du bois, du cuir ou du métal fermenter les uns après les autres, faute de pouvoir accueillir des apprentis sans enfreindre la loi, alors que des centaines de milliers de jeunes sont abandonnés à la rue et ses risques.
Cette confusion entre « exploitation » et « formation pratique » prive aujourd'hui des centaines de jeunes d'une voie d'apprentissage réel, et fragilise un pan entier du patrimoine artisanal national. Afin de récupérer au plus vite cette force historique pour l'absorption des NEET, un cadre juridique revisité, adapté et souple est une urgence. La leçon peut encore une fois nous venir d’Europe. Les comparaisons internationales peuvent nous offrir un éclairage précieux.
En Suisse, la formation professionnelle repose sur une véritable alliance entre écoles, entreprises et collectivités locales. L'apprentissage y est valorisé comme une voie d'excellence. Les jeunes ont la possibilité et la chance d'alterner cours et pratique en atelier. Ils ont acquis une solide expérience et obtenu un certificat fédéral reconnu. Ce système assure une insertion rapide sur le marché du travail, tout en garantissant une protection claire des mineurs et une reconnaissance institutionnelle du statut d'apprenti. Le résultat de ce pragmatisme est que les métiers manuels et artisanaux y demeurent vivants et respectés.
En Allemagne, le modèle dual associe également formation théorique et apprentissage en entreprise.
Le Maroc, en revanche, peine encore à structurer cette articulation entre apprentissage et formation. L'apprentissage artisanal y reste largement informel, soumis à une législation restrictive qui tend à confondre accompagnement formatif et travail illégal. Si la protection des mineurs est globalement forte, elle demeure floue dès qu'il s'agit de formation pratique. Cela a pour conséquence une insertion inégale des jeunes selon les secteurs, alors que de nombreux métiers traditionnels pourtant créateurs de richesse, sont aujourd'hui menacés de disparition faute de relève.
La philosophie directrice de la réforme nécessaire aujourd’hui, devrait être la réhabilitation du rôle du Maalem.
Le Maroc dispose heureusement d'un atout inestimable : son réseau d'artisans maîtres, ou Maâlems, gardiens de traditions séculaires dans la ferronnerie, la bijouterie, la menuiserie ou la poterie. Redonner une place légale et formatrice à ces maîtres serait un premier pas vers la création d'un compagnonnage marocain, adapté aux réalités locales et tourné vers la modernité.
Cela impliquerait de réformer la loi sur le travail des enfants pour distinguer l'apprentissage structurant, du travail précaire, et de créer des passerelles institutionnelles entre l'artisanat traditionnel et les programmes de formation professionnelle formelle.
C'est une voie d'avenir pour les jeunes NEET et ces milliers de jeunes marocains déscolarisés.
Et puis n'oublions pas que c'est ainsi que Fès était une ville industrielle, que Marrakech a gardé une authenticité qui lui donne son cachet particulier, que Ouarzazate est Ouarzazate ou que Chefchaouen soit Chefchaouen.
Encadré par l'État, reconnu par les institutions et soutenu par des incitations locales, ce modèle pourrait contribuer à redonner espoir à une jeunesse en quête de sens, tout en préservant les métiers patrimoniaux qui font la richesse culturelle du Maroc, ce qui le distingue et ce qui fait sa force.
PAR AZIZ DAOUDA/BLUWR.COM












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